GRANDS OU GROS FUMEURS (SIC)
Ce matin, en me levant, j’étais en train de me dire que, parmi les gens qui avaient déjà plus de vingt ans à la fin de la guerre, ou au début des années cinquante, le nombre de chanteuses et de chanteurs et autres artistes dits de variétés, qui étaient des fumeuses et des fumeurs (je ne parle pas de fumistes, il semblait ne pas en avoir autrefois), le nombre de chansonniers et chansonnières * donc, comme on devrait les appeler, était conséquent.
Mais comment s’en étonner quand fumer était encore très répandu dans la société. Et généralement pas avec n’importe quel « petun » (« butun » en breton). Du gris roulé ou pas. Et la prise était encore pratiquée couramment en ces temps qui a vu le développement considérable du paquet de cigarette tout prêt, sans parler de l’explosion de la cigarette américaine de nos envahisseurs. La chique, quant à elle, a semble-t-il disparu plus tôt des usages courants.
Certains ont eu ( je ne sais pas si c’est du meilleur goût, ou du moins c’est d’un certain goût disons baroque pour demeurer positif) de chanter le tabac, comme autrefois des poètes aux temps où il apparaissait en nos contrées.
Chanson de 1964 – Ferré chante La Gauloise, « chanson d’amour » dans laquelle il s’adresse à la cigarette comme à une amante.
Enfin, toujours est-il que plus d’un de ces artistes connus, moins connus ou inconnus dudit « grand public », a abrégé sa vie à cause du tabac. Parmi les plus connus, Brassens, Ferré, Catherine Sauvage, par exemple. D’autres en sont morts directement comme Brel ou Pia Colombo. D’autres enfin, ont cumulé tabac et alcool, et ont également anticipé leur mort comme Lapointe, Fanon ou « Monsieur cent mille volts », Bécaud.
Mais il faut dire que tous ont vécu, du moins à leurs débuts et certains pendant longtemps, voire tout le temps, essentiellement à et de Paris. Tous et toutes, ou presque, sont passées par le gril, souvent intraitable, des cabarets (« rive gauche » ou pas), du moins dans les jeunes années de leurs carrières. Comme les humoristes d’ailleurs, du temps où il en existait encore de conséquents. Et certains même, n’en sont jamais vraiment sortis.
Les cabarets et autres bouis-bouis, cafés-théâtres et soupentes, dans les caves de Saint-Germain et d’ailleurs. Lieux généralement très étroits, confinés, enfumés, enivrés et clos. À l’air jamais renouvelé et constamment vicié.
Chanson de 1969 – Ferré à nouveau. C’est extra : « Et puis, ces cris qui mont’nt au ciel / Comme une cigarett’ qui prie ».
Certains ont peu bougé de Paris. Y compris les chanteurs dits régionaux ou régionalistes contraints de « monter à Paris » comme les étrangers venus en fRance. La fin de la guerre n’a fait qu’accentuer le centralisme jacobin et fait plus ou moins disparaître, ou pour le moins régresser des centres culturels dans le Midi en particulier, Toulouse, Marseille (grands centres de l’opérette et du cinéma de l’entre-deux-guerres en particulier).
Chanson de 1972 – Reprise de la Chanson de 1964 sous le titre nouveau de : La Gitane.
D’autres ont effectué plus ou moins des tournées « en province » comme on dit, au sein entre autres de « maisons de la culture », ou de « maisons de la culture et de la jeunesse », ou encore de « maisons de la culture et de l’éducation permanente » (celle que j’ai connue et quelquefois fréquentée a été abattue et transformée en immeuble de rapport, je crois).
D’autres ont fréquenté plus ou moins l’étranger. Mais même parmi les plus connus des « artistes de variétés », certains ont ignoré plus ou moins la province. Je n’ai jamais vu ou entendu que Brassens par exemple soit passé dans ma région. Ce qui ne fut pas, à l’inverse, le cas de Ferré, pour rester dans des très connus.
Chanson de 1977 – « Quand je fum’rai autre chos’ que des Celti-ques ».
« Alors, nous fum’rons nos dernières cartou-ches ».

Les Celtiques, créées par feue la SEITA en 1933, étaient des cigarettes courtes à gros module (diamètre), fabriquées avec du tabac brun français Caporal.
Ce tabac français était plus fort que celui des Gauloises et des Gitanes, de plus le grand diamètre des cigarettes augmentait la quantité de fumée inhalée.
Ces cigarettes n’existent plus à la suite de la réglementation européenne sur le contenu de nicotine et de goudron tolérés dans une cigarette.
*Surtout en un temps qui a vu la disparition quasi complète des caveaux et autres greniers de cette corporation ; et avec eux ses membres dénommés par le fait chansonniers : ces amuseurs bon enfant à jeux de mots, bouts-rimés, chansonnettes et critiques généralement gentilles, juste un peu impertinentes ou moqueuses, un peu grinçantes parfois, sur les travers des hommes et sur l’actualité.
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