Simple note (en gros) sur ce que pourrait être un démantèlement et/ou une partition plus ou moins fédérale de l’Ukraine.
Mon but n’est pas ici de développer, mais de rappeler sur quelques bases pourrait être « découpée » l’Ukraine si la Russie en a envie (écouter ce que dit Xavier Moreau vers la fin de sa dernière vidéo).
Ceci reste très schématique et hypothétique et n’entend pas être un répertoire des langues parlées en Ukraine. J’ai un article en préparation sur le sujet (fort compliqué!). Je n’évoque ici que des langues des États voisins de l’Ukraine. Et je n’en parle que par rapport à l’Ukraine. Je n’évoque pas les minorités nationales autour de l’Ukraine. Ce si vaste et compliqué sujet.
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Il apparaîtrait que des locuteurs du hongrois dans deux petites régions de l’extrême Sud-Ouest de la partie Ouest de l’Ukraine désireraient rejoindre la mère-patrie. Ces Magyars se trouvent tout le long de la frontière de l’oblast (région administrative) coloré en bleu sur cette carte. Y compris du côté de la frontière hongro-slovaque, mais c’est un autre problème. Dans cette zone trans-carpathique se trouve également des locuteurs de ruthène moderne (ou rusyn), un slave plus « archaïque » et conservateur que l’ukrainien.

S’il prenait la même envie aux roumanophones d’Ukraine, il faudrait revoir la frontière du côté de l’oblast coloré en vert, pour les réintégrer comme ils le furent un temps autrefois en Moldavie roumaine ou en Moldavie indépendante, et aussi plus marginalement du côté de la portion d’Ukraine qui empêche la Moldavie indépendante d’avoir un débouché sur la Mer Noire, au Sud-Ouest d’Odessa. Et peut-être également plus à l’Est de la Transnistrie russe contemporaine, où la Moldavie a perdu des territoires. Mais se serait une enclave.
Pour être plus ou moins complet dans le domaine des langues à États entourant l’Ukraine, il convient d’ajouter qu’il existe :
– très généralement à la frontière, tout à l’Ouest, des minorités polonophones qui remontent au temps où tout l’Ouest de l’Ukraine était sous domination polonaise (actuelle Ukraine ultra-nationaliste),
– à la frontière avec la Biélorussie, quelques populations biélorussophones,
– et sur toute la portion qui part de l’extrémité nord-est jusqu’aux oblasti (ex oblasti puisque républiques autonomes) du Donbass, le long de la frontière avec la Russie, des populations russophones.

polonais
On pourrait ajouter à ce niveau, car c’est très lié à l’Ukraine, l’existence de la Transnistrie (voir carte ci-dessous) sur au moins une moitié de la frontière entre la Moldavie et l’Ukraine, mais du côté moldave. Où les Russes ont fait plus ou moins sécession. Reste du temps où cette contrée était ukrainienne, avant l’un des nombreux découpages du XXe siècle. Zone industrielle celle-ci aussi comme pour le Donbass, etc.

Le coloré en violet de la première carte, sur la presqu’île de Crimée, rappelle qu’il existe en cette zone des tatarophones, reste des populations tatares victimes des purges et des déportations staliniennes (le tatar est l’une des langues turques) de très vieille implantation (Xe / XIe siècles) comme il en existe encore quelques reliquats de population au Sud de l’Ukraine ou des deux Moldavie.
Les tatars sont reconnus comme minorité nationale par la Fédération de Russie. Donc ici pas de revendication linguistique à prévoir. Tandis que Sébastopol tout au Sud-Ouest de la Crimée est quasiment intégralement russophone. Vieux port russe, militaire en particulier, depuis plusieurs siècles.
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Toute la zone mauve-rose définit le secteur de l’Ukraine où la langue russe est plus ou moins largement parlée ou comprise, en particulier dans les relations bilingues et dans les villes. Tant par des personnes qui se disent ukrainiennes que par des personnes qui se disent russes.
Sachant que l’on peut se dire ukrainien ou russe sans l’être ethniquement parlant. Étant également entendu qu’au dixième siècle, voir plus près encore, il n’y avait qu’un seul peuple russe (la Rousskaya Zemlya – rousskay zimlya —, la Terre Russe centrée au départ sur Kiev et sa région), réunissant les Russes d’aujourd’hui, les Ukrainiens et les Biélorusses (dont la langue est de plus en plus marginalisée au profit du russe jugé plus prestigieux et moins « régional » en Biélorussie).
Étant aussi entendu que le peuplement moderne de Russes en Ukraine date, pour un bon nombre, d’il y a deux ou trois siècles avec le développement industriel. Ce qui explique en partie l’opposition Nord-Ouest / Sud-Est en Ukraine. La ville de Kharkov et environs, seconde ville du pays, le Bassin minier du Don (Donbass) les ports au Sud, dont Odessa, ou encore la Transnistrie moldave, forment une bonne part des zones industrielles et de commerce extérieur. Ajoutons Kiev/Kyiv (prononcé quelque chose comme : kiiyô) « de sang mêlé ».
Ce qui explique aussi en partie la double opposition : russophones/ukrainophones d’un côté et villes/campagnes de l’autre. En simplifiant à l’extrême : le russophone des centres urbains et industriels et l’ukrainophone (parlant un dialecte et non pas une langue unifiée) du monde rural et agricole (grand pays de cultures céréalières sur les plaines et les steppes).
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Mais présentement, le grand problème en Ukraine ce n’est pas la « philie ». Mais la « phobie ». Un petit tableau très simplifié.
Ethniquement | Linguistiquement | « philiquement » | « phobiquement » |
UK | UK | UK | Anti-Russes & anti-russe |
UK | UK | UK | Plus ou moins neutre |
UK | UK | neutre | id |
UK | UK | RU | id |
UK | Bilingue | RU | id |
UK | RU | RU | id |
RU | UK | UK | id |
RU | Bilingue | UK | id |
RU | RU | UK | id |
RU | RU | neutre | id |
RU | RU | neutre | anti-néo-nazis |
Les Ukrainiens, ethniquement, linguistiquement, et « philiquement » qui sont anti-Russes (les personnes) et anti-russe (la langue) se tiennent avant tout dans le Nord-Ouest de l’Ukraine.
Les Russes d’origine ou pas et russophones ne sont pas des ukrainophobes (ou pas encore, on verra à la fin de cette opération de libération), qui sont Donbassiens mais pas que, loin de là (tout l’Est et tout le Sud au moins pour une part), sont ce que l’on appelle dans son vrai sens originel (pas dans le sens édulcoré, fourre-tout ou anachronique de l’Occident dégénéré) des anti-fascistes.
Ce qui en font des ennemis tous désignés pour les banderistes réaffirmés actuels (implantés avant tout au Nord-Ouest), sur un fond d’adéquation fausse : Russe = stalinien — Au fait, c’est le groupe « communiste » de la Douma (le parlement de la fédération russe) qui a initié une demande d’intervention en Ukraine auprès de Poutine. Comme quoi la dernière guerre (la Seconde) impose encore ses effets de nos jours. Dans un camp comme dans l’autre.
J’ai écrit plus haut que l’ukrainophone parle encore avant tout une langue dialectale permettant selon les endroits une intercompréhension plus ou moins grande. Et donc, le problème de l’ukrainen, en tant que langue, est qu’il existe bien une langue unifiée or, elle n’est qu’une langue littéraire et est très peu parlée, même par ceux qui l’ont apprise à l’école, si ce n’est par des intellectuels entre eux. Le phénomène dialectal est encore très puissant.
Enfin, je n’en dis pas plus ici sur le sourjyk (ou sourzhyk) qui est un créole, ou qui sont plutôt des créoles différents selon les endroits, des mixtes d’ukrainien et de russe. De plus … j’ai évoqué plus haut le « sang mêlé » kiévien, c’est le mot puisqu’il est tout à fait courant, me disent les linguistes et ukrainologues, qu’une conversation à Kiev et ses banlieues (cf. la petite zone rose/mauve au centre Nord de la carte, sur le Dniepro/Dniepr) se passe dans un curieux bilinguisme qui mêle à des phrases ukrainiennes des phrases russes.
Des phrases russes d’Ukraine pour être plus précis (comme on pourrait différencier un français de France d’un français des îles, du Canada ou des divers pays francophones d’Afrique, etc.), c’est-à-dire une langue russe marquée par des particularismes, des ukrainismes et même, semble-t-il, un accent propre. Ses ukrainismes relèvent, dit-on, du domaine du lexique courant ; tandis que l’essentiel des termes ukrainiens de la « modernité » (technologique en particulier) sont des emprunts au russe.
Cette carte plus bas qui est une carte politique (le résultat du second tour de l’élection présidentielle de 2010 où Ianoukovitch pro-russe du Parti des Régions (en bleu), « déposé » lors du coup d’État américano-otano-soroso-bandériste de 2014, a battu Timochenko (en jaune), « la princesse du gaz ») pourrait donner une idée d’une possible partition du pays. Une fois la démilitarisation de l’Ukraine achevée et sa neutralité assurée, les deux républiques du Donbass définitivement reconnues indépendantes et la Crimée définitivement reconnue comme rattachée à la Russie (comme avant que Khrouchtchev ne l’offre à l’Ukraine en 1954).
Une partie Nord-Ouest et une partie Sud-Est. Ou une partie Extrême-Ouest et une partie centre-Nord avec Kiev et une partie Sud-Est. Du genre fédération peut-être.
Il y a peut-être aussi en suspens le statut de la langue russe dans la Constitution ukrainienne.

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