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À PROPOS DE LA TRANSNISTRIE

24 février 2023

On l’avait quelque peu oubliée, après une période vers le printemps ou l’été derniers, quand des kiéviens ont réalisé quelques sabotages vains sur ce territoire autonome pro-russe, mais non reconnu par l’ONU. Mais voilà que l’affaire, que le cas transnitrien revient sur le tapis, non pas de la diplomatie mais de la guerre impérialiste étasunienne.

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De Sputnik Afrique du 23 02

L’Ukraine a commencé à se préparer à une invasion dans la Transnistrie, une république autoproclamée sur le territoire moldave où se trouvent des soldats de la paix russes, a annoncé le ministère russe de la Défense.

Moscou signale une concentration de troupes ukrainiennes à la frontière avec la Transnistrie, cela présente une menace pour les soldats de la paix russes déployés dans cette république autoproclamée sur le territoire moldave, a annoncé ce jeudi 23 février le ministère russe de la Défense.

« Le régime de Kiev a intensifié ses préparatifs pour une invasion en Transnistrie. Cette action de l’armée ukrainienne se déroulera en réponse à une prétendue offensive des troupes russes depuis le territoire transnistrien », a indiqué le ministère.

Selon le ministère, l’armée ukrainienne déploie des pièces d’artillerie sur les positions de tir et masse des effectifs et des équipements militaires à la frontière. Des drones militaires ukrainiens ont intensifié leurs vols dans la région.

« Les forces russes répondront de manière adéquate à la provocation imminente de la partie ukrainienne », a ajouté le ministère de la Défense.

Plus tôt dans la journée, le ministère a annoncé que Kiev préparait une provocation armée contre la Transnistrie. Selon la Défense, des membres du groupe nationaliste Azov* y seront également impliqués. Comme prétexte à l’invasion, l’Ukraine prévoit d’imiter une « offensive des troupes russes » depuis le territoire de la Transnistrie. Des saboteurs ukrainiens se feront ainsi passer pour des soldats russes en enfilant des uniformes militaires de l’armée russe.

Le conflit en Transnistrie

La Transnistrie, peuplée à 60% par des Russes et des Ukrainiens, a demandé la sécession de la Moldavie avant même l’effondrement de l’URSS, craignant que la république [moldave] ne rejoigne la Roumanie. En 1992, après une tentative infructueuse des autorités moldaves de régler le problème par la force, Chisinau [capitale de la Moldavie] a perdu le contrôle de cette région à l’issue d’un conflit armé entre forces moldaves et locales.

La sécurité dans la République moldave du Dniestr, non reconnue par la communauté internationale [sic], est assurée par une mission conjointe de maintien de la paix qui comprend entre autres des militaires russes.

*Organisation terroriste interdite en Russie

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(jpf) Sur la Transnistrie contemporaine, car il en a existé d’autres formes territoriales par le passé, autrement dit sur Republica Moldovenească Nistreană, en roumain, Приднестровская Молдавская Республика (Pridnestrovskaya Moldavskaya Respublika) en russe, la république moldave du Dniestr ; et en particulier, sur un fait d’histoire contemporaine dont les détails m’étaient passés complètement à côté, comme pour beaucoup de gens :

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Réseau Voltaire | Paris (France) | 21 février 2023

Bientôt la seconde manche
La défaite de l’Ukraine ne signifie pas la fin de la guerre
par Thierry Meyssan

On raisonne à tort en pensant que la défaite du président Zelensky à Donetsk et à Lougansk, à Kherson et Zaporijjia, puisse marquer la fin des combats. Face à la résistance que Moscou a rencontrée pour faire appliquer la résolution 2202 du Conseil de Sécurité, le président Poutine a déclaré qu’il lui restait à libérer Odessa et à joindre la Transnistrie.

C’est précisément ce que cherche le Pentagone depuis 2019. D’ores et déjà, il prépare une seconde manche en Moldavie. Non pas qu’il veuille défendre les Ukrainiens, puis les Moldaves, mais parce qu’il entend dépouiller ses propres alliés.

Les chiffres du Mossad, selon Hürseda Haber © Voltaire, actualité internationale – N°27 – 10 février 2023

Les chiffres de l’Alliance atlantique, relayés par les agences de presse occidentales, permettent de penser que le peuple ukrainien est uni et résiste grâce aux armes occidentales. Cependant, ceux du Mossad, diffusés par le site turc Hürseda Haber attestent qu’ils sont sans rapport avec la réalité.

Ce phénomène n’est pas nouveau. Pour avoir édité durant la guerre du Kosovo un bulletin quotidien relayant les dépêches des agences de presse occidentales croisées avec celles des agences de presse des Balkans, je n’en suis pas surpris.

L’Otan a une longue expérience du mensonge à ses concitoyens. Il ne s’agit pas ici d’exagérations, mais bien de mensonges éhontés. Les lecteurs plus âgés se souviennent qu’ils ont conquis le cœur de tous les Occidentaux, y compris de ceux qui les ont imaginés. À la fin de ce conflit, l’Alliance accepta généreusement de laisser les restes de l’armée serbe (on disait « yougoslave » à l’époque) se replier sous la protection de l’armée russe. C’est alors qu’à la stupéfaction de tous, on vit quantité de chars et d’avions sortir intacts de leurs abris souterrains.

Il n’est certes pas possible, durant une guerre, de savoir les choses avec précision sur un champ de bataille. Les armées elles-mêmes comptent leurs pertes, mais ignorent si les hommes manquants sont morts ou blessés, prisonniers ou en fuite. Les officiers doivent toujours décider dans le flou de la guerre, sans jamais disposer de statistiques précises comme il en existe en temps de paix.

Quoi qu’il en soit, tandis que les gouvernements savent tous que la Russie a gagné et qu’elle continuera à libérer la Novorossia jusqu’à la Transnistrie, certains font semblant de croire qu’elle va envahir la Moldavie comme elle l’a fait en Ukraine. Peu importe qu’à la dissolution de l’URSS, la Transnistrie se soit proclamée indépendante comme la Crimée. L’essentiel est de continuer à présenter la Russie comme une tyrannie conquérante qui dévaste tout sur son passage.

La Transnistrie, c’est cette vallée en rouge, entre la Moldavie et l’Ukraine.

[(jpf) Le long du Nistru en roumain, du Dniestr en russe, du Dnister en ukrainien et du … Danaster/-tri ou Danaster/-rus/-ri ou Danasteris en latin ; toute petite entité d’un peu plus de 4000 km2, capitale Tiraspol, qui a l’avantage si l’on peut dire de jouxter l’oblast largement russophone d’Odessa. Et de posséder sur son territoire un très important arsenal, dépôt d’armes à Colbasna, au Nord de ce territoire, de l’époque soviétique, à moins qu’il n’ait déjà été rapatrié, du moins en partie en Russie]

Aussi faut-il rappeler que, lorsque la Moldavie s’est proclamée indépendante, elle a reconnu nulles et non avenues les conséquences du Pacte germano-soviétique de 1939, notamment le rattachement de la Transnistrie à son entité politique [1].

Pourtant peu de temps après, elle l’a revendiquée comme son propre territoire. En juin 1992, le colonel Howard J.T. Steers, officier du Renseignement militaire US et conseiller de l’Alliance atlantique, coordonna une opération militaire pour conquérir la Transnistrie. Pour cela, il ne se contenta pas de la petite armée moldave, il mobilisa l’armée roumaine et de nombreux prisonniers de droit commun roumains.

La Transnistrie était une petite vallée bénéficiant d’un micro-climat qui en avait fait une base secrète du complexe militaro-industriel soviétique. Elle était donc peuplée à la fois de ses habitants originels, mais aussi de nombreuses familles de scientifiques soviétiques. Elle était protégée par une petite base, celle de la 14° armée soviétique. Le président russe, Boris Eltsine, refusa de défendre la Transnistrie comme il refusa l’adhésion de la Crimée à la Fédération de Russie.

La 14° armée, désormais russe, plus d’1 millier d’hommes, reçut l’ordre de ne pas intervenir. Mais des milliers de femmes transnistriennes assiégèrent la base militaire. Les soldats russes ne tirèrent pas contre elles, mais désobéirent aux ordres du président Eltsine et les laissèrent entrer. Elles s’emparèrent de 1 000 kalachnikov, d’1,5 millions de cartouches et de 1 300 grenades. C’est ce peuple en arme qui repoussa l’armée roumaine encadrée par le colonel Steers.

Cette défaite de l’Alliance atlantique n’a jamais été racontée en Europe. Il faut avoir été sur place pour la connaître [2]. Elle a si fortement frappé ceux qui l’ont vécue que certains ont changé de camp. Ce fut notamment le cas du chef de poste de la CIA, Harold James Nicholson, qui, dans les mois suivants, se mit au service du KGB russe, dont il devint un des plus importants informateurs.

La Transnistrie se dit aujourd’hui la seule héritière de l’Union soviétique dont elle conserve les meilleures pratiques, sans ses aspects autoritaires et bureaucratiques.

Lorsque la Rand Corporation a planifié l’actuelle guerre en Ukraine, elle a briefé les Représentants au Congrès. C’était le 5 septembre 2019. Elle s’est appuyée sur deux rapports [3]. Elle y explique que l’objectif de l’opération doit être de provoquer la Russie pour qu’elle se déploie au delà de ses frontières, alors qu’elle ne peut déjà pas les défendre. Il faut donc la contraindre à entrer en Ukraine, puis en Transnistrie.

Il faut comprendre ce que fait le Pentagone, non pas en regard de la situation imaginée par les agences de presse occidentales, mais des plans de la Rand Corporation, en l’occurrence une manche supplémentaire autour, non plus de la Novorossia, mais de la Transnistrie.

L’Union européenne organise depuis plusieurs années le blocus de la Transnistrie en s’appuyant sur l’Ukraine et la Moldavie, deux États qui n’ont pas adhéré à l’UE. © Union européenne

Le ministre de la Défense US, le général Lloyd Austin, continue à pressurer ses alliés pour qu’ils cèdent leurs armes et leurs munitions, jusqu’à ce qu’ils soient exsangues (et donc encore plus demandeurs de sa protection). Simultanément, il vient de les contraindre à accepter de modifier le fonctionnement de l’Otan. Celle-ci peut désormais se transformer en une « coalition de volontaires » pour des opérations hors article 5 (c’est-à-dire ne répondant pas à une agression contre un de ses membres). Cela n’a rien de nouveau. C’était déjà le cas avec l’opération contre la Libye. À l’époque, les membres de l’Alliance qui s’opposaient à cette guerre avaient été tenus à l’écart, tandis que d’autres comme le Qatar, y avaient été associés. Cette fois, l’Otan agira sans avoir à violer ses propres statuts. Dans la pratique, cela veut dire que le Conseil atlantique a perdu tout pouvoir. Un Allié ne peut plus s’opposer à une entrée en guerre de l’Otan, puisque les USA utiliseront quand-même les moyens de l’Otan avec une coalition de volontaires.

La défaite de l’Ukraine, qui a déjà perdu le Donbass et quatre oblasts, ne signifie donc pas la fin de la guerre. Alors que le Kremlin a déjà expliqué qu’il lui restait à libérer Odessa et à effectuer ainsi le lien avec la Transnistrie, l’Otan peaufine son discours. Il s’agit de créer la confusion entre la Transnistrie (dite « République moldave du Dniestr ») et la Moldavie. Puis de faire accroire que l’Ours russe a envahi cette dernière.

Thierry Meyssan


Notes :
[1] « Declaraţia de independenţa a Republicii Moldova », Romania libera, 28 août 1991, p.8.
[2] « En 1992, les États-Unis tentèrent d’écraser militairement la Transnistrie », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 17 juillet 2007.
[3] Overextending and Unbalancing Russia, James Dobbins, Raphael S. Cohen, Nathan Chandler, Bryan Frederick, Edward Geist, Paul DeLuca, Forrest E. Morgan, Howard J. Shatz, Brent Williams, Rand Corporation, April 2019. Voir aussi les détails du plan dans Extending Russia : Competing from Advantageous Ground, Raphael S. Cohen, Nathan Chandler, Bryan Frederick, Edward Geist, Paul DeLuca, Forrest E. Morgan, Howard J. Shatz & Brent Williams, Rand Corporation, May 25, 2019.

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(jpf) Autre information qui semble indiquer que les kiéviens se préoccupent également d’autres terres autrefois russes, avant le façonnage délirant de l’Ukraine par les bolcheviques (dans les années 20 en particulier) :

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D’après Erwan Castel :

FLASH INFO

Les forces armées ukrainiennes procèdent à un transfert à grande échelle de leurs forces vers les frontières avec la Russie près des régions de Briansk et de Koursk.

Dans un message officiel du commandement des forces armées ukrainiennes aux habitants des régions du nord de l’Ukraine, il est demandé d’arrêter l’enregistrement de photos et de vidéos et la diffusion d’informations sur le mouvement à grande échelle d’équipements et de personnel de la Forces armées ukrainiennes dans les régions de Tchernigov et de Soumy.

Comme indiqué, cela peut nuire à l’exécution des tâches, mais cela ne dit pas quelles tâches.

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(jpf) Tchernigov (290.000 habitants, 90.000 seulement en 1960) et Soumy (260.000 habitants, près de 100.000 habitants en 1960) se trouvent au Nord-Est de l’actuelle Ukraine. Tchernigov est l’une des plus anciennes villes de la Rus’ de Kiev, passée sous domination lituanienne à compter de 1370, puis russe à compter de 1503, puis polonaise en 1611, puis à nouveau russe à partir de 1654. Elle a connu deux périodes particulièrement sombres entre 1918 et 1919 quand elle fut sous domination de la dictature ultranationaliste ukrainienne, et pendant la Seconde guerre mondiale, un lieu d’exactions contre les Juifs en particulier, la ville au trois-quart détruite fut libérée par l’Armée rouge.

Soumy, située à trente kilomètres de la frontière russe, est une ville beaucoup plus récente. Elle a été fondée en 1652 par les Cosaques pour se protéger des attaques des Tatars de Crimée. Puis, suite à l’intégration des Cosaques à l’empire russe, la ville devint russe. Centre économique important, une gare y fut ouverte en 1878. Comme la ville précédente, elle subit l’occupation allemande entre 1941 et 1943, elle connue d’importantes destructions et fut libérée par l’Armée rouge.

Il faut savoir qu’il existe des mouvements de concentrations de matériels militaires et de troupes depuis plusieurs mois de l’autre côté de la frontière biélorusse qui touche l’oblast de Tchernigov. Et qu’il existe également diverses velléités de provocations ou certaines plus marquées de la part des kiéviens à cette même frontière ukro-biélorusse.

Il ne faut pas oublier enfin que Kiev, ville russe au temps de l’empire russe, se situe tout au Nord, au centre du Nord de l’Ukraine, à moins de cent kilomètres à vol d’oiseau de la frontière avec la Biélorussie.

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Pour ce qui est des bases militaires, voici la carte des bases russes hors de Russie :

Comprendre : la Russie a 13 bases militaires dans neuf pays.

Et la carte des bases militaires étatsuniennes dans le Monde :

From → divers

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