DEUX POÈMES D’ADÉLAÏDE DUFRENOY NÉE BILLET (Nantes, 1765 – Paris, 1825)
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LE BESOIN D’AIMER
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Pourquoi depuis un temps, inquiète et rêveuse,
Suis-je triste au sein des plaisirs ?
Quand tout sourit à mes désirs,
Pourquoi ne suis-je pas heureuse ?
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Pourquoi ne vois-je plus venir à mon réveil
La foule des riants mensonges ?
Pourquoi dans les bras du sommeil
Ne trouvai-je plus de doux songes ?
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Pourquoi, beaux-arts, pourquoi vos charmes souverains
N’enflamment-ils plus mon délire ?
Pourquoi mon infidèle lyre
S’échappe-t-elle de mes mains ?
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Quel est ce poison lent qui pénètre mes veines
Et m’abreuve de ses langueurs ?
Quand mon âme n’a point de peine,
Pourquoi mes yeux ont-ils des pleurs ?
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LE REGRET
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La raison et le temps ont adouci mes maux ;
D’un sentiment trompé la sombre inquiétude
N’enlève plus mes nuits aux douceurs du repos,
Mes jours aux bienfaits de l’étude ;
Mon œil, longtemps chargé de pleurs,
Plus calme, s’est levé vers un ciel sans nuage ;
Des bois je ne fuis plus le silence et l’ombrage,
Et sans chagrin je vois les fleurs
Se balancer sous le feuillage ;
Mes amis à leurs soins touchants
Ne me trouvent plus insensibles :
Semblable à ce ruisseau qui coule dans nos champs,
Ainsi coule ma vie, uniforme et paisible.
Cependant quelquefois, sur le soir d’un beau jour,
Mon cœur se sent pressé par la mélancolie ;
Je ne regrette plus l’amant qui m’a trahie ;
Je regrette encor mon amour.
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(in : Élégies suivies de Poésies diverses, par Mme Dufrenoy, troisième édition ; Paris, Alexis Eymery, 1813).
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