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SUR DES FRONTS DE LA LUTTE ANTI-MONDIALISTE

23 janvier 2023

De Réseau Voltaire

Julian Assange : un héros nié par sa patrie.

Nous rapportons, à titre d’exemple… ce que l’organisation WikiLeaks de Julian Assange a révélé… en 2010

Afghanistan War logs. En 2010 WikilLeaks publie une série de documents relatifs à la guerre en Afghanistan. Ils couvrent une période allant de janvier 2004 à décembre 2009. Ces documents réservés -qui sont rapportés par The Guardian, le New York Times et Der Spiegel- révèlent le meurtre de civils par des troupes états-uniennes et britanniques.

Irak War Logs. En 2010 encore WikiLeaks diffuse une vidéo qui montre le meurtre de civils irakiens et de deux journalistes de Reuters dans une attaque effectuée par deux hélicoptères Apache états-uniens. La même année une analyste de l’Armée USA, Chelsea Manning, est arrêtée sous l’accusation d’avoir divulgué la vidéo et des centaines de milliers de documents réservés. WikiLeaks diffuse plus de 300 000 documents qui révèlent abus, tortures et violences des forces US en Iraq. Les documents révèlent aussi la mort de 15 000 civils dans des circonstances inconnues et de nombreux cas de tortures par des militaires irakiens sous commandement USA.

Cablegate. La même année encore WikiLeaks publie des centaines de milliers de documents réservés sur les opérations de Washington dans le monde. Ces documents contiennent des informations confidentielles envoyées par 274 ambassades US au département d’État à Washington. Les documents rapportent des évaluations, souvent très négatives, sur le comportement public et privé de chefs d’État et de gouvernements européens, parmi lesquels le président du Conseil italien Silvio Berlusconi et le président russe Vladimir Poutine.

Brève présentation de l’interview diffusée vendredi 13 janvier à 23h sur Byoblu

Le père de Julian Assange, John Shipton, annonce depuis l’Australie, dans cette interview par Berenice Galli, une nouvelle qui pourrait être décisive sur le sort de son fils : « Je sens que nous réussirons et que Julian sera libre. Je le sens, je le vois, je le perçois à travers les centaines de contacts que j’ai dans le monde entier ».

Ce qui est décisif -souligne John- est que « Nous avons en Australie le Premier ministre le Conseil des ministres, le Parti du Travail au gouvernement, 60 membres du Parlement qui soutiennent Julian, ainsi même que tous les journaux, les syndicats, les organisations non gouvernementales. Du moment que Julian est un citoyen australien, le Gouvernement australien est le seul qui puisse parler pour Julian face aux États-Unis, parce qu’il est un citoyen australien. En conséquence ce mouvement mondial s’est focalisé sur l’Australie et le Gouvernement australien a manifesté des remontrances aux États-Unis. Aux informations de la TV australienne, le directeur des nouvelles internationales, John Lyons, a dit avoir entendu d’après ses sources dans le Conseil des ministres que Julian sera libéré sans conditions dans les deux mois ».

John déclare n’avoir aucune confiance dans la Justice britannique, qui a soumis Julian Assange à « un procès spectacle, une persécution politique ». Il rappelle ensuite que « Les circonstances ne se sont pas améliorées depuis que le professeur Niels Melzer, le rapporteur des Nations Unies sur la torture, a présenté en 2019 le rapport exhaustif de la visite qu’il avait faite à Julian dans la prison de Belmarsh avec deux médecins spécialistes. Dans sa déclaration il a écrit que Julian souffrait des effets de sept années et demi de torture psychologique. Ằ Julian est autorisée une communication téléphonique internationale de dix minutes et les appels téléphoniques lui sont concédés en fonction d’un certain crédit : pendant la période de Noël nous avons utilisé tout ce qui lui était autorisé, donc pour pouvoir nous reparler je devrai attendre une semaine ou plus ».

Manlio Dinucci

Traduction M.-A.

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TF1-LCI essaye de discréditer les journalistes indépendants dans le Donbass sous couvert de « fact-checking » – Donbass Insider

Source Les Moutons Enragés

Par Christelle Néant pour Donbass-Insider

Le 20 janvier 2023, TF1-LCI publiait un article et une vidéo visant à discréditer plusieurs journalistes occidentaux indépendants travaillant dans le Donbass. Sauf que ce pseudo « fact-checking » s’avère au final n’être qu’un ramassis d’informations tronquées voire de fausses informations, quand cela ne vire pas tout simplement à la diffamation.

Cette tentative de discréditer les journalistes occidentaux indépendants qui travaillent dans le Donbass n’est pas la première et n’est certainement pas la dernière, mais il faut avouer qu’elle est tellement mal faite, qu’elle dévoile toute l’incompétence des journalistes et des pseudos « fact-checkers » français.

En effet, dans la vidéo, Samira El Gadir, responsable du service de « fact-checking » de TF1-LCI, aligne les mensonges et les demi-vérités sur les quatre journalistes qui y sont visés, à savoir Thomas Röper, Alina Lipp, Graham Philipps, et moi-même.

Par exemple, Samira El Gadir raconte dans la vidéo, et cela est repris dans l’article, que Thomas Röper, un journaliste allemand qui vit depuis des années en Russie, serait présenté par les médias russes comme travaillant pour le Spiegel. Or, comme on peut le voir en cherchant son nom en russe, les médias de la fédération de Russie, comme par exemple RIA FAN, mentionnent clairement Thomas comme étant le fondateur du blog Anti-Spiegel, et pas du tout comme étant un journaliste du Spiegel. Donc soit Samira et son équipe sont une bande de bras cassés, incapables de faire une recherche en russe sur un moteur de recherche, soit ils sont de mauvaise foi.

Ils passent ensuite à Alina Lipp, dont ils sont d’ailleurs incapables d’écrire le nom correctement, oubliant le deuxième « p » à la fin une fois sur deux. Dans la vidéo, Samira nous explique qu’Alina vit désormais en Russie, en oubliant d’expliquer pourquoi ! Si Alina ne peut plus rentrer chez elle, c’est parce qu’elle risque trois ans de prison pour avoir simplement fait son travail de journaliste en disant que la population du Donbass soutient l’opération spéciale russe en Ukraine, et que l’armée ukrainienne bombarde les civils. Il faut dire qu’un tel aveu fissurerait l’image « démocratique » (droits de l’homme, liberté d’expression, tout ça, tout ça) de l’Allemagne, et donc de l’UE.

Ensuite, ils s’en prennent à Graham Philipps, dont cette chère Samira nie qu’il soit un journaliste, le qualifiant de « blogueur », avant – dans la même phrase (!!!) – de dire qu’il a travaillé pour RT et la chaîne TV du ministère russe de la Défense. Sauf que Graham n’y servait pas le thé, ni le café, il y a travaillé comme journaliste faisant des reportages sur le terrain. Donc Graham Philipps est bien un journaliste et non un blogueur.

[…]

Cette tentative de TF1-LCI de renier aux journalistes occidentaux indépendants travaillant dans le Donbass le titre de journaliste n’est pas nouvelle, et vise clairement à discréditer leur travail en essayant de les faire passer pour de simples amateurs qui n’y connaissent rien. L’année dernière, le journal Le Monde m’incluait ainsi dans la liste des « influenceurs prorusses », comme si je faisait des tutoriels maquillages, ou que je vendais des gadgets électroniques sur Instagram !

L’ensemble des personnes attaquées dans ce pseudo « fact-checking » de TF1-LCI sont des journalistes occidentaux indépendants qui travaillent dans le Donbass et en Russie, et non des blogueurs, des influenceurs ou je ne sais quel titre bidon visant à les discréditer. Tous ont des accréditations de journalistes. Je rappelle pour Samira et son équipe de bras cassés qu’un journaliste est (je cite Wikipédia qu’on ne peut pas accuser d’être pro-russe) : « une personne qui recueille ou recherche, vérifie et écrit puis distribue des informations sur tout type de support média (presse écrite, radio, TV et les technologies de l’information et de la communication du Web)». Définition qui correspond à chacun d’entre nous.

S’il est oublié dans la vidéo, c’est ensuite Adrien Bocquet qui est attaqué dans l’article, dans ce qui n’est ni plus ni moins que de la diffamation pure et simple. Il se trouve que j’ai déjà rencontré Adrien plusieurs fois, et que j’ai pu voir sur son téléphone plusieurs photos et vidéos de lui en Ukraine qui prouvent qu’il y est bien allé, et ce, dans les zones qu’il a indiqué à plusieurs médias français. Je tiens à rappeler à l’équipe de TF1-LCI que la diffamation publique est punie par la loi française d’une amende de 12 000 € !

Je rappelle aussi que le type d’analyse utilisé pour discréditer une des photos d’Adrien (voir la démystification qu’il a fait personnellement de ce pseudo « fact-checking ») a déjà été utilisée dans le passé par Bellingcat, qui s’est fait taper sur les doigts par le concepteur de l’outil d’analyse pour en avoir fait un usage incorrect et en avoir tiré, par conséquent, des conclusions foireuses. Utiliser cet outil pour évaluer un niveau d’erreur sur une photo de basse qualité qui a été recompressée ensuite par Twitter relève de la lecture dans les feuilles de thé !

D’ailleurs les concepteurs de l’outil utilisé par France TV disent eux-mêmes qu’il faut «prendre en compte que les filtres forensic mettent en évidence tout type de modifications du signal numérique de l’image et pas seulement des manipulations altérant le sens de l’image (ce qui veut dire qu’il peut y avoir des faux positifs) » et que «certaines textures complexes ou excès de luminance peuvent également modifier le signal sans intention de manipulation ». En clair tirer une conclusion sans équivoque sur base de cet outil est impossible.

La vidéo de TF1-LCI et leur article se termine sur ma personne, avec là encore des mensonges et des erreurs à tour de bras. Contrairement à ce que ces pseudo « vérificateurs » peuvent dire non je n’ai pas « longtemps habité au Luxembourg », puisque je n’y ai même JAMAIS habité ! Travaillé oui, mais habité non. Déjà là on commence mal, très mal même. Samira et son équipe ont en effet oublié de regarder sur une carte la taille du Luxembourg, ce qui leur aurait permis de voir qu’à cause de la petite taille du pays, il est très facile d’y travailler, tout en vivant dans un des trois pays voisins ! Ce que font plusieurs dizaines de milliers de Français, de Belges et d’Allemands !

Ensuite dans l’article l’équipe de vérificateurs-désinformateurs de TF-LCI, prétend que dans ma vidéo du 2 juillet 2022 je me serais réjouie de l’effondrement des défenses ukrainiennes et des énormes pertes de Kiev. Sauf que je ne fais qu’énoncer des faits, je ne dis à aucun moment dans la vidéo que je me réjouis de ça. Si juste dire « les défenses ukrainiennes se sont effondrées » et « les pertes de Kiev sont énormes » c’est s’en réjouir pour Samira et son équipe, c’est qu’il faut renvoyer tous les « vérificateurs » de TF1-LCI sur les bancs de l’école pour apprendre le français, et leur rajouter quelques cours sur les devoirs du journaliste, qui se doit d’être factuel et honnête. Or là, soit Samira et son équipe ont un QI de poulpe mort cuit à la vapeur, soit ils m’ont intentionnellement prêté des intentions et des propos que je n’ai pas eus ni tenus !

Enfin, histoire de finir de nous discréditer, l’article mentionne qu’aucun d’entre nous « n’avait travaillé pour un titre de presse avant de se rendre en Russie ». Sauf que c’est faux me concernant puisque j’ai travaillé pour une maison d’édition publiant un magazine économique pendant deux ans. C’est ça le problème quand on pond un « fact-checking » en moins de 24 h chrono (dixit Samira elle-même), et qu’on prétend tout savoir de la vie de cinq personnes en ayant à peine cherché cinq minutes sur Google : on se vautre lamentablement. Et vouloir cracher sur les journalistes occidentaux indépendants qui travaillent dans le Donbass sous prétexte de manque d’expérience, alors qu’on n’a soi-même pas fait d’école de journalisme, comme Samira El Gadir qui est entrée dans le métier via la Fondation TF1, et qui avant ça n’y connaissait rien du tout, c’est carrément l’hôpital qui se moque de la charité.

Je rappelle à Samira et son équipe de pseudo-experts, que je suis reporter de guerre dans le Donbass depuis sept ans ! Que contrairement à elle, je suis sur le terrain, je vis en zone de guerre depuis bientôt sept ans, j’ai arpenté la ligne de front du Donbass du nord au sud, j’ai dormi sur le front, sur positions, et j’ai filmé des reportages et mené des missions humanitaires au plus près qu’il était possible d’aller dans les zones où se déroulaient encore les combats.

Je lui rappelle aussi que les cinq journalistes occidentaux qu’elle et son équipe de pseudo « vérificateurs » de TF1-LCI ont diffamé depuis leurs fauteuils et leurs bureaux confortables, risquent tous leur vie, et ont tous enduré les bombardements de l’armée ukrainienne sur la population civile du Donbass pour pouvoir montrer à leurs concitoyens ce qui se passe réellement sur le terrain.

Samira, le jour où tu feras le tiers du quart du travail de terrain des cinq journalistes indépendants que tu as diffamés, et que tu prendras ne serait-ce qu’un dixième des risques que nous prenons dans le Donbass pour faire nos reportages, tu pourras commencer à critiquer notre travail. En attendant, tu n’as réussi qu’à prouver que nos reportages et nos articles vous effraient au plus haut point, vous poussant à tout tenter, même la diffamation la plus crasse pour essayer de discréditer notre travail. Malheureusement pour vous, la seule chose que vous avez réussi à faire c’est de « fact-checker » le fait qu’on peut être « journaliste » en France en ayant le QI d’une méduse échouée sur une plage.

Christelle Néant

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22 janvier 2023 Réseau International

N .B. Dans l’article qui suit, tous les noms de localité sont sous leur forme ukrainienne. Les formes russes sont en général très ressemblantes. Il faut savoir que l’ukrainien privilégié le « i » alors que le russe privilégie le « é » ou le « ié ». Par exemple : Siversk et Seversk. Mais certaines cités — depuis 2014 et années suivantes, avec la folie bandériste d’éradiquer toute référence à la Russie — peuvent avoir des noms un peu différents (Lyman en ukrainien, mais Krasny Liman en russe, Liman-la-Rouge, nom qui remonte à l’époque soviétique ; Dnipro ou Dniepropetrovsk ; Zaporijjia ou Zaporojié) ; ou totalement différents ; c’est le cas pour Artiemovsk, nom russe, ville qui a été rebaptisée Bakhmout en ukrainien (jpf).

Guerre russo-ukrainienne : La pompe à sang mondiale

par Big Serge

Petit à petit, puis soudainement.

Depuis la décision surprise de la Russie de se retirer volontairement de la rive ouest de Kherson au cours de la première semaine de novembre, les lignes de front en Ukraine n’ont guère connu de changements spectaculaires. Cela reflète en partie le temps prévisible de la fin de l’automne en Europe de l’Est, qui laisse les champs de bataille gorgés d’eau et obstrués par la boue et entrave considérablement la mobilité. Depuis des centaines d’années, novembre est un mauvais mois pour tenter de déplacer des armées sur une distance significative, et comme une horloge, nous avons commencé à voir des vidéos de véhicules bloqués dans la boue en Ukraine.

Toutefois, le retour de la guerre de position statique reflète également l’effet synergique de l’épuisement croissant des Ukrainiens et de l’engagement des Russes à détruire et à épuiser patiemment les dernières capacités de combat de l’Ukraine. Ils ont trouvé un endroit idéal pour y parvenir dans le Donbass.

Il est progressivement devenu évident que la Russie s’est engagée dans une guerre d’usure positionnelle, car cela maximise l’asymétrie de son avantage dans les tirs à distance. La capacité de mener des opérations de l’Ukraine est en train de se dégrader, ce qui permet à la Russie de maintenir patiemment le rythme actuel, tout en organisant ses forces nouvellement mobilisées en vue d’une action offensive au cours de l’année à venir, ouvrant ainsi la voie à des pertes ukrainiennes en cascade et insoutenables.

Dans le roman d’Ernest Hemingway, « Le soleil se lève aussi », on demande à un personnage autrefois riche, mais qui n’a plus de chance, comment il a fait faillite. « De deux façons », répond-il, « petit à petit, puis soudainement ». Un jour, nous demanderons peut-être comment l’Ukraine a perdu la guerre et nous recevrons à peu près la même réponse.

Verdun Redux

On peut affirmer sans risque de se tromper que les médias du régime occidental ont fixé des normes très basses pour rendre compte de la guerre en Ukraine, étant donné à quel point le récit dominant est déconnecté de la réalité. Même en tenant compte de ces normes peu élevées, la façon dont la bataille en cours à Bakhmout est présentée à la population est vraiment ridicule. L’axe de Bakhmout est présenté au public occidental comme une synthèse parfaite de tous les tropes de l’échec russe : en un mot, la Russie subit d’horribles pertes alors qu’elle s’efforce de capturer une petite ville d’une importance opérationnelle négligeable. Les responsables britanniques, en particulier, ont beaucoup insisté ces dernières semaines sur le fait que Bakhmout n’avait que peu ou pas de valeur opérationnelle.

La vérité est tout le contraire de cette histoire : Bakhmout est une position clé de la défense ukrainienne, critique sur le plan opérationnel, et la Russie l’a transformée en un puits de la mort qui oblige les Ukrainiens à sacrifier un nombre exorbitant d’hommes pour tenir la position le plus longtemps possible. En fait, l’insistance sur le fait que Bakhmout n’a pas d’importance opérationnelle est légèrement insultante pour l’auditoire, à la fois parce qu’un rapide coup d’œil à une carte la montre clairement au cœur du réseau routier régional, et parce que l’Ukraine y a jeté un nombre énorme d’unités sur le front.

Prenons un peu de recul et considérons Bakhmout dans le contexte de la position globale de l’Ukraine à l’est. L’Ukraine a commencé la guerre avec quatre lignes défensives opérationnelles dans le Donbass, construites au cours des huit dernières années dans le cadre de la guerre larvée avec la RPL et la RPD, mais aussi en préparation d’une guerre potentielle avec la Russie. Ces lignes sont structurées autour d’agglomérations urbaines reliées entre elles par des routes et des voies ferrées, et peuvent être grossièrement énumérées comme suit :

Lignes défensives de l’Ukraine à l’Est (Carte de moi)

N.B. Pour ceux qui liront avec attention la légende : il existe bien en bout de ligne de défense devant Donetsk, une petite cité, un village qui a pour nom : « New-York », ou « Niu-York », nom qu’il a reçu de colons mennonites [protestants anabaptistes de la Réforme radicale] néerlandais, quand ils sont venus s’installer dans cette steppe, au XVIIIe siècle, « Нью-Йорк » (ñyu yòrk, avec un « r » roulé) en ukrainien. (jpf)

Le Donbass est un endroit particulièrement accommodant pour construire de formidables défenses. Il est fortement urbanisé et industriel (Donetsk était l’oblast le plus urbain d’Ukraine avant 2014, avec plus de 90% de la population vivant dans des zones urbaines), avec des villes et des villages dominés par les bâtiments soviétiques typiquement robustes, ainsi que des complexes industriels prolifiques. L’Ukraine a passé une grande partie de la dernière décennie à améliorer ces positions, et les établissements de la ligne de front sont criblés de tranchées et de positions de tir qui sont clairement visibles sur les images satellites. Une vidéo récente de l’axe d’Avdiivka montre l’étendue des fortifications ukrainiennes.

Passons donc en revue l’état de ces ceintures défensives. La première ceinture, qui s’étendait approximativement de Severodonetsk et Lyssytchansk à Popasna, a été brisée au cours de l’été par les forces russes. La Russie a réalisé une percée majeure à Popasna et a pu commencer le démantèlement complet de cette ligne, Lyssytchansk tombant au début du mois de juillet.

À ce stade, la ligne de front se trouve directement sur ce que j’ai appelé les 2ème et 3ème ceintures défensives ukrainiennes, et ces deux ceintures sont maintenant fortement saignées.

La capture de Soledar par les forces Wagner a coupé la connexion entre Bakhmout et Siversk, tandis qu’autour de Donetsk, la banlieue lourdement fortifiée de Marinka a été presque entièrement nettoyée des troupes ukrainiennes, et la fameuse position ukrainienne clé de voûte d’Avdiivka (l’endroit d’où ils bombardent la population civile de la ville de Donetsk) est flanquée des deux côtés.

La ligne de front autour d’Avdiivka (carte fournie par MilitaryLand)

Ces positions sont absolument essentielles pour l’Ukraine. La perte de Bakhmout entraînera l’effondrement de la dernière ligne défensive qui se trouve sur le chemin de Sloviansk et de Kramatorsk, ce qui signifie que la position orientale de l’Ukraine se réduira rapidement à sa quatrième (et plus faible) ceinture défensive.

L’agglomération de Sloviansk est une position bien pire à défendre pour l’Ukraine que les autres ceintures, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, étant la ceinture la plus à l’ouest (et donc la plus éloignée des lignes de départ de février 2022), elle est la moins améliorée et la moins fortifiée des ceintures. Deuxièmement, une grande partie de ce que l’on peut appeler les « bons plans » autour de Sloviansk se trouve à l’est de la ville, notamment les hauteurs dominantes et les principales autoroutes.

Tout cela pour dire que l’Ukraine est très désireuse de tenir la ligne de Bakhmout, car il s’agit d’une position largement préférable à tenir, et en conséquence, elle a déversé des unités dans le secteur. Les niveaux absurdes de l’engagement des forces ukrainiennes dans cette zone ont été bien notés, mais pour un bref rappel, les sources ukrainiennes accessibles au public indiquent qu’au moins 34 brigades ou unités équivalentes ont été déployées dans la zone de Bakhmout. Nombre d’entre elles ont été déployées il y a plusieurs mois et sont déjà réduites à néant, mais sur l’ensemble de la durée de la bataille en cours, cela représente un engagement étonnant.

Unités ukrainiennes autour de Bakhmout (Carte fournie par MilitaryLand)

Les forces russes, principalement des unités du PMC Wagner et de la RPL, ont lentement mais sûrement fait s’effondrer cette forteresse ukrainienne en faisant un usage libéral de l’artillerie. En novembre, le désormais ancien conseiller de Zelensky, Oleksiy Arestovych, a admis que l’artillerie russe sur l’axe de Bakhmout bénéficiait d’un avantage d’environ 9 contre 1, ce qui transforme Bakhmout en une fosse mortelle.

La bataille est présentée en Occident comme celle où les Russes – généralement stéréotypés comme des soldats bagnards employés par Wagner – lancent des assauts frontaux sur les défenses ukrainiennes et subissent d’horribles pertes en tentant de submerger la défense par le nombre. Le contraire est beaucoup plus proche de la vérité. La Russie avance lentement parce qu’elle détruit les défenses ukrainiennes avec de l’artillerie, puis avance prudemment dans ces défenses pulvérisées.

Pendant ce temps, l’Ukraine continue d’envoyer des unités pour remplir plus ou moins les tranchées avec de nouveaux défenseurs. Un article du Wall Street Journal sur la bataille, tout en essayant de présenter une histoire d’incompétence russe, a accidentellement inclus un aveu d’un commandant ukrainien sur le terrain qui a déclaré : « Jusqu’à présent, le taux d’échange de nos vies contre les leurs favorise les Russes. Si ça continue comme ça, nous pourrions en manquer ».

Les comparaisons ont été généreusement faites (et je ne peux m’en attribuer le mérite) avec l’une des batailles les plus infâmes de la Première Guerre mondiale – la catastrophe sanglante de Verdun. S’il ne faut pas exagérer la valeur prédictive de l’histoire militaire (dans le sens où une connaissance approfondie de la Première Guerre mondiale ne permet pas de prédire les événements en Ukraine), je suis cependant un grand fan de l’histoire comme analogie, et le schéma allemand à Verdun est une analogie utile pour ce qui se passe à Bakhmout.

La bataille de Verdun a été conçue par le haut commandement allemand comme un moyen de paralyser l’armée française en l’attirant dans un broyeur à viande préconfiguré. L’idée était d’attaquer et de s’emparer d’un haut terrain défensif crucial – un terrain si important que la France serait obligée de contre-attaquer et de tenter de le reconquérir. Les Allemands espéraient que la France engagerait ses réserves stratégiques dans cette contre-attaque afin de pouvoir les détruire. Si Verdun n’a pas réussi à saper complètement la puissance de combat française, elle est devenue l’une des batailles les plus sanglantes de l’histoire mondiale. Une pièce de monnaie allemande commémorant la bataille représentait un squelette pompant le sang de la terre – une métaphore visuelle effrayante mais pertinente.

« La pompe à sang mondiale » – commémoration du hachoir à viande de Verdun

Quelque chose de similaire s’est en effet produit à Bakhmout, en ce sens que la Russie exerce une pression sur l’un des points les plus sensibles de la ligne de front, attirant les unités ukrainiennes pour les tuer. Il y a quelques mois, dans la foulée du retrait de la Russie de la rive ouest de Kherson, les Ukrainiens parlaient avec enthousiasme de poursuivre leurs efforts offensifs avec une attaque vers le sud à Zaporijia pour couper le pont terrestre vers la Crimée, ainsi que des efforts continus pour percer dans le nord de Lougansk. Au lieu de cela, les forces de ces deux axes ont été redirigées vers Bakhmout, au point que cet axe draine activement la force de combat ukrainienne dans d’autres zones. Les sources ukrainiennes, auparavant pleines d’optimisme, s’accordent désormais sans équivoque sur le fait qu’il n’y aura pas d’offensives ukrainiennes dans un avenir proche. Au moment où nous parlons, l’Ukraine continue de canaliser ses forces vers l’axe Bakhmout.

À l’heure actuelle, la position de l’Ukraine autour de Bakhmout s’est gravement détériorée, les forces russes (en grande partie de l’infanterie Wagner soutenue par l’artillerie de l’armée russe) réalisant des progrès substantiels sur les deux flancs de la ville. Sur le flanc nord, la prise de Soledar a poussé les lignes russes à portée de crachat des autoroutes nord-sud, tandis que la prise quasi simultanée de Klishchiivka sur le flanc sud a propulsé les lignes de front jusqu’au pas de porte de Chasiv Yar (fermement dans l’arrière opérationnel de Bakhmout).

La ligne de contact autour de Bakhmout, 20 janvier 2023 (Carte de moi)

Les Ukrainiens ne sont pas actuellement encerclés, mais la progression continue des positions russes toujours plus près des routes restantes est facilement perceptible. Actuellement, les forces russes ont des positions à moins de trois kilomètres de toutes les routes restantes. Plus important encore, la Russie contrôle désormais les hauteurs au nord et au sud de Bakhmout (la ville elle-même se trouve dans une dépression entourée de collines), ce qui lui confère une maîtrise du feu sur une grande partie de l’espace de combat.

Je prévois actuellement que la Russie libérera la ligne défensive Bakhmout-Siversk d’ici la fin mars. Pendant ce temps, le dénuement des forces ukrainiennes sur d’autres axes soulève la perspective d’offensives russes décisives ailleurs.

Pour l’instant, le front se compose grosso modo de quatre axes principaux, avec des agglomérations importantes de troupes ukrainiennes. Il s’agit, du sud au nord, des axes de Zaporijia, Donetsk, Bakhmout et Svatove (voir la carte ci-dessous). L’effort de renforcement du secteur de Bakhmout a sensiblement dilué la force ukrainienne sur ces autres secteurs. Sur le front de Zaporijia, par exemple, il n’y a potentiellement que cinq brigades ukrainiennes sur la ligne en ce moment.

Pour l’instant, la majorité de la puissance de combat russe n’est pas engagée, et les sources occidentales et ukrainiennes sont (tardivement) de plus en plus alarmées par la perspective d’une offensive russe dans les semaines à venir. Actuellement, l’ensemble de la position ukrainienne à l’est est vulnérable car il s’agit, en fait, d’un énorme saillant, vulnérable à une attaque provenant de trois directions.

Deux objectifs de profondeur opérationnelle en particulier ont le potentiel de briser la logistique et le soutien ukrainiens. Il s’agit, respectivement, d’Izioum au nord et de Pavlograd au sud. Une poussée russe le long de la rive ouest de la rivière Oskil vers Izioum menacerait simultanément de couper et de détruire le groupement ukrainien sur l’axe de Svatove (S sur la carte) et de couper l’autoroute M03 vitale pour Kharkiv. Atteindre Pavlograd, d’autre part, isolerait complètement les forces ukrainiennes autour de Donetsk et couperait une grande partie du transit ukrainien à travers le Dniepr.

Le plan Big Serge (carte par moi)

Izioum et Pavlograd se trouvent toutes deux à environ 70 miles des lignes de départ d’une éventuelle offensive russe, et offrent donc une combinaison très tentante : elles sont à la fois importantes sur le plan opérationnel et relativement faciles à atteindre. Depuis hier, nous avons commencé à voir des avancées russes sur l’axe de Zaporijia. Bien qu’il s’agisse, pour l’instant, principalement de reconnaissances en force poussant dans la « zone grise » (ce front interstitiel ambigu), le ministère de la Défense russe a fait état de plusieurs prises de colonies, ce qui pourrait présager une véritable offensive dans cette direction. L’indice clé serait un assaut russe sur Orikhiv, qui est une grande ville avec une véritable garnison ukrainienne. Une attaque russe ici indiquerait que quelque chose de plus qu’une attaque de sondage est en cours.

Il est parfois difficile de faire la différence entre ce que nous prévoyons et ce que nous voulons. C’est certainement ce que je choisirais si j’étais responsable de la planification russe – une poussée vers le sud le long de la rive ouest de la rivière Oskil sur l’axe Koupiansk-Izioum, et une attaque simultanée vers le nord au-delà de Zaporijia vers Pavlograd. Dans ce cas, je pense qu’il est préférable de simplement protéger Zaporijia à court terme plutôt que de s’enliser dans une bataille urbaine.

Nous ne savons pas si la Russie va effectivement tenter de le faire. La sécurité opérationnelle russe est bien meilleure que celle de l’Ukraine ou de ses forces supplétives (Wagner et la Milita de la RPL/RPD), de sorte que nous en savons beaucoup moins sur les déploiements de la Russie que sur ceux de l’Ukraine. Quoi qu’il en soit, nous savons que la Russie jouit d’une forte prépondérance de puissance de combat à l’heure actuelle, et qu’il existe des cibles opérationnelles juteuses à portée de main.

S’il vous plaît Monsieur, j’en veux encore

La vue à vol d’oiseau de ce conflit révèle une méta-structure fascinante de la guerre. Dans la section ci-dessus, je plaide en faveur d’une vision du front structurée autour de la rupture progressive par la Russie des ceintures défensives ukrainiennes successives. Je pense qu’une sorte de structure narrative progressive similaire s’applique à l’aspect génération de forces de cette guerre, la Russie détruisant une série d’armées ukrainiennes.

Permettez-moi d’être un peu plus concret. Si l’armée ukrainienne existe au moins partiellement en tant qu’institution continue, sa puissance de combat a été détruite et reconstruite plusieurs fois à ce stade grâce à l’aide occidentale. De multiples phases – des cycles de vie, si vous voulez – peuvent être identifiées :

Dans les premiers mois de la guerre, l’armée ukrainienne existante a été en grande partie anéantie. Les Russes ont détruit une grande partie des stocks indigènes d’armes lourdes de l’Ukraine et ont éliminé de nombreux cadres au cœur de l’armée professionnelle ukrainienne.

À la suite de cet échec initial, la force de combat ukrainienne a été renforcée par le transfert de la quasi-totalité de l’armement soviétique d’époque dans les stocks des anciens pays du Pacte de Varsovie. Ce transfert de véhicules et de munitions soviétiques, compatibles avec les capacités ukrainiennes existantes, en provenance de pays comme la Pologne et la République tchèque, était pratiquement terminé à la fin du printemps 2022. Début juin, par exemple, des sources occidentales admettaient que les stocks soviétiques étaient épuisés.

Les stocks du Pacte de Varsovie étant épuisés, l’OTAN a commencé à remplacer les capacités ukrainiennes détruites par des équivalents occidentaux dans un processus qui a débuté au cours de l’été. Les obusiers tels que le M777 américain et le Caesar français ont été particulièrement remarqués.

La Russie a essentiellement combattu de multiples itérations de l’armée ukrainienne – détruisant la force d’avant-guerre au cours des premiers mois, puis combattant des unités qui ont été reconstituées à partir des stocks du Pacte de Varsovie, et elle dégrade maintenant une force qui dépend largement des systèmes occidentaux.

Cela a conduit à l’interview désormais célèbre du général Zaluzhny avec The Economist, dans laquelle il a demandé plusieurs centaines de chars de combat principaux, de véhicules de combat d’infanterie et de pièces d’artillerie. En fait, il a demandé une autre armée, puisque les Russes semblent continuer à détruire celles qu’il possède.

Je voudrais relever quelques domaines particuliers où les capacités de l’Ukraine sont clairement dégradées au-delà des niveaux acceptables, et observer comment cela se rapporte à l’effort de l’OTAN pour soutenir l’effort de guerre ukrainien.

Premièrement, l’artillerie

Depuis plusieurs semaines, la Russie donne la priorité aux actions de contre-batterie et semble avoir beaucoup de succès dans la chasse et la destruction de l’artillerie ukrainienne.

Il semble que cela coïncide en partie avec le déploiement de nouveaux systèmes de détection de contre-batterie « Penicillin ». Il s’agit d’un nouvel outil plutôt intéressant dans l’arsenal russe. La guerre de contrebatterie consiste généralement en un dangereux tango de canons et de systèmes radar. Le radar de contrebatterie a pour mission de détecter et de localiser les canons de l’ennemi, afin qu’ils puissent être détruits par ses propres canons – le jeu est à peu près analogue à celui d’équipes ennemies de tireurs d’élite (l’artillerie) et de guetteurs (le radar) tentant de se chasser mutuellement – et bien sûr, il est logique de tirer également sur les systèmes radar de l’autre camp, pour les aveugler, en quelque sorte.

Le système Penicillin offre de nouvelles capacités puissantes à la campagne russe de contre-batterie, car il détecte les batteries d’artillerie ennemies non pas par radar, mais par localisation acoustique. Il envoie un mât d’écoute qui, en coordination avec quelques composants terrestres, est capable de localiser les canons ennemis par détection sismique et acoustique. L’avantage de ce système est que, contrairement à un radar de contrebatterie, qui émet des ondes radio qui révèlent sa position, le système Penicillin est passif – il reste simplement immobile et écoute, ce qui signifie qu’il n’offre pas à l’ennemi un moyen facile de le localiser. Par conséquent, dans la guerre de contre-batterie, l’Ukraine ne dispose pas actuellement d’un bon moyen d’aveugler (ou plutôt d’assourdir) les Russes. De plus, les capacités russes de contre-batterie ont été augmentées par l’utilisation accrue du drone Lancet contre les armes lourdes.

La perche acoustique Penicillin écoute le son des canons ennemis.

Tout cela pour dire que la Russie a détruit pas mal d’artillerie ukrainienne ces derniers temps. Le ministère russe de la Défense a mis l’accent sur les succès de la contrebatterie. Maintenant, je sais qu’à ce stade vous vous dites « pourquoi faire confiance au ministère de la Défense russe ? » Très bien – faisons confiance mais vérifions.

Le 20 janvier, l’OTAN a convoqué une réunion à la base aérienne de Ramstein, en Allemagne, avec en toile de fond un nouveau plan d’aide massif pour l’Ukraine. Ce programme d’aide contient, comme par hasard, une énorme quantité de pièces d’artillerie. D’après mes calculs, l’aide annoncée cette semaine comprend près de 200 pièces d’artillerie. Plusieurs pays, dont le Danemark et l’Estonie, envoient à l’Ukraine littéralement tous leurs obusiers. Traitez-moi de fou, mais je doute sérieusement que plusieurs pays décident spontanément, au même moment, d’envoyer à l’Ukraine la totalité de leur stock de pièces d’artillerie si l’Ukraine n’était pas confrontée à des pertes d’artillerie d’un niveau critique.

En outre, les États-Unis ont pris des mesures nouvelles, sans précédent, pour fournir des obus à l’Ukraine. Rien que la semaine dernière, ils ont puisé dans leurs stocks en Israël et en Corée du Sud, alors que des rapports indiquent que les stocks américains sont tellement épuisés qu’il faudra plus d’une décennie pour les reconstituer.

Examinons les preuves ici, et voyons si nous pouvons tirer une conclusion raisonnable :

  1. Les officiels ukrainiens admettent que leur artillerie est surpassée de 9 à 1 dans les secteurs critiques du front.
  2. La Russie déploie un système de contre-batterie de pointe et un nombre accru de drones Lancet.
  3. Le ministère russe de la Défense affirme qu’ils ont chassé et détruit les systèmes d’artillerie ukrainiens en grand nombre.
  4. L’OTAN s’est empressée de mettre en place un ensemble massif de systèmes d’artillerie pour l’Ukraine.
  5. Les États-Unis pillent les stocks critiques déployés à l’avant pour fournir des obus à l’Ukraine.

Personnellement, je pense qu’il est raisonnable, compte tenu de tout cela, de supposer que l’arsenal d’artillerie de l’Ukraine a été largement brisé et que l’OTAN tente de le reconstruire une fois de plus.

Mon royaume pour un char d’assaut

Le principal point de discorde de ces dernières semaines a été de savoir si l’OTAN allait ou non donner à l’Ukraine des chars de combat principaux. Zaluzhny a laissé entendre que le parc de chars ukrainien était fortement appauvri dans son interview à The Economist, dans laquelle il plaidait pour des centaines de chars de combat principaux. L’OTAN a tenté de fournir une solution provisoire en donnant à l’Ukraine divers véhicules blindés tels que l’IFV Bradley et le Stryker, qui permettent de restaurer une certaine mobilité, mais nous devons dire sans équivoque que ces véhicules ne peuvent en aucun cas remplacer les chars de combat et qu’ils sont loin d’offrir la même protection et la même puissance de feu. Tenter d’utiliser les Bradley, par exemple, dans le rôle de chars de combat ne fonctionnera pas.

Bonjour à tous

Jusqu’à présent, il semble que l’Ukraine va recevoir une petite poignée de chars Challenger de Grande-Bretagne, mais il est également question de donner des Léopard (de fabrication allemande), des Abrams (américains) et des Leclerc (français). Comme d’habitude, l’impact sur le champ de bataille de la réception de chars par l’Ukraine est à la fois largement surévalué (par les propagandistes ukrainiens et les Russes pessimistes) et sous-évalué (par les triomphalistes russes). Je suggère un juste milieu.

Le nombre de chars que l’on peut raisonnablement donner à l’Ukraine est relativement faible, simplement en raison de la charge de formation et de maintien en condition opérationnelle. Tous ces chars utilisent des munitions différentes, des pièces spéciales et nécessitent une formation spécialisée. Ce n’est pas le genre de systèmes que l’on peut simplement sortir du lot et envoyer directement au combat par un équipage non formé. La solution idéale pour l’Ukraine serait de recevoir uniquement des Leopard A24, car ils pourraient être disponibles en nombre décent (peut-être quelques centaines), et au moins ils seraient standardisés.

Un Leopard turc calciné en Syrie

Nous devons également noter, bien sûr, que ces chars occidentaux ne sont pas susceptibles de changer la donne sur le champ de bataille. Le Leopard a déjà montré ses limites en Syrie sous l’action de la Turquie. Notez la citation suivante de cet article de 2018 :

« Étant donné que ces chars sont largement exploités par les membres de l’OTAN – notamment le Canada, les Pays-Bas, le Danemark, la Grèce et la Norvège – il est particulièrement embarrassant de les voir si facilement détruits par les terroristes syriens alors qu’ils sont censés égaler l’armée russe ».

En fin de compte, le Leopard est un char de combat assez banal conçu dans les années 1970, surclassé par le T-90 russe. Ce n’est pas une pièce d’équipement terrible, mais c’est tout juste une terreur du champ de bataille. Ils subiront des pertes et seront réduits en miettes, tout comme l’a été le parc de chars ukrainien d’avant-guerre. Toutefois, cela ne change rien au fait qu’une armée ukrainienne dotée de quelques compagnies de léopards sera plus puissante qu’une armée qui en est dépourvue.

Je pense qu’il est juste de dire que les trois affirmations suivantes sont toutes vraies :

  1. La réception d’un mélange de chars occidentaux créera une charge difficile pour l’Ukraine en matière de formation, de maintenance et de soutien.
  2. Les chars occidentaux comme le Leopard ont une valeur de combat limitée et seront détruits comme n’importe quel autre char.
  3. Les chars occidentaux augmenteront la puissance de combat de l’armée ukrainienne tant qu’ils seront sur le terrain.

Ceci étant dit, à ce stade, il ne semble pas que l’OTAN veuille donner à l’Ukraine des chars de combat principaux. Il a d’abord été suggéré de dépoussiérer les chars stockés et de les donner à Kiev, mais le fabricant a déclaré que ces véhicules n’étaient pas en état de marche et qu’ils ne seraient pas prêts à combattre avant 2024. Il ne reste donc que la possibilité de puiser directement dans les parcs de chars de l’OTAN, ce que les pays sont jusqu’à présent réticents à faire.

Pourquoi ? Je dirais simplement que l’OTAN ne croit pas à la victoire de l’Ukraine. L’Ukraine ne peut même pas rêver de déloger la Russie de sa position sans une force de chars adéquate, et donc la réticence à remettre des chars suggère que l’OTAN pense que ce n’est de toute façon qu’un rêve. Au lieu de cela, elle continue à donner la priorité aux armements qui soutiennent la capacité de l’Ukraine à mener une défense statique (d’où les centaines de pièces d’artillerie) sans se laisser aller à des élucubrations sur une grande poussée blindée ukrainienne en Crimée.

Toutefois, étant donné l’intense fièvre de guerre qui s’est développée en Occident, il est possible que l’élan politique nous impose ce choix. Il est possible que nous ayons atteint le point où la queue remue le chien, que l’OTAN soit piégée dans sa propre rhétorique de soutien sans équivoque jusqu’à ce que l’Ukraine remporte une victoire totale, et que nous puissions encore voir des Leopard 2A4 brûler dans la steppe.

Résumé : La mort d’un État

L’armée ukrainienne est extrêmement dégradée, ayant subi des pertes exorbitantes tant en hommes qu’en armement lourd. Je pense que les pertes ukrainiennes en vies humaines approchent les 150 000 à ce stade, et il est clair que leurs stocks de pièces d’artillerie, d’obus et de véhicules blindés sont largement épuisés.

Je m’attends à ce que la ligne défensive Bakhmout-Siversk soit nettoyée avant avril, après quoi la Russie poussera vers la ceinture défensive finale (et la plus faible) autour de Slaviansk. Pendant ce temps, la Russie dispose d’une importante puissance de combat en réserve, qui peut être utilisée pour rouvrir le front nord sur la rive ouest de l’Oskil et relancer les opérations offensives à Zaporijia, mettant la logistique ukrainienne en danger critique.

Cette guerre sera menée jusqu’à son terme sur le champ de bataille et se terminera par une décision favorable à la Russie.

Coda : Une note sur les coups d’État

N’hésitez pas à ignorer ce segment, car il est un peu plus nébuleux et n’est pas concrètement lié aux événements en Ukraine ou en Russie.

Nous avons vu beaucoup de rumeurs amusantes sur des coups d’État dans les deux pays – Poutine a un cancer du pied et son gouvernement va s’effondrer, Zelensky va être remplacé par Zaluzhny, et ainsi de suite. Les patriotes aux commandes et toutes ces bonnes choses.

Quoi qu’il en soit, je me suis dit que j’allais écrire un article général sur les raisons pour lesquelles les coups d’État et les révolutions ne semblent jamais déboucher sur des régimes démocratiques agréables et câlins, mais conduisent presque toujours à un transfert du contrôle politique aux militaires et aux services de sécurité.

La réponse, pensez-vous, est simplement que ces hommes ont les armes et le pouvoir d’accéder aux salles importantes où les décisions sont prises, mais ce n’est pas seulement cela. Elle est également liée à un concept de la théorie des jeux appelé « points de Schelling ».

Un point de Schelling (du nom de l’homme qui a introduit le concept, un économiste nommé Thomas Schelling) fait référence à la solution que les parties choisissent dans un état d’incertitude et sans possibilité de communication. L’un des exemples classiques pour illustrer ce concept est un jeu de coordination. Supposons que l’on vous montre, à vous et à une autre personne, quatre carrés – trois sont bleus et un est rouge. On vous demande à chacun de choisir un carré. Si vous choisissez tous les deux le même carré, vous recevez un prix en argent – mais vous ne pouvez pas vous parler de vos choix. Comment choisissez-vous ? Eh bien, la plupart des gens choisissent rationnellement le carré rouge, simplement parce qu’il est visible – il se distingue, et vous supposez donc que votre partenaire choisira également ce carré. Le carré rouge n’est pas meilleur, en soi, il est simplement évident.

Dans un état d’agitation politique, ou même d’anarchie, le système se dirige vers les points de Schelling – des figures et des institutions évidentes qui rayonnent d’autorité, et qui sont donc le choix évident pour assumer le pouvoir et donner des ordres.

Les bolcheviks, par exemple, l’ont très bien compris. Immédiatement après avoir proclamé leur nouveau gouvernement en 1917, ils ont dépêché des commissaires dans les différents immeubles de bureaux de Saint-Pétersbourg où les bureaucraties tsaristes avaient leur siège. Le célèbre Trotsky s’est présenté un matin au bâtiment du ministère des Affaires étrangères et a simplement annoncé qu’il était le nouveau ministre des Affaires étrangères. Les employés se sont moqués de lui – qui était-il ? comment pouvait-il prétendre être le responsable ? – mais pour Trotsky, il s’agissait de s’insinuer sur un point de Schelling. Dans l’état d’anarchie qui commençait à se répandre en Russie, les gens recherchent naturellement un point focal d’autorité évident, et les bolcheviks s’étaient habilement positionnés comme tel en revendiquant le contrôle des bureaux et des titres bureaucratiques. De l’autre côté du conflit civil, l’opposition politique aux bolcheviks s’est regroupée autour des officiers de l’armée tsariste, car eux aussi étaient des points de Schelling, dans la mesure où ils possédaient déjà des titres et une position au sein d’une hiérarchie existante.

Tout cela pour dire qu’en cas de coup d’État ou d’effondrement de l’État, les nouveaux gouvernements ne sont pratiquement jamais formés sui generis – ils naissent toujours d’institutions et de hiérarchies préexistantes. Pourquoi, lors de la chute de l’Union soviétique, l’autorité politique a-t-elle été dévolue aux républiques ? Parce que ces républiques étaient des points de Schelling – des branches que l’on peut saisir pour se mettre à l’abri dans un fleuve chaotique.

Je dis simplement cela parce que je suis fatigué des histoires fantasmagoriques sur la liquidation du régime en Russie et même la dissolution territoriale. La chute du gouvernement de Poutine ne conduirait pas et ne peut pas conduire à un régime complaisant, proche de l’Occident, car il n’y a pas d’institutions de pouvoir réel en Russie qui soient ainsi disposées. Le pouvoir tomberait dans les mains des services de sécurité, car ce sont des points de Schelling, et c’est là que va le pouvoir.

source : Big Serge Thought « Russo-Ukrainian War: The World Blood Pump »

traduction Réseau International

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