3,6 millions de doses détruites : le grand gâchis des vaccins contre le covid
Révélations. En octobre, la France a dû, en toute discrétion, détruire quelques millions de doses de Moderna. Et ce ne sont sans doute pas les dernières. Pourtant, ni la Commission ni les États ne se tournent vers les multinationales pour résilier des contrats désormais disproportionnés.
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Mercredi 9 Novembre 2022
C’est une gigantesque gabegie en gestation dans toute l’Europe. À l’heure des débats parlementaires, en France, sur les projets de loi de finances, par temps d’austérité générale imposée au système public de santé, sa révélation devrait plus que jamais faire mauvais genre. Des dizaines et des dizaines de millions de doses de vaccin de première génération contre le Covid prennent aujourd’hui la poussière dans les supercongélateurs des États. Leurs dates de péremption se rapprochent inexorablement ou ont déjà été atteintes.
Après avoir été achetés au prix fort aux grands laboratoires, ces vaccins risquent désormais d’être détruits, s’ils n’ont pas déjà été jetés à la poubelle. Et tout ça, alors que les États membres de l’Union européenne (UE) doivent encore recevoir des centaines de millions de doses jusqu’à la fin 2023.
Un secret jalousement gardé
Dès lors, sans réaction politique à la hauteur, ce n’est que le début du film catastrophe. En réalité, le scénario était écrit d’avance. Dès le début de la pandémie, au printemps 2020, les pays les plus riches se sont, à coups de préachats pour des dizaines de milliards d’euros, arraché les contrats auprès des grands laboratoires pharmaceutiques. La Commission européenne en a signé pour 4,4 milliards de doses, soit un montant global d’au moins 60 milliards d’euros.
À ce stade, le gouvernement français n’a manifestement aucune intention de s’étendre sur le sujet, mais l’Humanité est en mesure de l’affirmer : au cours du seul mois d’octobre, la France a dû, dans la plus grande discrétion, détruire près de 4 millions de doses du vaccin Moderna. Ce volume représente un montant de 75 à 80 millions d’euros.
En quelques semaines, selon les propres éléments de la Direction générale de la santé (DGS), les stocks de ce vaccin de première génération – non adapté aux variants Omicron – sont passés de 18,2 millions à 14,6 millions. Dans un contexte où ces doses sont réservées à la primo-vaccination – soit 15 000 injections environ le mois dernier, tous vaccins confondus en France – et où les délais d’expiration serrés rendent trop périlleux tout don bilatéral à un pays du Sud –, l’écrasante majorité des doses partagées pour la « solidarité internationale » ne transite d’ailleurs pas par les stocks nationaux –, il est difficile, voire impossible, de concevoir qu’elles aient pu être administrées, revendues ou cédées à d’autres pays…
Ce n’est, à l’évidence, ni la première ni la dernière fois qu’une telle opération de destruction de doses de vaccin est menée en France. Ainsi, selon une autre information dévoilée en mai par le Parisien, près de 3,6 millions de doses du vaccin AstraZeneca avaient été réduites à néant, pour une valeur, cette fois, de 10 millions d’euros. Mais le secret demeure jalousement gardé. Et les pouvoirs publics, à Bruxelles ou à Paris, se renvoient la balle pour entretenir le brouillard autour de ce qui ne reste pourtant que la pointe émergée de l’iceberg…
700 millions d’euros de vaccins bientôt inutilisables
Selon les données publiées par le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), l’UE a reçu, entre fin 2020 et novembre 2022, près de 1,3 milliard de doses et en a utilisé 920 millions. Dans ce lot, la France en a, elle, administré 143 millions sur une livraison totale de 208 millions de doses.
C’est dans le rapport entre ces deux volumes que se niche la bombe financière et politique. Sur ces 380 millions de doses à l’échelle de l’UE ou sur ces 65 millions en France, un certain nombre a évidemment pu être « perdu » – au gré des incidents, par exemple, dans le transport, la logistique ou la conservation – au cours des campagnes de vaccination,
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