NOTE À PROPOS DU COULOIR (OU CORRIDOR) DE SAWAŁKI
Samedi deux juillet, l’AFP a repris une information de l’agence de presse d’État Belta de Biélorussie qui faisait parler le président Alexandre Loukachenko * en ces termes :
« On nous provoque. Je dois vous dire qu’il y a environ trois jours, peut-être plus, on a essayé depuis l’Ukraine de frapper des cibles militaires en Biélorussie. Dieu soit loué, nos systèmes antiaériens Pantsir ont intercepté tous les missiles tirés par les forces ukrainiennes […] Je vous le répète, comme je l’ai dit il y a plus d’un an, nous n’avons pas l’intention de combattre en Ukraine ».
La fin de de ce propos montre donc que la situation ukrainienne était déjà discutée « il y a plus d’un an » du côté de la Biélorussie, ou pour traduire le nom de ce pays en français : de la Russie Blanche.
Parmi tout ce que les media mondialistes peuvent véhiculer de mensonges, d’inexactitudes ou des délires concernant la Russie, les seuls éléments qui apparaissent comme vrais sont :
1 – le fait que la Russie est entrée en Ukraine à partir de son territoire du côté de Soumy, de Kharkov et du Donbass, mais encore de la Biélorussie. Par contre, on ne sait si ce pays sert de « de base arrière aux forces russes » comme on a pu l’entendre ou le lire ;
2 – le fait récent, finalement feu de paille, de pauvre délire lituanien (Lituanie : 2,7 millions d’habitants) qui sur ordre de l’Otan et de l’UE voulait interdire le transit commercial ferroviaire entre la Biélorussie et l’enclave russe de Kaliningrad de certains produits comme le charbon, les matériaux de construction et les métaux.
Or, assurer un blocus de produits « normaux » (je veux dire de produits « ordinaires » qui circulent normalement, partout ailleurs dans le monde, d’un pays à l’autre) est rien de moins qu’un acte de guerre.
Remarque en passant à propos des lignes ferroviaires lituaniennes. Le transport ferroviaire en Lituanie a pour base un réseau à écartement russe (1.520 mm) qui date de l’époque de l’URSS, et qui le réunit à celui de la Russie, de la Biélorussie et de la Lettonie.
Mais avec la Pologne, il est relié avec des voies dites « normales », i.e. dont l’écartement des rails est de 1.435 millimètres. Et il possède aussi des voies étroites (en 750 mm).
Actuellement, la Lituanie tend à électrifier son réseau ferroviaire et à développer la norme « européenne » (de l’Ouest européen) dite « normale » ou encore appelée «écartement de Stephenson ». Cet écartement est l’un des plus utilisés dans le monde, sur 60 % environ des lignes existantes. Il remonte à ladite Convention de Berne du 10 mai 1886 quand l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie, la France, l’Italie et la Suisse ont fixé cette norme commune.
Et donc ce qui transit par la Lituanie et Vilnius en particulier, entre Kaliningrad et la Russie se fait sur des rails aux normes « soviétiques ».
* Loukachenko, nom qui s’écrit certes avec un « o » final en russe (tout en ce prononçant ë ou à), mais avec un « a » en biélorusse (qui se prononce à), donc que l’on devrait écrire et prononcer : Loukachenka.
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Au Nord de la Pologne et à Kalilingrad, on se trouve sur l’ancien territoire de la Prusse orientale allemande qui est revenue à ces deux pays en 1945. Et cette histoire de corridor en est la conséquence. Ce qui finalement a transformé le problème de la Prusse orientale et du couloir de Dantzig (Gdansk) d’avant-guerre par le problème de Kalilingrad et du couloir de Suwałki actuel.

1945 partage de l’ancienne Prusse orientale allemande (des anciens chevaliers teutoniques) ; le district d’Allenstein revenant à la Pologne et la région de Königsberg revenant à l’URSS, et finalement à la Fédération de Russie.

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À cette occasion, il a été évoqué le fait qu’il existe un droit de passage qui serait concrétisé sur le terrain par une étroite bande de terre russe entre la Biélorussie et l’enclave (plutôt l’exclave car elle est en dehors de la Russie, ou plus exactement la semi-enclave, car il existe une ligne maritime de ferries entre les ports de Kaliningrad et de Saint-Pétersbourg) ; droit de passage reconnu par les Traités internationaux (un peu comme on parle de « droit de passage » ou de « droit de servitude » dans le Droit français pour les propriétés enclavées). Cette bande de terre qui appartient à la Pologne, court tout le long, du côté polonais, de la frontière avec la Lituanie sur une longueur qui varie selon les sources entre 85 et 105 kilomètres. À vol d’oiseau, la distance entre l’Oblast de Kaliningrad et la Biélorussie mesurerait 65,4 km à son point le plus étroit.
Sa largeur, sa configuration générale, je l’ignore plus ou moins ; il est très difficile de trouver des informations sur ce sujet. On est amené à seulement supputer certaines choses concernant cette réalité.
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« En temps normal », cela ne gène en rien la libre circulation, du moins aux points de passage d’un pays à l’autre puisque la Lituanie a mis une clôture en barbelés ces dernières années tout le long de sa frontière avec l’oblast de Kaliningrad ; on est dans l’espace Schengen, entre la Lituanie et la Pologne (si ce n’est que l’on peut y être occasionnellement soumis à contrôle de douane volante). Mais en temps de guerre ce passage pourrait être occupé par l’armée russe et pourrait séparer les trois États baltes de la Pologne et du reste de l’Union européenne et de l’Otan.

Ce que l’on peut dire tout d’abord, c’est que cette zone frontière qui joint la Biélorussie à l’oblast russe de Kaliningrad, qui appartenait en grande partie à la Pologne entre les deux guerres, est une région très rurale, peu peuplée. Apparemment assez plate, faite de prairies, de forêts, d’étangs, de lacs et de nos jours de parcs naturels. Elle est moins une zone d’échange et de passage que deux zones d’extrémités de pays. Il n’y a aucune grande ville en ce secteur, ni d’un côté ni de l’autre. Quand il y avait encore une frontière fermée entre les deux pays (avant le le 21 décembre 2007), il n’y avait que trois zones de transit routier par les postes frontière de Ogrodniki-Lazdijai, Budzisko-Kalwaria (Kalvarija), Berżniki-Kapčiamiestis ; et une seule de transit ferroviaire de Trakiszki-Szestokaj pour toute cette zone du corridor.
Tout le long de cette frontière se trouve donc ce qui est appelé le couloir (terme civil) ou le corridor (terme plus militaire) de Suwałki (ou Swalki), prononcé plus ou moins « souvawkyi » (avec les semi-voyelles w et y) en polonais. Suwałki en polonais, Suvalkai en lituanien, Suwalken en allemand. Dit « de Suwałki », car ce couloir, ce corridor passe à proximité de cette ville polonaise. Le corridor, le couloir de Suwałki. En polonais : « przesmyk Suwałki”, en lituanien : « Suvalkų koridorius“. En anglais : „the Suwalki gap ».
J’ai donc eu beaucoup de mal à collecter des informations écrites (tant en français que dans d’autres langues) et des illustrations éclairantes sur ce couloir de Suwalki. Il m’a été plus facile de trouver (y compris en polonais) des informations sur l’ancien corridor de Suwalki que sur l’actuel corridor de Suwalki.
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Du temps du couloir de Dantzik (Gdansk)
Ce précédent corridor de Suwalki exista, entre les deux guerres, entre la Pologne et la Lettonie quand la Pologne occupait une partie de la Lituanie actuelle, y compris sa capitale Vilnius, comme elle occupait la Galicie ukrainienne. Si l’actuel corridor est de direction Nord-Ouest / Sud-Est (Oblast de Kalilingrad / Biélorussie) le précédent fut de direction perpendiculaire : Sud-Ouest / Nord-Est (Pologne / Lettonie). Voir la carte suivante.

Les frontières sont en rouge. Les lignes ferroviaires en noir. En jaune, le Sud-Est du territoire d’alors de la Lituanie. En vert, l’extrémité Nord du territoire d’alors de la Pologne, qui est maintenant intégré à la Lituanie. En vert vif, une zone contestée entre les Polonais et les Lettons. En bleu, la zone de la « pas neutraly » entre la Lituanie et la Pologne : la ceinture, la bande neutre.
Si j’ai bien compris la logique, cette zone neutre était une sorte de frontière ouverte, puisque la partie polonaise à l’Est comportait un grand nombre de Lituaniens. (Résultat d’une implantation plus récente de Polonais en cette contrée, suite à l’union étroite des deux entités pendant plus de deux siècles).
Tellement présent et depuis bien plus longtemps, que de nos jours, toute cette partie Est de territoire fait partie intégrante de la Lituanie, avec en particulier rien de moins que sa capitale Vilnius (Wilno). Mais cette partie Est, possède une minorité de polonophones, plus particulièrement à proximité de la frontière avec la Biélorussie, et jusque dans ce dernier pays.

La langue lituanienne : en bleu foncé : là où elle est unique ou majoritaire (noter la petite zone où elle est majoritaire en Biélorussie) ; en bleu clair : là où elle est minoritaire (dans l’extrême-Est de la Lituanie, en Biélorussie et en Pologne)

La langue polonaise: en noir, là où elle est unique ou majoritaire (en Tchéquie, Slovaquie, Ukraine, Biélorussie, Lituanie) ; en marron, là où elle représente 15 % ou plus de la population (Lituanie). (cf. l’article de ce blog du 9 août).

La situation du biélorusse est comparable à celle du l’ukrainien. Ces deux langues (plus ou moins dialectales, donc plus ou moins unifiées, et semble-t-il plus rurales qu’urbaines, ou plus propres à certaines portions de territoire que d’autres — je parlerai plus longuement de la situation de l’ukrainien dans un article que je prépare depuis longtemps — sont intimement mêlées à la grande langue de culture, des arts et des sciences (et des élites tant biélorusses qu’ukrainiennes) qu’est la langue russe. Ni le biélorusse, ni l’ukrainien n’en ont le prestige.
Le biélorusse est parlé majoritairement, au mieux, sur une moitié du pays, mais sur des aires les plus diverses et plus ou moins dispersées. Sa cartographie fait penser à la situation d’une langue en recul. Minoritairement, elle est parlée sur une autre moitié du territoire biélorusse, mais aussi, surtout au-delà de sa frontière avec la Russie, et un peu en Lettonie, Lituanie, Pologne et Ukraine
Il existe même tout au Nord-Est de l’Ukraine, une petite zone frontière où des personnes parlent un dialecte mixte biélo-russe (trasianka) ; comme il existe par ailleurs et pas mal développé, ici ou là sur une bonne partie Nord du pays ukrainien, un dialecte ukraino-russe (surzhik).
Le trasyanka est « 1. Un mélange de foin et de paille utilisé comme aliment pour le bétail. 2. La langue de tous les jours des habitants de nombreuses régions de la Biélorussie, composée d’un mélange de mots biélorusses et russes. Il est typique des personnes peu éduquées qui ne maîtrisent pas suffisamment le biélorusse et le russe. (d’après le dictionnaire russe Akademik). C’est un peu comme si l’on disait en français « méteil » qui est un mélange de grains de seigle et de froment, pour désigner une langue mixte.
Il faut savoir qu’aux siècles passés toutes ces régions de l’Est ont connu des découpages étatiques et des peuplements des plus divers, très mêlés.
On ne peut négliger que la République des Deux Nations (les deux nations étant la Pologne de langue slave et la Lituanie, de langue balte orientale comme la Lettonie ; l’Estonie parlant une langue finno-ougrienne comme en Finlande) a réuni entre 1569 et 1795 le royaume de Pologne et le Grand-Duché de Lituanie.
Cette République n’avait rien de républicaine puisqu’il s’agissait d’un régime féodal (monarchie élective en Pologne et Diète, un parlement de nobles ; duché héréditaire en Lituanie). Cette entité avait la particularité d’être essentiellement catholique, du moins là où elle n’avait pas gagné de territoires par la conquête de populations de religion orthodoxe. Précisons que la Lituanie ne s’est d’ailleurs vraiment convertie au catholicisme qu’aux 13e puis au 14e siècles. Cette fédération a été dissoute lors d’un partage de la Pologne entre la Russie impériale, la Prusse et l’Autriche.
En son temps de grandeur, La République des Deux Nations, liée par le catholicisme, couvrait un vaste territoire : Pologne, Lituanie ; Lettonie et une partie de l’Estonie qui par contre étaient de tradition luthérienne ; l’Ouest de la Russie, la Biélorussie, une bonne partie de l’Ukraine.
De nos jours pour amener un peu plus de difficulté, il faut savoir qu’il y a « seulement » 6 % de russophones en Lituanie, mais 25 % en Estonie et 35 % en Lettonie, où ils sont considérés comme des citoyens de seconde zone.
Rappelons que les trois États baltes et la Pologne sont entrés dans l’Union Européenne avec une ribambelle d’autres pays de l’Est (huit au total) le premier mai 2004. Soit tous postérieurement à leur entrée dans l’Otan.
Date d’entrée dans l’Union Européenne : | Date d’entrée dans l’Otan : | |
Estonie | 1er mai 2004 | 29 mars 2004 |
Lettonie | « | « |
Lituanie | « | « |
Pologne | « | 12 mars 1999 |
Hongrie | « | « |
Tchéquie | « | « |
Slovaquie | « | 29 mars 2004 |
Slovénie | « | « |
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De ce couloir actuel de Suwałki , voici ce que j’en ai compris et retenu :

Tout d’abord, je n’ai pas réussi à trouver de carte détaillée de ce corridor du genre de celle de la bande neutre (« pas neutraly ») de la carte du corridor de Suwalki de l’entre-deux-guerre, entre la Lituanie et la Pologne.
Cette photographie (d’un photographe lituanien) illustre un article consacré à cette entité. Il est dit par ailleurs que le couloir se tient en limite de frontière, du côté polonais. Depuis quelques années la frontière lituanienne est barbelée, comme on peut le voir sur des photographies. et sur des vidéos (voir plus bas). Cette clôture a été réalisée par les Lituaniens.
La clôture ayant été réalisée par les Lituaniens, les barbelés se trouvent de leur côté, soit à droite sur cette photographie. De l’autre côté, on serait tenté de voir une portion de la Fédération de Russie (oblast de Kaliningrad) puisque l’obsession lituanienne est de se protéger de la Russie ; ou bien éventuellement de la Biélorussie, mais je ne pense pas qu’une telle clôture ait été dressée entre la Lituanie et la Biélorussie. Les deux autres frontières de la Lituanie sont avec la Pologne et la Lettonie qui, comme on vient de le préciser font partie et de l’Union Européenne et de l’Otan.
Cette photo, qui nous montre une trouée frontalière entre les arbres, nous donne une idée de la largeur des bandes frontalières de chaque pays. Une photo plus loin (cf. photo clôture I en annexe) laisse entendre qu’elle est de 15 mètres de chaque côté. Mais ce ne semble pas être partout le cas. Il n’existe pas partout de bande frontalière notable (comme on le voit également sur des photographies dans l’annexe : photos clôture I à III).
Sur la partie gauche de la photo ci-dessus on remarque au-delà de la bande frontalière proprement dite une série de hauts poteaux qui semblent maintenir une clôture, ou un système de surveillance avec peut-être des caméras. Si cette partie gauche montre la frontière de Kaliningrad, alors il est amusant de constater que la frontière russe est elle aussi clôturée en cet endroit. Mais en retrait.
Cela dit, il est bien difficile d’en conclure quelque chose. Tout ne semble pas très cohérent, ou plus exactement, la cohérence ne saute pas aux yeux lorsqu’on a des photographies du terrain.
En conclusion (toute provisoire) : cette bande de terre constituant la bande frontalière de chaque pays serait de quelques mètres, tout au plus une ou deux dizaines de mètres de large ; peut-être entre la ligne de poteaux que l’on voit sur la gauche de la photographie et l’axe central de la frontière proprement dit. Mais je ne suis pas affirmatif à 100 %, ni même à 50 %. Tout semble fait pour cacher cette réalité.
Flou, peu d’informations, peu de documents photographiques ou vidéos. Du moins sur ce qu’est réellement sur le terrain, sur le sol polonais, cette « bande de terre » jamais définie concrètement. Je n’ai pas trouvé de vidéo en français la définissant.
Dans cette vidéo en anglais (sous-titrée) https://www.youtube.com/watch?v=qO1RlvTAE7k, « la chose » est définie ainsi : « The corridor is a 104 kilometers long strip of land that connect Russia’s Kaliningrad oblast with Belarus and runs along the lituanian poland border. It’s name after the polish town of Suvalky wich lies just to the south of the border. »
Mais pas un mot sur l’aspect physique de cette « long strip of land », longue bande de terre ; en particulier sur son emplacement exact et surtout sur sa largeur. Est-ce qu’on peut dire, comme certains, que le couloir de Suwalky n’est qu’une simple ligne (imaginaire, théorique, formelle) sur une carte ?
Ni sur la manière dont elle « runs along the lituanian poland border », dont elle court le long de la frontière entre la Lituanie et la Pologne.
Peut-être que la réponse se trouve dans la longue tradition nordique d’espace ouvert plus ou moins libre et public qui est régi, pour tout un chacun, par le droit d’accès commun ou public à la nature et aux fruits de la nature. Du moins dans certaines limites, indépendamment du droit de propriété. Explicable par l‘ampleur des espaces naturels et la faible densité de population. Ou encore par le long nomadisme de certaines ethnies.
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J’ai écrit plus haut que cette région qui, pour l’essentiel, n’en formait qu’une avant la Seconde guerre nationale, Elle est moins une zone d’échange et de passage que deux zones d’extrémités de pays. En commentaire sous cette vidéo un certain Piotr Wojdelko qui pour le temps présent nuance ce propos et explique (en anglais dans l’original) :
« Je suis né et j’ai grandi au corridor de Suwalki […] Enfant, je me souviens de la ville très arriérée de Suwalki appelée : le bout du monde. Avant 1989, je me souviens de clôtures de barbelés, de nombreux soldats mettant fin aux routes et aux chemins de fer « marque d’amitié mutuelle entre l’URSS et la Pologne ». […] Soudain, j’ai découvert que l’on pouvait voir quelque chose de l’autre côté de la frontière. Maintenant, ils construisent des autoroutes et des voies ferrées reliant la Finlande et il y a un trafic énorme. Je me souviens aussi qu’après la Seconde Guerre mondiale, les Russes voulaient donner l’oblast de Kaliningrad à la Lituanie, mais la Lituanie a refusé parce qu’ils avaient peur d’être minoritaires dans leur propre pays. Je tiens à mentionner que les Russes ont parfaitement colonisé cette région et que les Allemands ont laissé derrière eux des villes électrifiées. On m’a dit que les gens voyaient des scènes assez exotiques de Russes se dirigeant avec des chameaux. Ils se sont installés sans comprendre comment utiliser certains équipements ».
Amusant. En clair : « Nous les Polonais, nous étions arriérés et les Russes de Kaliningrad (et autres, car il n’y avait pas que des Russes dans l’oblast), au moins autant que nous ».

La campagne en été du côté de Suwaƚki. Ici, pas de bains de mer, mais bains d’une infinité de lacs, grands ou plus petits.
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Czarna Hańcza est le nom de la rivière qui traverse Suwałki, rivière polonaise et biélorusse qui se jette au final dans le Niemen, le grand fleuve qui, né des hauteurs proches de Minsk, parcourt 937 km pour se terminer en delta, et se jeter dans la lagune de Courlande de la Mer Baltique, frontière entre la Lituanie et l’oblast de Kaliningrad.
Нёман, Nioman, en biélorusse, Nemunas, en lituanien, Неман, Neman, en russe ; Niemen, en polonais etMemel, en allemand ; ce fleuve qui se love au long de ses terres sub-baltiques déjà propice à tant et plus de retenues d’eau (lacs, étangs), se développe comme les autres rivières de cette vaste région, tout en retenues, lenteurs et paresses, contournant le dédale de diverses vallées, ou faibleshauteurs, en de multiples boucles et volutes. Il prend son temps, ne pratique pas les raccourcis, étale son lit et draine une contrée biélorusse, lituanienne et russe. Lenteurs accentuées en hiver par le gel et la glace.

Le parcours du Niemen
Czarna Hańcza est également le nom donné à un village polonais de la région et le Lac Hańcza est le nom du lac polonais le plus profond (un peu plus de 100 m).
Si Czarna hańcza (tcharna hagntcha ; h initial = jota espagnole ; ń = le « gn » français ou italien, le « ñ » espagnol) veut dire : « la Hańcza noire » en polonais comme en lituanien (Juodoji Ančia), et biélorusse (Чорная Га́нча ou Ча́рна Га́ньча), alors que veut dire « hańcza » (hagntcha), « ančia » (antchia), « Га́нча » ou «Га́ньча » (hantcha ou hagntcha) ?
De ce mot, voici ce qu’en dit le site polonais « ciekawyswiata.pl »
(cf. https://ciekawyswiata.pl/wakacje-w-polsce/czarna-hancza/) :
« Nazwa rzeki pochodzi z języka jaćwińskiego jakim mówili zamieszkujące te tereny Bałtowie. Ludy, które mieszkały tu w zamierzchłych czasach były bardziej spokrewnione z Litwinami i Łotyszami niż Polakami. »
Soit en français : « Le nom de la rivière vient de la langue yotvingienne parlée par les Baltes vivant dans ces régions. Les peuples qui vivaient ici dans les temps anciens étaient plus liés aux Lituaniens et aux Lettons qu’aux Polonais. »
Les Sudoviens (ou Yotvingiens), Ptolémée a fait mention de ce peuple qui habita les vastes forêts au sud-ouest du fleuve Niemen, du côté des villes actuelles de Biaƚystok et de Sawaƚki en Pologne et de Grodno en Biélorussie.
Le yotvingien ou sudovien est l’une des diverses langues baltes aujourd’hui éteintes. Et l’on rapproche ce mot hagntcha, antchia ou hantcha du vieux germanique « anut » (« ente » en allemand moderne), canard ; du lituanien « antis », canard ; et plus haut, du latin « anas/anatis » (génitif pluriel anatum, rarement anatium), canard ; et du sanscrit « ātis », gibier d’eau.
Czarna Hańcza (tcharna hagntcha) est donc La Canardière Noire. Il faut savoir que dans ces Nord-Est de la Pologne et Sud-Est de la Lituanie, moins le Nord-Ouest de la Biélorussie, les lacs sont légion ; ce sont généralement des lacs en ruban, c’est-à-dire tout en longueur, de fond de vallées à roches tendresou alluvionnaires, qui peuvent être reliés par des cours d’eau naturels, semi-naturels (aménagés), ou artificiels, tel le Kanal Augustinowski de Pologne.
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Sortie de Vištytis (vichtiitis) — Wisztyniec, en polonais, cité lituanienne frontalière de l’oblast de Kaliningrad.

Le village, le lac et le parc régional de Vištytis. Tout au Sud, à la jonction des trois frontières (au Nord-Ouest oblast de Kaliningrad, au Nord-Est Lituanie, tout au Sud et Sud-Est Pologne), se trouve le tripoint de Vištytis.
En fait, une seule chose semble retenir l’attention des uns et des autres concernant ce corridor, un aspect disons pittoresque, mais mineur : c’est un tripoint (ou une trijonction), là où la frontière polono-lituanienne rejoint la frontière de l’oblast de Kaliningrad.
En voici une photographie. Malheureusement, les photographies que j’ai pu rencontrer sont assez pauvres en explications.

Photo clôture A
La légende de cette photographie, qui montre un monument que l’on dit être de marbre, énonce :
« Le tripoint Russie-Lituanie-Pologne près de Vištytis (photographié du côté polonais) marque l’extrémité nord-ouest du Suwałki Gap. La Russie, à gauche, est derrière la clôture verte, tandis que la frontière lituanienne, à droite, est marquée d’une clôture barbelée. »
On peut se demander : à qui appartient, alors, la zone centrale entre les deux rangées de grilles et barbelés ? Une définition générale du mot frontière est quelque chose comme : « espace de largeur variable, allant de la simple ligne imaginaire dessinée sur un plan à une aire particuliaire séparant ou joignant deux territoires et marqué sur le sol par des repaires, y compris par des clôtures continues ».
Mais il est difficile de trouver des précisions sur les éventuelles aires frontalières particulières. Généralement, quand deux pays s’accordent à clôturer, à clore leurs frontières, les deux clôtures ne se touchent pas mais sont séparées par quelques mètres d’une sorte de « no man’s land » ou de zone neutre (termes militaires).
Mais alors, ce no-man’s-land, s’il existe bien, qui l’entretient, ou tout simplement qui en fauche l’herbe ? Qui réalise la borne centrale entre les marques, les poteaux en bois de chaque pays qui se font face, du moins quand il y en a ?
Notons aussi que toutes les photographies présentées dans cet article ne sont pas de la même époque et non datées ou non datables. Ce qui ne facilite pas la compréhension, s’il y a des évolutions dans le marquage frontalier au sol.

Photo clôture B
Frontière d’État de la Fédération Russe — Ne pas entrer. À droite, derrière la clôture à barbelés, la Lituanie ; à gauche l’oblast de Kaliningrad ; et en arrière de la photographie, ou si l’on préfère : du côté de l’appareil photo, la Pologne.
Ce n’est malheureusement pas l’article de Frank Tétard titré : « Symétrie spatiale et temporelle d’une enclave : la Prusse-Orientale (1919-1939) et Kaliningrad (1992-2004) » (Revue géographique de l’Est, vol. 47 / 2 / 2007 cf. https://journals.openedition.org/rge/207) qui m’en dira plus. L’article est muet sur ce sujet précis de l’actuel corridor de Suwaƚki.
Vištytis est un petit bourg lituanien tout près de l’un des innombrables lacs de cette région qui collectionne également divers gros rochers posés sur les prés, qui remontent à la dernière époque glaciaire. Agglomération tristement célèbre pour avoir été, pendant la Seconde guerre mondiale, le lieu d’un massacre d’environ 220 Juifs (parlant le yiddish) sur une population de mille habitants par un einsatzgruppe, un « groupe d’intervention », de nationalistes lituaniens.

Ce que la légende de la photo clôture A appelle « la clôture verte » se situe en limite des arbres, là où se tient un grand poteau puis une série de plus petits poteaux, dans l’ombre des arbres. À droite la frontière lituanienne bordée de barbelés « pour, dit-on (on : les autorités lituaniennes) empêcher la contrebande de cigarettes depuis l’oblast de Kaliningrad ».
On ne sait pas jusqu’où court la clôture vers la droite, du côté de la frontière avec la Pologne. Mais, normalement, il y a libre passage entre les deux pays, depuis ces dernières années, comme dit par ailleurs.
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Une photographie (plus récente ?) marque clairement les limites russes au tripoint, derrière la barrière rouge et blanche de la Pologne et rouge et verte de l’oblast russe de Kaliningrad.

Photo clôture C
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Photo clôture D

Photo clôture E
Sur le panneau de gauche est écrit : « Granica Państwa — Przekraczane Zabronione ». Soit : « Frontière d’État — Passage Interdit ». Et en-dessous : « Teren », suivi de mots illisibles sur la photo. « Teren » signifie : « territoire, région, terrain, champ… » en polonais. Je suppose que la phrase complète est « territoire de la Fédération de Russie » ou « territoire de l’oblast de Kaliningrad ».

Accès au tripoint depuis la Pologne (voir plus loin, la photographie du chemin aménagé y menant). Devant nous, on a (partie boisée) la pointe que forme l’oblast de Kaliningrad à son extrémité Sud-Est. Dans le fond à gauche court la bande frontalière signalée en rouge sur la photographie du plan qui se trouve un peu plus loin. Il semble que toute cette partie centrale — soit du côté polonais au-delà des barrières jaunes — soit en fait interdite d’accès, puisque, sous le panneau blanc cerclé de rouge, je crois y lire quelque chose comme : « Nie ? Straży Granicznej », « Ne pas ? Garde-Frontière ». Mais les gens, et c’est heureux, ne se gêne pas pour faire au moins des photos au côté du tripoint, et d’un côté ou de l’autre de celui-ci.
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Sur cette photo, prise du côté polonais, et antérieurement à la construction d’une clôture du côté lituanien (au fond, au niveau du chemin devant les arbres), on voit bien sur le sol pavé le découpage local de la frontière : à gauche, le (petit) quart russe, au centre le (petit) quart lituanien, et pour la Pologne, plus de 180°.

Le même endroit mais pris de la limite entre la Russie (à droite) et la Lituanie (à gauche). Au fond, le territoire polonais. C’est là que se trouve normalement le couloir réservé à la Russie.

Photo clôture F
Cette photographie a été titrée par son auteur : « Finis civitatum in Wisztyniec ». Soit : fin des États à Wisztyniec (Vištytis), ou si l’on préfère : limite des cités à Wisztyniec (Vištytis).
La colonne (de marbre pour certains, de granit pour d’autres) est gravée des emblèmes des trois pays voisins et munie d’une inscription dans chaque langue nationale. Ici on lit : RZECZPOSPOLITA – POLSKA WISZTYNIEC ; soit : RÉPUBLIQUE DE POLOGNE WISZTYNIEC.
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En cet endroit, la frontière de la Pologne (Polska) comme le montre ce plan sur le terrain, est — de ce que je peux en voir — à plus de 180° par rapport au point central de la trijonction. Contre à peu près 90° pour la Russie (Rosja, rosya) et moins de 90° pour la Lituanie (Litwa, litva) comme on le voit indiqué sur ce panneau :

Photo clôture G
En-dessous de la zone en rouge (dont la couleur rouge veut dire sans doute : hors espace Schengen), on peut noter la petite bande pointillée également en rouge située du côté polonais de la frontière avec la Russie de l’oblast de Kalilingrad, où il est écrit : PAS DROGI GRANICZNEJ. Soit : chemin de ceinture frontalier, ou : bande de passage frontalier. Comme on pourrait dire en français : chemin des douaniers, sauf qu’ici cette voie de passage concerne la Russie.
C’est la seule photographie où j’ai vu noté ce qui pourrait être le fameux couloir de Suwaƚky. On peut constater que sa largeur ne paraît pas importante, du moins sur ce panneau.
Le texte en rouge en-dessous : « Zakaz przekraczaniai — Granicy Państwowej z Polski do Rosji iz Litwy do Rosji — Mandat karny 500 PLN », signifie : « Interdit de traverser — Frontière d’État entre la Pologne et la Russie et entre la Lituanie et la Russie — Amende pénale de 500 PLN ». PLN est l’abréviation de « polskiego nowego », « polonais nouveau », autre nom du zƚoty (« svoti ») nom de la devise polonaise qui veut dire littéralement : doré, en or.
« Interdit de traverser », sous-entendu vers la Russie exclusivement. En bas du panneau il est indiqué : « Poska —> Litwa — obowiązek posiadania dowodu osobistego lub paszportu », soit : « [pour aller de la] Pologne [vers la] Lituanie — carte d’identité ou passeport obligatoire.
On peut remarquer aussi que le couloir n’est pas noté du côté de la frontière entre la Pologne et la Lituanie, comme si il s’il était volontairement négligé, effacé, réduit à rien, puisque le passage est libre entre les deux pays depuis qu’ils appartiennent tous deux au dit « Espace Schengen », soit depuis le 21 décembre 2007.
Pour être complet — si je comprends bien la logique — le plan devrait donc être le suivant.

Ce plan situé à la tri-jonction de Vištytis ne nous dit pas non plus sur quelle longueur se prolonge cette bande de terre (polonaise mais réservée à la Russie?) vers l’Ouest. On peut donc supposer qu’elle court, non seulement entre la frontière polono-lituanienne depuis la « pointe » de la Biélorussie (plus exactement du tripoint complémentaire entre Pologne, Lituanie et Biélorussie), mais aussi tout le long de la frontière entre la Pologne et l’oblast de Kalilingrad jusqu’à la mer. En espérant ne pas trop spéculer sur ce sujet. Et sur sa matérialité sur le terrain.
La frontière entre la Pologne et l’oblast de Kaliningrad présente un tracé quasi géométrique qui semble hériter de l’ancien découpage entre la Prusse orientale allemande et le district d’Allenstein (aujourd’hui Olsztyn en polonais).


*
En considérant non seulement le plan plus haut mais diverses photographies de la frontière lituano-polonaise, on peut se poser la question de la réalité de ce couloir sur le terrain polonais car tout ne semble pas marqué.
Si le couloir de Suwałki est facile à repérer dans les zones forestières et boisées (et elles semblent nombreuses) comme on le voit sur la première (et rare) photographie de cet article, en d’autres endroits, il n’existe aucune marque notable, distinctive (poteaux, par exemple) matérialisant cette bande et sa largeur.
Par exemple ici, il y a un « passage interdit » polonais au milieu, dans l’axe d’un chemin :

Photo clôture H
Les deux chemins de terre, ou plus exactement le double chemin de terre marque-t-il deux voies de service, de ronde, de surveillance pour chaque pays ? Le chemin de droite, du côté polonais est-il la marque sur le terrain du corridor de Suwaƚki ?
Ici, nous dit-on, la frontière entre la Pologne et la Lituanie passe au milieu de la route, simple trait continu :

Dans la même région, la frontière coupe en travers une route tout en ligne droite.

***
Si le tripoint de Vištytis (ou Vištýtis) semble avoir la cote touristique, il n’en va pas de même avec le tripoint polono-lituano-biélorusse.
Le tripoint de Vištytis se trouve dans une zone de parcs naturels et est mis en valeur, du moins du côté de la Pologne qui a aménagé tout un chemin « urbanisé » pour s’y rendre.


Chemin aménagé vers le tripoint, du côté polonais.
La petite agglomération de Vištytis a pris le nom du lac dont elle est tout près et qui veut dire Poulet en lituanien. Ce lac jouxte l’oblast de Kaliningrad et la frontière entre les deux pays traverse le lac en sa longueur.
Lac Poulet :

Le lac du côté russe :

Et je ne crois pas que l’on pourrait dire de ce lac, qui est nettement plus grand qu’une mare et qu’un étang, si « Vištýtis toks podidelis », ce qui signifie : « le poulet est si petit », en lituanien.
*
Du côté de la trijection polono-lituano-biélorusse, aucune marque particulière. Il faut dire que, si du côté de l’autre trijection il y a divers villages aux alentours et parcs naturels plus ou moins à proximité, ici nous sommes dans un univers réellement de bout du monde, de fonds et tréfonds de campagne — qui plus ou moins loin de cet endroit connaissent des parcs naturels également — tant du côté de la Pologne que de la Lituanie et plus encore de la Biélorussie. Voir la carte suivante :

*
Voici le second tripoint polono-lituano-biélorusse dans toute sa sobriété.

Poteaux-bornes lituanien, jaune-vert-rouge, dans le fond à gauche, biélorusse, rouge et vert en hauteur, à droite, polonais, blanc et rouge, devant.
J’emploie le mot composé « poteau-borne ». Je ne sais s’il existe un terme officiel, ou autre pour désigner ces éléments tous apparemment de bois, et peints. Piquet ne semble trop petit et pilier trop grand. J’ai trouvé également le terme « poste » pour désigner ces morceaux de bois très généralement fixés dans une base cimentée ou bétonnée dans le sol. Je réserve le terme « borne-frontière » à ce qui se trouve entre deux poteaux de frontière, cette masse cimentée moulée matérialisant un point de la ligne faisant frontière [voir en annexe les photos A à G]. On peut remarquer qu’à la trijonction ci-dessus, cette borne frontière n’existe pas. Alors qu’à l’autre bout du corridor de Sawaƚki elle est mise en valeur et faite d’un gros bloc de pierre sculpté.
Il faut dire qu’ici, le tripoint est au milieu de rien, de la nature et des bois ; pas un seul village aux alentours immédiats ; les plus près sont à quelques kilomètres (voir carte au-dessus) : Szlamy en Pologne et Pertakas en Lituanie. Et bien plus loin du côté biélorusse.
Est-ce que je peux me permettre de dire qu’ici on est chez les bouseux, ou les bousoux comme on dit par chez moi ? En effet, Szlamy semble bien être un dérivé de szlam (chlam) qui désigne la bourbe, la boue, la vase, le limon, ou encore la bave, en polonais. Un pluriel.
Plus bas, il est question d’une rivière biélorusse dont le nom polonais est Szlamica (Chlamica) que l’on peut traduire par La Boueuse, ou un nom approchant. Ou La Bargeuse, car « szlamik » est le nom polonais de la barge,cet échassier migrateur, à bec droit et pointu et très long, qui vit sur les marais (ou sur les rivages). De la grande famille des limicoles comme la bécasse ou le courlis. Limicole : du latin limus, limon, boue ; car une bonne partie de ces oiseaux se nourrissent de petits invertébrés qui vivent dans la vase ou l’humus. .
« Les Boues », « Les Vases », nom de lieu pas si étonnant. Je connais dans ma région, un micro-toponyme, un lieu-dit « perdu » où se trouvait autrefois une ferme, qui s’appelle Le Bourbou (anciennement écrit : Bourgbout). Le Bourbou est tout simplement Le Bourbeux. De la racine borb/bourb que l’on fait venir du gaulois borua / buruo / Boruo/ eau chaude, bouillante, bouillonnante, Dieu des eaux chaudes. Qui a donné : bourbe, bourbeux, barboter, etc. en français.
Et Pertakas, un dérivé de pertak qui veut dire débordement, tandis que pértaka a le sens de détroit ou de canal d’écoulement. À rapprocher également de perkasas et protaka, canal (cf. Lietuvių Kalbos Žodynas, le Dictionnaire de la langue lituanienne).
Il existe au moins deux Pertakas dans la région frontière entre la Lituanie et la Biélorussie. À l’Ouest au plus près du tripoint, à l’Est au-delà de toute une importante zone forestière. Concernant cette forêt, sur les cartes on trouve les notations suivantes : « pertako miško biosferos poligonas », ce qui semble vouloir dire : « polygone de la biosphère de la forêt de Pertakas » ; et, « pertako ornitologinis draustinis », « réserve ornithologique de Pertakas ». L’expression « polygone de la biosphère » se retrouve en divers lieux de la Lituanie ; il s’agit de zones protégées pour ses arbres, ses prairies, sa flore, sa faune, ses cours d’eau, sa géologie, sa configuration naturelle.
Un autre village de Lituanie relativement proche du tripoint est celui de Kuodžiai (kouodjiaï), qui se trouve à la porte ouest de « pertako miško » (michko), la forêt de Pertakas. Sauf erreur ce toponyme est un dérivé de « kuodas» qui a le sens de « crête, huppe, aigrette… ». Le « kuodžiagal̃vis » ou « kuodys » est le nom lituanien de l’alouette huppée dit aussi cochevis huppé (Alauda cristata) ; de « kuodas », huppe et galva, tête. Alors, Kuodžiai ; Les Crêtes ? Les Huppes ? Les Alouettes ?
*
Loin de tout centre de décision, ces contrées frontalières sont loin d’être exemptes des remous des capitales et métropoles. Bien au contraire.
Ainsi, la prégnance de la Seconde guerre mondiale dans ces endroits reculés reste vive. Tout autant l’animosité des uns ou des autres à l’encontre de l’Armée rouge. Il me semble qu’à l’Ouest, le deuil a été fait, la mort de ces temps y a été refoulée (certes le contexte n’est pas du tout le même) ; bien qu’il est encore possible de trouver ça et là dans nos campagnes, ou au bord de routes, des monuments, généralement une croix, munie d’une inscription qui nous rappelle qu’en ce lieu a été abattu un ou plusieurs Résistants.
Voici par exemple, ce que l’on trouve de nos jours à la frontière entre la Pologne et la Lituanie à Stanowisko.

Sur le monument est écrit :
« Miejsce Mordu Żołnierzy / 24 Batalionu Korpusu Ochrony Pogranicza « Sejny » / na strażnicy w Stanowisku dnia / 24 wrzenia 1939r. przez Armię Sowiecką / zajmująką wschodnie obszary Polski. / … 1997 r. ekshumowano ósmiu żolnierzy / … porchowano na ementarzu w Berżnikach. / « … ZGINELI W OBRONIE GRANIC POLSKI » »
Soit :
« Lieu du meurtre des soldats / du 24 bataillon du Corps de Protection des Frontières « Sejny » / des gardes de Stanowisko / le 24 septembre 1939 par l’Armée Soviétique / occupant les parties orientales de la Pologne. / … en 1997, huit soldats ont été exhumés / … ont été déplacés au cimetière de Berżniki. / «… MORTS EN DÉFENSE DES FRONTIÈRES DE LA POLOGNE» »
Sejny est une petite ville qui se situe au nord-ouest de Stanowisko. Sejny (sèynè) est peut-être (sans doute?) une forme dialectale de « senny » (sènenè) qui signifie « somnolent » ; la rivière qui passe en cet endroit, est la Marycha (marèxa x = jota espagnole), mot que les dictionnaires polonais donnent comme traduction à « marijuana ». Rivière qui draine, de droite et de gauche, les herbages locaux et qui relie plusieurs lacs et étangs, qui semblent tous se nommer d’un seul nom : Jezioro (yèziòrò) Sejny, autrement dit : le Lac de Sejny. La somnolence semble être une vertu naturelle ou sociale en cette région. Sauf en certaines périodes où tout par en morceaux ou en folies racistes et xénophobes.
Quant à Stanowisko, cela signifie tout simplement et trivialement : Poste de garde.
*
De même en est-il du côté biélorusse, où le village le plus proche du tripoint est plus éloigné que les villages polonais et lituaniens les plus proches. Et bien isolé. Il s’agit du village de Калeты, en biélorusse, Kalety en polonais. Au Nord-Ouest de Grodno.* Il se trouve à 118 m de hauteur au-dessus de la profonde vallée de la rivière Szlamica (Chlamica) dont j’ignore le nom biélorusse, qui serpente entre les petites hauteurs et qui coule du lac Szlamy qui se trouve à cheval entre la Pologne et la Biélorussie, pour se jeter plus à l’Est dans la rivière Marycha que l’on a déjà rencontrée du côté polonais. Les ruisseaux et rivières en toutes ces régions entre Pologne, Lituanie et Biélorussie, et aux paysages qui se ressemblent, empruntent tout un tas de détours et sont friands de circonvolutions.
Comme pour Stanowisko, Kalety est marqué par la Grande guerre patriotique russe et plus exactement par ses excès et ses crimes gratuits, puisqu’en cette cité, 35 polonais du bataillon « Sejny » dont j’ai dit quelques mots précédemment, cité sont fait prisonniers par l’Armée soviétique, puis exécutés, tous d’une balle dans la nuque, le 22 septembre 1939. Ils seront enterrés par la population locale dans la forêt près du village. Le 1er octobre 1989, les restes des soldats ont été excavés de cinq charniers et enterrés solennellement dans une tombe commune au cimetière du village.
Tombe collective (Zbiorowa_Mogiła) où l’on peut lire entre autres : … ŻOŁNIERZOM WOJSKA POLSKIEGO POLEGLYM W KALETACH… 1969… Aux soldats de l’armée polonaise morts à Kalety (Kaletach, forme locatif de Kalety). Avec des fleurs blanches. J’ignore si le blanc est la couleur du deuil en Pologne, mais c’est le cas en Roumanie par exemple, ou en Chine.

Ce village est également connu pour sa Kaplica Matki Boskiej Siewnej. La Chapelle Notre-Dame des Divines Semences, qui pour certains aurait été fondée en 1789 par de riches agriculteurs en ex-voto de gratitude. Cependant, selon le registre des monuments, l’église date de 1810. Des messes ont lieu dans la chapelle plusieurs fois par an.
Tout ça pour rappeler quand ces lieux frontaliers, les communautés linguistiques peuvent se mêler, en bien comme en mal.

Kaplica Matki Boskiej Siewnej w Kaletach *
Chapelle Notre-Dame des Divines Semences à Kalety
*Matki : littéralement : Mère
*
* Note de toponymie sur Grodno.
Grodno se dit Гродна (Hrodna), en biélorusse, ou Гародня (Harodnia), h = la jota espagnole ; Гродно (Grodno), en russe, mais est prononcé grodna ; Grodno en polonais ; Gardinas en lituanien ; on donne également la forme slave : Gorodna. Et on cite encore la forme Goroden, attestée en 1127.
Ce toponyme vient de l’ancien verbe slave oriental « gorodit’ », entourer, clôturer. À l’origine (connue), cette cité était en fait une forteresse, située aux confins du monde slave oriental Rus’, aux limites Sud-Est des populations de langues baltes.
On le rapproche également du biélorusse горад , horad, ville, cité et du russe город, gorod (prononcé gorad), град, grad, ou городок, gorodok, tous même sens.
Il y a peut-être également un rapport entre Гродна, Hrodna, et агарод, aharod, qui désigne le jardin potager en biélorusse.
*
C’est dans « Ubu Roi ou les Polonais »que l’on trouve cette répartie :
Mère Ubu : … les Polonais m’ont chassée.
Père Ubu : Et moi, ce sont les Russes qui m’ont chassé. Les beaux esprits se rencontrent.
Tout ça pour dire que ces situations de guerre ont toujours, finalement, des côtés absurdes et tragiquement ubuesques. Que la mort soit au bout dans les normes ou pas, d’ailleurs, ou l’absence de mort.
Ce qui me fait penser ici aussi à l’histoire, ou plutôt la non-histoire que Busonni nous narre dans Le Désert des Tartares. Cette histoire d’une vie de militaire faite de rien : un jour, dans cette garnison du bout du monde, un cheval sans cavalier est aperçu, un soldat chargé de le récupérer est tué par erreur par une sentinelle ; plus tard des troupes ennemies s’occupent au loin à borner leur territoire et repartent ; plus tard encore,un officier meurt en allant déposer une borne tout en haut d’une montagne.
C’est l’attente sans fin, dans un ennui total, un vide abyssal et mortel, d’une hypothétique attaque de « ceux de l’État du Nord » contre « le Royaume » qui permettrait pour le « héros », commandant en second de la citadelle, de justifier, en repoussant l’ennemi, d’une victoire, l’unique victoire militaire, sociale, existentielle attendue. Alors que le commandant meurt, que son second prend sa place, ce dernier tombe malade et doit être rapatrié juste au moment où « ceux du Nord » font enfin le siège de la citadelle. L’officier aura donc parfaitement accompli sa carrière et sa vie résolubles au néant.
Eux, polonais, tués pour rien, ou plus exactement pas dans les règles de l’art. Lui n’en meurt pas, mais n’en a pas vécu non plus.
***
C’est ainsi, après ces considérations sémanto-toponymiques qui ne relèvent pas tant du hasard que cela, et vaguement « philosophiques », que je voudrais ajouter quelques mots encore, ou conclure — comme en voudra le dire.
En ces contrées très rurales, au relief peu accentué, et de paysages tous ressemblants, d’entre Pologne, Lituanie, Biélorussie, Russie, nous dirons que nous sommes en pays milochien.
Pourquoi « milochien » ? Parce que Oscar Milosz semble en avoir été une synthèse humaine, poétique, littéraire, politique même par certains côtés. En effet, Oskar Wadyslaw de Lubicz-Milosz (en polonais), Oskaras Vladislovas de Labunow-Milašius (en lituanien), ce poète et métaphysicien est né en Russie impériale, sur le territoire de l’ancien Grand-duché de Lituanie, à Tchereïa, cité aujourd’hui biélorusse qui se trouve au Nord-Est de Minsk ; né dans une famille de la noblesse polonaise, alors qu’il fut lui-même diplomate lituanien et écrivain de langue et au final de nationalité françaises.
Homme de mystères (il en a écrit au moins deux au début du XXe siècle) où l’on pouvait entendre :
Comme la vie est belle !
Plus de mensonges, plus de remords.
Et des fleurs se lèvent de terre
Qui sont comme le pardon des morts.
(in Méphiboseth, 1913)
Un grave et pur nuage est venu d’un royaume obscur,
Un silence d’enfance est tombé sur l’or de midi.
(in Saul de Tarse, 1914)
Juste après guerre, Il évoqua, à son tour, non seulement le mystère des temps passés mais aussi celui du lieu présent, parlant ainsi de la Lituanie (et finalement de tout cet ensemble situé aux frontières polono-lituano-biélorusso-russe) :
« Ce pays, c’est la Lituanie dont le nom remplit ma tête et mon cœur. Je veux vous la faire connaître. Venez ! Je vous conduirai en esprit vers une contrée étrange, vaporeuse, voilée, murmurante. Nous voici aux confins des terres polonaises, déjà nordiques, certes, mais amoureuses encore des couleurs. Un coup d’aile, et nous survolerons un pays où toutes choses ont la couleur éteinte du souvenir. Une senteur de nymphéas, une vapeur de forêt moisissante nous enveloppe. C’est Lietuva, la Lituanie, la terre de Gedymin et de Jagellon. » (écrit en 1919)
Gedymin et Jagellon furent les premiers Grands-Ducs de Lituanie, apparus au XIVe et XVe siècles.
C’est « Miloche », également, Milosz qui, deux ans avant sa mort (intervenue au printemps 1939), disait prémonitoire, prophétiquement à Petras Klimas (du moins si les « Souvenirs » de ce dernier sont véridiques ou correctement rapportés) :
« L’Allemagne écrasera la Pologne en 17 jours, dévastera la France et une grande partie de l’Europe. Elle occupera la Lituanie qui en sera très meurtrie et atteindra les profondeurs de la Russie d’où les Allemands seront enfin chassés et les chevaux des cosaques fouleront de leurs sabots les pavés des rues de Berlin. »
*
ANNEXE
Remarques en préalable :
Les couleurs des poteaux (de bois), tous à quatre côtés et de section carrée, qui servent de témoins frontières, normalement de chaque côté des bornes frontières en dur (ciment ou béton moulé) reprennent les couleurs des drapeaux nationaux :
1 — Le rouge et le blanc du drapeau polonais :

qui se présentent soit sous forme de plusieurs rangées de chevrons, aux couleurs alternées, axés sur les arêtes des poteaux, et sur toute leur hauteur ; donc au sens alterné –pointe en haut ou pointe en bas — suivant l’arête que l’on regarde ; soit sous forme de plusieurs bandes inclinées, aux couleurs également alternées, qui serpentent donc en biais, tout autour du poteau, du haut en bas.
La pointe du poteau est blanche.
2 — Le jaune, le vert et le rouge du drapeau lituanien :

qui présente un seul chevron tricolore, à chaque arête de poteau ; chevrons au sens également alterné .— pointe en haut ou pointe en bas selon l’arête.
Le reste du poteau est blanc. La pointe du poteau est rouge.
3 — Le rouge et le vert du drapeau biélorusse, aussi bien pour la Biélorussie que pour la Russie * :

a — Pour la Biélorussie, les deux couleurs sont peintes en hauteur et non en largeur, avec les deux couleurs par face, comme si le drapeau était redressé de 90° vers la droite, petite bande verte à gauche, grosse bande rouge à droite.
La pointe du poteau est rouge.
Mais le motif géométrique du drapeau biélorusse, la bande étroite du côté de la hampe, en forme de frise, emprunté à un routchnik (ручнік, en biélorusse ; рушник, rouchnik ou ручник, routchnik en russe ; рушник, rouchnyk en ukrainien) est ici absent.
Le routchnik ou rouchnik est un tissu brodé de formes géométriques, de symboles et de cryptogrammes lié aux cérémonies religieuses orthodoxes. On trouve la même chose en Roumanie, par exemple. *
b— Pour la Russie, alternance de bandes rouges et vertes de même hauteur du haut en bas du poteau.
La pointe du poteau est rouge.
Rappel des couleurs du drapeau de la Rossia (Ràssiya) :

* Largeur de la bande à motif : 1/9e de la largeur du drapeau ; hauteur de la bande rouge : le double de la bande verte.
J’ignore pourquoi ces deux couleurs, rouge et verte, ont été retenues par la Fédération de Russie, apparemment sur le modèle des couleurs nationales biélorusses. Biélorusses récentes, car ce drapeau biélorusse ne date que de 2012. Tandis que le drapeau national russe est une réminiscence du drapeau de l’époque impériale, couleurs apparues au cours du XVIIIe siècle dans le domaine de la navigation maritime. On dit que ces trois couleurs reprennent, dans un autre ordre, les couleurs du drapeau des Pays-Bas, car ce sont des Hollandais qui ont développé la marine russe.
Certes, le rouge est également présent dans le drapeau russe, comme dans tous les drapeaux des républiques de l’époque soviétique. Quant au vert, il est dit que cette couleur évoque les nombreuses forêts de Biélorussie. La forêt est un élément très présent de toute cette contrée partagée entre Pologne, Lituanie, Biélorussie et Russie, ou encore Lettonie et Estonie, pour ne pas remonter jusqu’à la Finlande ; contrée très généralement aux faibles altitudes et où les lacs, étangs, marécages voire tourbières (résultats de la dernière époque glaciaire) sont nombreux.
*
J’ai écrit plus haut que l’on peut se poser la question de la réalité du couloir de Sawaƚki sur le terrain polonais, car tout ne semble pas marqué. Et s’il semble plus ou moins facile à repérer dans les zones forestières, en d’autres endroits, il n’existe non seulement aucune marque distinctive matérialisant cette bande et sa largeur, mais de plus, selon les endroits, l’écart entre les poteaux frontaliers ne semble pas être toujours le même et parfois de dimension fort réduite.
Des normes doivent exister, existent évidemment, mais il n’est pas facile de les découvrir. J’ai juste réussi à trouver une photographie d’un panneau frontalier titré STRAŻ GRANICZNA INFORMUJE (la garde-frontière informe), présentant un long texte malheureusement indéchiffrable, illisible. De cette photo, de très mauvaise qualité (même après quelques améliorations), on ne peut pas en tirer grand-chose.
Cependant, elle permet de lire sur sa partie centrale présentant quatre photos, quelques mots essentiels. Ils sont traduits en quatre langues. Sur une, les mots sont en polonais, sur l’autre en anglais ; et sur les deux autres on suppose qu’ils sont écrits en russe ; et biélorusse ou lituanien ou allemand.

Photo clôture I
Les quatre photos représentent la même chose : la zone frontalière sans arbres, ou plus exactement bordée d’arbres ; de bordures de forêts ; de trouées forestières. À gauche, le poteau blanc et rouge qui marque la frontière polonaise ; à droite, le poteau semble-t-il rouge et vert, rayé en largeur, qui marque la limite de la Russie. Au-dessus noté en rouge entre les deux poteaux, il est probablement écrit que toute la bande de terre qui s’étend entre les deux poteaux constitue l’ensemble de la zone frontalière. Un trait rouge au centre, à égale distance des deux poteaux, marque la ligne frontière qui sépare les deux pays. Entre le poteau polonais et ce trait rouge, on peut lire, écrit en jaune : « 15 m », soit « quinze mètres » ; et en dessous, en polonais : PAS DROG GRANICZEJ, soit : bande (voie, route) de circulation frontalière ; et en anglais : BORDER STRIP, soit : bande frontalière.
Donc, la bande frontalière de chaque pays est de quinze mètres. Du moins est-il écrit ici. Les 15 mètres partent de l’axe situé entre les deux poteaux-bornes des deux pays qui, ici comme ailleurs, sont distants de peu de mètres. Ce qui doit être la largeur officielle de la bande de Sawaƚki : de quoi laisser passer largement un char militaire ou d’installer un lance-missile mobile, s’il en prenait l’envie à la Fédération russe.

Soit :

*
Voici ce qu’il en est de cette bande frontalière du côté polonais, du moins là où elle existe réellement et dans toute sa largeur. Avec cette vidéo du 24 janvier 2022 : « Straż Graniczna. Wyruszamy na służby — skuteczni, profesjonalni, zmotywowani, wierni słowom roty ślubowania ». « La garde frontière. Nous allons à notre service — efficaces, professionnels, motivés, fidèles aux paroles de notre tour de serment collectif. » Samodzielna Sekcja Prasowa — Section Presse Indépendante.
*
Ou avec cette vidéo du 17 janvier 2022 : « Straż Graniczna. Patrol mobilny z Placówki Straży Granicznej w Dubiczach Cerkiewnych. » « Patrouille mobile depuis le poste de garde-frontière de Dubicze Cerkiewne. » Ce village est situé au Nord-Est de la Pologne, à la frontière avec la Biélorussie.
Et voici une vidéo (sous-titrée en anglais) réalisée du côté de Vištytis et de son tripoint, par la chaîne du service public allemand Deutsche Welle, alors que la Lituanie en était à la phase « engrillagement » de sa frontière. Publié le 25 juillet 2017. On y apprend entre autres que les Lituaniens sont raisonnables pour la hauteur (2,30 m.), à côté des Hongrois par exemple, qui auraient des clôtures de frontière de trois ou quatre mètres de haut ; quant aux Russes, il ne sauraient même pas où se trouvent exactement leur frontière, sorte de tradition chez eux. Du moins c’est ce qu’affirme ce « responsable » lituanien.
« Lithuania’s fence on Kaliningrad border | DW Documentary . Lithuania is securing its border to Russia’s Kaliningrad Oblast with a two-meter-high fence, hoping to better protect the country against smugglers – and perhaps against Russia itself. » « La Lituanie sécurise sa frontière du côté de l’oblast russe de Kaliningrad avec une clôture de deux mètres de haut, dans l’espoir de mieux protéger le pays contre les contrebandiers — et peut-être contre la Russie elle-même. »
Il y a un petit côté « parano » :
« Russia could smuggle disguise soldiers across like the did in Ukraine. Little green men at their calls that at first go undetected. So what are the grenn men saw ? Oh it’s new, new Fred ! How to control our country. How Russia is a regime which does not know where its border starts and where its border ends. »
« La Russie pourrait faire entrer clandestinement des soldats déguisés comme il l’a fait en Ukraine [sic]. De petits hommes verts à leurs appels, qui au début ne sont pas détectés. Alors qu’est-ce que les hommes verts ont vu ? Oh c’est nouveau, nouveau, Fred ! Comment contrôler notre pays ? Comment la Russie est un régime qui ne sait pas où sa frontière commence et où sa frontière se termine. »

Photo clôture II — Clôture lituanienne en construction

Photo clôture III — Idem — Le chemin à gauche est la voie de passage du côté oblast de Kaliningrad. Le territoire de la Lituanie est à droite de la ligne de poteaux métalliques qui recevront des grillages surmontés de barbelés. Photos clôtures J et K
À droite de cette zone, se trouve le chemin de bordure du côté lituanien (photographie ci-dessous). On peut donc en conclure que, bien que décidée et réalisée uniquement par la Lituanie, la clôture de séparation est en situation mitoyenne avec la Russie de Kaliningrad. Le poteau-borne visible sur la photo au-dessus en est la preuve. Il doit y avoir le même genre de poteau mais « kaliningradien » de l’autre côté de la clôture en construction. Non visible sur cette photographie.
J’ignore le sens à donner aux deux fois deux poteaux lituaniens, plantés de chaque côté du chemin. On peut noter que ce chemin semble en retrait par rapport au chemin « de ceinture » similaire russe.
*
Mais je ne m’explique pas pourquoi cette bande frontalière n’est pas toujours établie et respectée, puisque que l’on rencontre des poteaux frontaliers qui ne sont pas à trente mètres les uns des autres mais quasi à se toucher parfois, pour ne pas dire souvent ; aussi bien en pleine campagne ou dans les bois qu’en zones habitées. Ou bien sûr qui manque, sont absent quand la frontière sépare un plan d’eau. Bien que l’on puisse trouver des images d’un lac coupé par des clôtures.
Je ne m’explique pas non plus pourquoi des grillages et barbelés sont installés, parfois, juste dans l’axe entre les deux frontières ou, d’autres fois, en retrait, en limite (au niveau des poteaux frontaliers) d’un pays des frontières « engrillagées » fortement de la Lituanie et plus discrètement du côté de l’oblast de Kaliningrad (comme on le voit sur deux photographies plus haut vers le début de cet article). ,
Quand les deux pays collaborent et payent conjointement les frais d’installation d’une clôture, elle est donc mitoyenne et installée sur la ligne frontière. Quand l’un des deux seul veut clôturer sa frontière, il doit donc reculer la clôture de sa frontière de 15 mètres, si je suis bien. Mais cela ne semble pas toujours être le cas, puisque on en voit dans l’axe central de la frontière, barbelés du côté lituanien uniquement. Sans doute parce que « la Russie est un régime qui ne sait pas où sa frontière commence et où sa frontière se termine », comme rappelé plus haut. Ce qui permet aussi de « s’arranger » avec les limites frontalières.
*
Les photographies qui suivent montrent que tout n’est pas unifié et qu’un chemin de passage, une bande frontière est loin d’exister partout, ou du moins d’être matérialisé partout, non seulement dans des endroits où la configuration naturelle, la géologie l’interdit, mais dans d’autres où elle est possible.
En espérant ne pas me tromper entre les bornes en bois biélorusses qui sont à bandes rouges et vertes, mais en hauteur (à l’inverse du drapeau biélorusse) et russes qui sont à bandes rouges et vertes, mais en largeur.
En Ville :
Voici donc des poteaux-bornes situées à la frontière entre la Russie (oblast de Kaliningrad) et la Lituanie à Vištytis. STOP — VALSTYBES SIENA — STATE BORDER — STAAT SOGRENZE. Frontière d’État / frontière du pays.
avec borne-frontière A — Avec l’espèce de plot central en ciment ou en béton entre les deux poteaux de bois.

avec borne-frontière B — Idem

marque russe — endroit inconnu :

À la frontière entre la Russie (oblast de Kaliningrad) et la Pologne :

avec borne-frontière C
Curieux trou, terrier ? En cet endroit. Il ne semble pas y avoir de passage entre la borne biélorusse et le bois juste derrière.
Les mêmes poteaux/piquets/piliers/postes-bornes.* Mais photo prise dans l’autre sens. On devine un petit grillage de rien du tout du côté polonais. Pour quelle utilité ?

avec borne-frontière D — même endroit
*
Frontière polono-russe encore :

avec à nouveau un PAS DROG GRANICZEJ (pas drog granitcheï) soit : bande/ceinture/voie/route/chemin de circulation frontalière ; suivi d’un WEJSCIE ZABRONIONE (veïstsié zabronione) soit : entrée interdite.
On a donc ici une matérialisation de la ligne et la zone frontières : 1) par deux poteaux-bornes frontaliers (russe et polonais) — mais nettement plus séparés que dans la double-photographie précédente — et 2) du côté polonais, par une barrière et un panneau d’interdiction d’entrée (qui semble se trouver ici aussi à une quinzaine de mètres).
et encore :

Où la distance entre les deux poteaux-bornes est aussi conséquent.
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Frontière Pologne / Biélorussie. Si du côté polonais il existe une bande frontière, ici bien roulante, il ne semble pas en avoir du côté biélorusse. Ou elle est alors très en retrait, vers la droite, au-delà des arbres, mais est-ce possible ? (Extrait de la vidéo sur la Garde-frontière polonaise dont le lien est cité plus loin.)

avec borne-frontière E — Frontière Pologne / Ukraine ?
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avec borne-frontière F — Frontière Russie / Ukraine ?

Typologie des frontières.
Si l’on veut reprendre ces définitions, on peut constater que malgré les grands principes « z-européens » (de l’Union Européenne), les pays de l’Est européens tels que la Pologne ou la Lituanie n’entendent pas, à l’inverse de ceux de l’Ouest (et malgré la volonté des peuples), faire de leurs frontières des passoires et entendent l’espace Schengen ouverte à l’intérieur (pour en tirer profit, par exemple les travailleurs détachés) mais bien fermée de (et vers) l’extérieur.

avec borne-frontière G — À la frontière entre l’Allemagne et la Pologne, on aperçoit ce qui semble être deux miradors, l’un tout à gauche au premier plan, l’autre (et même peut-être plusieurs autres) tout au fond de l’image.

Détail
Du côté polonais, il s’est passé et se passe encore une volonté de se « protéger » vis-à-vis de la Bqiélorussie, comme chez les Lituaniens à l’encontre des Russes de Kaliningrad, et, sans doute aucun, aussi de la Biélorussie.

( photo non datée)
« Wojsko polskie uszczelnia* granice z bialorusia. Jestem w stalym kontakcie z dowodcani. Zolnierze ulozyli juz ponad 100 km ogrodzenia na pasie granicznym. Rozpoczynaja tez ukladanie kolejnych 50 km. »
« L’armée polonaise scelle les frontières avec la Biélorussie. Je suis en contact permanent avec les commandants. Les militaires ont déjà érigé plus de 100 km de clôtures sur la zone frontalière. Ils commencent également à poser 50 km supplémentaires. »
* uszczelnić : sceller, rendre étanche, calfeutrer, imperméabiliser, jointoyer.
On aperçoit des barbelés du côté polonais ; et, du côté biélorusse une caméra de surveillance. Ce qui finalement est peut-être plus efficace encore que des barbelés.
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Straż Graniczna – prezentacja
Garde-frontière – présentation
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Entre les migrants européens ou non, les trafiquants et contrebandiers divers et les « espions » les gardes frontières ont de quoi s’occuper. Il y a ceux qui font leur trvail en conformité avec les lois, il y a ceux qui dérogent ou ferment les yeux, et il y a ceux qui se font acheter tels qu’en Ukraine, comme on l’a su, en particulier au début de l’opération spéciale russe.
Selon les cas, las pays, les régions, les gardes-frontières de pays qui se touchent s’accordent ou pas. Et en certains cas, on a l’impression qu’ils jouent à se faire peur, ou à s’importuner, se renvoyer la balle migratoire les uns, les autres ; pauvres gens … Le tout né d’animosités réciproques plus ou moins ataviques.
Voici par exemple une intervention polonaise qui date du 9 juillet 2020
Une caméra de surveillance la nuit.
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Przekroczył * „zieloną granicę” — franchie la « frontière verte »
9 juil. 2020 Funkcjonariusze z Placówki Straży Granicznej w Bezledach zatrzymali Rosjanina, który przekroczył granicę w miejscu niedozwolonym. Celem mieszkańca obwodu kaliningradzkiego był kraj UE. 24-latek został przekazany już rosyjskim służbom. Do zdarzenia doszło dzisiaj tuż przed 3 w nocy, w rejonie służbowej odpowiedzialności Placówki Straży Granicznej w Bezledach. Strona rosyjska poinformowała polską Straż Graniczną o zadziałaniu urządzeń sygnalizacyjnych. Do akcji ruszyły wzmożone patrole. Mężczyzna z Kaliningradu w rejon granicy przyjechał rowerem, następnie pieszo przekroczył nielegalnie granicę z Rosji do Polski. Jak przyznał, chciał dostać się do jednego z krajów UE. Cel migracyjny potwierdzały też znalezione przy obcokrajowcu dokumenty osobiste. Rosjanin złożył wyjaśnienia w sprawie nielegalnego przekroczenia granicy państwowej wbrew przepisom.
* Przekroczył : dépassé, outrepassé, franchi, enfreint, transgressé, excédé…
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9 juil. 2020 Des agents du poste de garde-frontière de Bezledy ont arrêté un Russe qui avait traversé la frontière dans un lieu interdit. La destination d’un habitant de l’oblast de Kaliningrad était un pays de l’UE. L’homme de 24 ans a déjà été remis aux services russes. L’incident s’est produit aujourd’hui juste avant 3 heures du matin, dans la zone de responsabilité officielle du poste de garde-frontière de Bezledy. La partie russe a informé les garde-frontières polonais de l’activation des dispositifs de signalisation. Des patrouilles accrues ont commencé l’action. Un homme de Kaliningrad est venu à vélo dans la zone frontalière, puis il a illégalement traversé à pied la frontière entre la Russie et la Pologne. Comme il l’a admis, il voulait se rendre dans l’un des pays de l’UE. Le but de la migration a également été confirmé par les documents personnels trouvés en possession de l’étranger. Le Russe a fourni des explications concernant le franchissement illégal de la frontière de l’État.
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Là, le 5 août 2021, les gardes-frontières se renvoient la balle (des migrants)
Baltarusijos pasieniečiai blokuoja migrantų grąžinimą.
« Konfrontacija Lietuvos ir Baltarusijos pasienyje pasiekė naują etapą. Šią savaitę pasitaikė atvejų, kai Lietuvos pasieniečių grąžinti migrantus ginkluoti Baltarusijos pareigūnai stumia atgal į Lietuvą. »
Les gardes-frontières biélorusses bloquent le retour des migrants.
L’affrontement à la frontière lituano-biélorusse a franchi une nouvelle étape. Cette semaine, il y a eu des cas où des responsables biélorusses armés ont repoussé des migrants — renvoyés par les gardes-frontières lituaniens — vers la Lituanie.
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avec borne-frontière H — Frontière entre Lituanie et Russie (avant la clôture avec barbelés?). L’élément de barrière métallique au premier plan marque la limite interne de la bande frontalière réservée aux gardes frontières. En fait, les simples citoyens de quelque pays que ce soit n’ont pas le droit de pénétrer dans cette zone frontalière de 15 + 15 mètres.
Du moins entre ledit espace Schengen et le non-espace Schengen : localement dans la région qui nous occupe, entre Pologne et Lituanie d’un côté et Russie et Biélorussie de l’autre.
Le plus étrange au demeurant est que Pologne et Lituanie font tout pour ne pas accueillir d’immigrants venant par exemple de Russie et de Biélorussie, pendant que les pays de l’Ouest européen ouvrent leurs portes à tous lesimmigrants qui le désirent, venant de l’Est mais avant tout du Sud (Afrique) ou du Moyen-Orient.
Une Union européenne à l’Est qui verrouille ses entrées quand l’Union Européenne à l’Ouest les déverrouille. Une Union européenne à l’Est qui barricade ses frontières et qui fait tout pour pousser les immigrés qui arrivent à passer pour les faire partir à l’Ouest. Et une Union européenne qui en prime ramasse toute l’immigration non-européenne.
Il existe aux États-Unis depuis des années déjà des cités totalement repliées sur elles-mêmes, des sortes de villes fortifiées (clôturées, surveillées par des milices privées, où il faut montrer patte blanche pour entrer), des cités réservées à la moyenne et haute société.
C’est je pense l’optique de ces pays de l’Est de l’Union européenne, tout imprégnés par ailleurs de haine à l’encontre des Russes au sens large. Mais le problème est que l’Ouest agit tout à l’inverse. Les royaumuniens, dans leur île, faisant notable exception depuis qu’ils ont brexité. Ce sont aussi ceux qui sont les plus farouches alliés de ces pays de l’Est de l’UE (Pologne et pays baltes, sans parler de l’Ukraine…).
À terme cette dualité ne pourra se résoudre normalement. Sans parler de tout le reste…

przejscie wzbronione — passage interdit
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