CUBA, EMPIRE DU MAL ET TDF : RADIO PIRATE, TERRORISME ET RÉSEAU SOCIAL.
Ceci est la synthèse de quatre articles de José Fort parus ces jours derniers dans « L’Humanité » (les 8, 9 et 15 mai courants) et les condensés d’un article du « Guardian » (traduction Égalité et Réconciliation) et d’un autre du site « Le Grand Soir » (repris en partie par É. & R.) parus courants mai également. Le tout assorti d’ajouts divers et de quelques réflexions de mon cru.
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On savait le gouvernement français capable d’interdire le survol de l’Hexagone à l’avion présidentiel bolivien à la demande de Washington fantasmant sur la présence à bord d’Edward Snowden. Cette fois, on apprend qu’une radio anti-gouvernementale cubaine « Radio República », porte-voix d’un groupe établi à Miami, le «Directoire Démocratique Cubain», financé par la « Fondation Nationale pour la Démocratie » (NED), un organisme qui a pris le relais de la CIA, émet depuis le sol français.
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Plus précisément depuis le centre émetteur de radio en ondes courtes d’Issoudun dans l’Indre, géré par TDF. Et pour être très précis non pas à Issoudun même, mais à cinq kilomètres d’Issoudun, dans la petite commune de Saint-Aoustrille qui possède également un poste source électrique.
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Ce trafic des ondes a lieu dans la discrétion la plus absolue. Le député André Chassaigne vient d’interpeller le ministre de la Culture et de la Communication, Aurélie Filipetti sur « la légalité de l’émission d’une radio étrangère à partir d’un émetteur TDF ». En attendant la réponse, il n’est pas interdit ou plutôt il est recommandé de se poser quelques questions.
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Le « Directoire Démocratique Cubain » et sa radio « República » ?
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Cette organisation basée à Miami regroupe des éléments violemment hostiles au gouvernement de La Havane qui vont jusqu’à commettre des actes terroristes sur le sol cubain. Objectifs : campagne de propagande notamment à l’aide de la radio « Republica », actions subversives et de déstabilisation. Le financement de ce groupe est assuré par la Fondation Nationale pour la Démocratie (NED).
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La « Fondation Nationale pour la Démocratie », autrement dit la NED, c’est quoi ?
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Cette « respectable » fondation a pris le relais de la CIA à l’instigation de Ronald Reagan en 1982. Son financement est voté par le Congrès. Elle se veut un outil moins voyant que la CIA en poursuivant les actions secrètes sous un paravent de « coopération » avec le même objectif : déstabiliser les « gouvernement non amis » par le financement des oppositions comme en Ukraine actuellement. Les fonds sont gérés par un conseil d’administration où sont représentés le Parti Républicain, le Parti Démocrate, la Chambre de Commerce des États-Unis et le syndicat AFL-CIO. La fondation entretient des relations avec des institutions dans le monde entier. En France, avec la Fondation Jean-Jaurès et la Fondation Robert-Schuman.
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La Fondation Jean-Jaurès, quoi-t-est-ce ?
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Une succursale du Parti dit Socialiste « reconnue d’utilité publique » qui a pour but (sic, mazette !) de « favoriser l’étude du mouvement ouvrier et du socialisme international, de promouvoir les idéaux démocratiques et humanistes par le débat d’idées et la recherche, de contribuer à la connaissance de l’homme et de son environnement, de mener des actions de coopération économique, culturelle et politique concourant à l’essor du pluralisme et de la démocratie dans le monde » (article 1er des statuts). Du joli ronflant qui masque du probablement plus trivial.
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Elle a été présidée de 1992 à 2013 par le frère-trois-points Pierre Mauroy ; elle est présentement aux mains de Henri Nallet celui qui, entre autres choses, en 1991 en tant que Garde des Sceaux, a mis des bâtons dans les roues de la carriole du Juge Thierry Jean-Pierre, lors de l’instruction de l’Affaire Urba (financement occulte du PS) ; tandis que son directeur général depuis 2000, directeur d’études chez Havas, l’officine bien connue spécialisée dans la publicité dont la propagande politique, est un certain Gilles Finchelstein également connu pour avoir contribué à introduire les idées « libérales » au sein du PS. Ce dernier est également membre du « laboratoire d’idées » (généralement mauvaises pour les peuples, les idées) Le Siècle. Mais quel politicard ou publiciste ne l’est pas encore ?
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Et la Fondation Robert-Schumann ?
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Cette fondation est également un « think tank » en engliche, ce qui ne veut pas dire un « tank de la pensée » (pourtant !) mais un « laboratoire d’idées », eh, oui ! bien évidemment pro-européen à la sauce capitaliste et même ultralibérale. Cette fondation a été reconnue comme la précédente, « d’utilité publique » en 1992, par la « petite gauche » socialotte. Elle tire son nom du ministre des affaires étrangères franchouillard qui proposa en 1950 la création de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier, ancêtre de l’Union Européenne.
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Et l’AFL-CIO au fait ?
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L’AFL-CIO est la vieille centrale syndicale bureaucratique étatsunienne fondée en 1955 de la fusion de l’American Federation of Labour (fédération de métiers créée en 1886, ayant monopole à l’embauche et longtemps « apolitique ») et du Congress of Industrial Organisations (une scission née en 1935 de la volonté de développer le syndicalisme chez les ouvriers non qualifiés). En 1955, avec plus de 15 millions d’adhérents, elle regroupait un quart des ouvriers et employés américains.
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De nos jours elle est en totale perte de vitesse comme la plupart des syndicats « occidentaux » d’ailleurs, en France en particulier. Le déclin de l’influence du mouvement syndical aux États-Unis est patent. En 1955, 35% des salariés sont syndiqués, 19,5 % en 1984, moins de 15% en 2000, à peine 12,5% (et même seulement 8 % dans le secteur des services) en 2005. Chute accélérée et mort programmée ! Certains secteurs d’activité et entreprises sont des déserts syndicaux, de grosses entreprises ou grandes chaînes de distribution par exemple.
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En 2005, l’AFL-CIO subit la scission des syndicats moins bureaucratiques et moins modérés. Il faut dire que la tradition syndicale américaine repose essentiellement sur la collaboration avec le patronat et le lobbying comme on dit, l’action en tant que groupe de pression auprès des élus. La quitta, en autres, pour former un autre groupement, ce qui l’amputa finalement d’un quart de ses membres, l’International Brotherhood of Teamsters (Fraternité internationale des conducteurs, généralement appelée Teamsters). Ces derniers dénonçaient l’inertie syndicale et son bureaucratisme comme cause de son déclin. Mais, il ne faut pas se leurrer sur le « radicalisme » ou le « socialisme », ou la « gauchitude » comme aurait pu dire Ségolène, d’un tel syndicalisme « contestataire ». L’actuel président des Teamsters, un dénommé Hoffa, a pris la suite de son père à la tête du syndicat. Son père était connu pour ses collusions avec la mafia de Chicago ; d’ailleurs, il disparut en 1975 assassiné, dit-on, par un maffieux dénommé Provenzano, sans doute un lointain cousin de l’ancien parrain éponyme qui fut il n’y a pas si longtemps « capo di tutti capi » de Cosa Nostra, la maffia sicilienne.
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Qu’est-ce que le centre TDF d’Issoudun ?
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Techniquement parlant.
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Il a été créé avant la Seconde Guerre Mondiale et a pris un réel essor dans les années 1950. Surveillé de très près par les gouvernements, il assurait la diffusion de Radio France International, particulièrement en direction de l’Europe de l’Est. RFI, Radio France International se tournant vers le satellite et la modulation de fréquence ainsi que la fin de l’URSS ont modifié les objectifs de TDF à la recherche de nouveaux clients.
Anciennement « Télédiffusion de France », TDF est la marque légale de l’entreprise depuis 2004. Principaux clients : les chaînes de télévision, les stations de radios, les opérateurs de téléphonie mobile.
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Financièrement parlant.
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Là, c’est déjà moins franchement franchouillard.
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L’actionnariat se présente ainsi : Texas Pacific Group, aujourd’hui TPG Capital (42%), Caisse des Dépôt et Consignations (24%), Ardian (ex Axa, 18%), Charterhouse Capital Partners (14%), divers (2%).
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TPG Capital, c’est quoi, c’est qui ?
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Il s’agit du plus important fonds d’investissement nord-américain né en 1992. Il gère environ 30 milliards de dollars. Parmi ses principaux conseillers figure, comme c’est bizarre et quelle coïncidence ! Bernard Attali (frère jumeau de Jacques, le juif errant séfarade, scribouillard plagiaire et cosmopolite des hôtels mondialisés) qui a occupé des fonctions allant de la Datar à la Cour des Comptes, de la Deutsche Bank au GAN, de Bankers Trust France à Air France… Chez TPG Capital, il a le titre de « senior advisor », conseiller spécial pour la France. Enfin TPG Capital est un « partenaire » de choix de la NED.
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Mais encore ?
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L’actionnaire principal de TDF a un passé sulfureux. C’est ainsi que dans l‘Express/l’Expansion daté du 1er novembre 2006, Franck Dedieu livrait des informations surprenantes. Voici ce qu’il écrivait :
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« Des fonds d’investissement particulièrement portés sur les technologies de pointe françaises agiraient en poissons pilotes pour les services de renseignements américains (…) Tout commence en 2000, quand le fonds Texas Pacific Group (TPG) dépose 559 millions d’euros sur la table pour entrer au capital du leader mondial de la carte à puce, Gemplus, et en devenir le premier actionnaire. » Avec 26 % du capital, TPG se montrait très insistant pour obtenir le maximum de postes au conseil d’administration, quitte à nommer des « indépendants » en fait très proches de lui « , se souvient Thierry Dassault, à l’époque administrateur de la société.
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Le renvoi du président Marc Lassus et son remplacement par un Américain sèmeront sérieusement le doute sur les arrière-pensées de TPG. Transfert de l’équipe dirigeante et des laboratoires de recherche aux Etats-Unis ? Les salariés s’inquiètent mais, après tout, jusque-là, rien de bien surprenant. Une information sur Alex Mandel, le nouveau PDG, adoubé en 2002 par les actionnaires américains, va mettre le feu aux poudres : l’homme siégeait au conseil d’administration d’In-Q-Tel, un fonds technologique au service exclusif… de la CIA et du renseignement américain. Un détail qui ne figurait pas sur son CV. » Le cabinet de chasseurs de têtes a fait circuler une ancienne version « , se défend Goeff Fink, administrateur de Gemplus, représentant du fonds TPG (…) L’apparition des initiales TPG dans un dossier suffit à faire réagir les autorités françaises. Son arrivée au capital de l’opérateur européen de satellites de télécommunications Eutelsat, en 2004, suscite immédiatement une note du Quai d’Orsay et du ministère de la Défense sur » la menace américaine « . » Comme par hasard, Eutelsat s’apprêtait à passer un accord avec le futur système de navigation par satellite Galileo, le concurrent européen du GPS américain ». »
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Comment expliquer qu’une radio installée à Miami à quelques encablures des côtes cubaines utilise, puisse utiliser des installations françaises éloignées de plusieurs milliers de kilomètres ?
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