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NOTULES ÉTYMOLOGIQUES AUX EFFETS CACOCHYMES

9 juillet 2025

« CACOCHYME [ka-ko-chi-m’] adjectif. D’une constitution détériorée et débile. […] 2° Figuré. Mal disposé, mal né, d’humeur inégale. […] 3° Substantivement. C’est un pauvre cacochyme. [Dictionnaire Littré]

Cacochyme : A. Vieux ou parfois plaisant. 1. (Personne) qui est d’une santé fragile. […] ♦ Par métaphore. Suranné et sans force. […] − [ou] Par analogie. […] 2. Emploi substantif. Vieillard. […] B. Au figuré, vieux « … se dit quelquefois figurément, pour exprimer la bizarrerie de l’esprit, ou l’inégalité de l’humeur » (Académie. 1798-1878). [Trésor de la Langue Française]

De ces différents sens, nous retiendrons ici : bizarrerie surannée de l’esprit.

A – STEINHEILIEN

Pour les personnes qui ne seraient pas au parfum (au sens figuré ou au sens propre) dans le domaine de la biographie de Félix Faure (le politicien du XIXe siècle) ou dans celle du slang, l’argot anglophone, je voudrais revenir sur deux ou trois mots employés qui se trouvent dans de précédents articles d’Olivier Mathieu sur notre blog : – Le destin steinheilien d’un feu président de la République, & – Mister Elon Couille [sic]. Des 17 et 18 mars dernier. Le second se trouve également ici : https://leblogdunbonarien.wordpress.com/2025/03/26/elon-musk-elon-couille/.

*

Tout d’abord « steinheilien ». Qui se trouve dans l’article : Le destin steinheilien d’un feu président de la république. (cf.https://leblogdunbonarien.wordpress.com/2025/03/28/le-destin-steinheilien-dun-feu-president-de-la-republique/)

Cet adjectif est formé à partir de « Steinheil » qui fut le nom d’épouse de la demi-mondaine fin-de-siècle, dix-neuf-cent, belle-époque – ou, pour le dire plus positivement, salonnière auprès d’écrivains, musiciens et politiciens en vue – Marguerite Japy dite Meg (1869 – 1954). « Rejetonne » de la famille d’industriels Japy, éponyme des célèbres machines à écrire devenues aujourd’hui des objets de collection.

Son époux fut l’artiste-peintre (Édouard Charles) Adolphe Steinheil (1850 – 1908) qui fut assassiné ; meurtre dans des conditions étranges, jamais vraiment élucidé, dont il s’est dit que son épouse aurait pu y participer. Affaire qui fit sensation dans le tout Paris. Mais Meg, qui était spécialisée dans la retape de personnages « importants » (par exemple : bien évidemment Félix Faure, mais aussi Aristide Briand ou le roi du Cambodge) fut laissée tranquille.

Ce président sans aucun, ou quasiment aucun pouvoir, titre plus ou moins honorifique, personnage ne faisant que dans la représentation officielle, de la figuration en autant d’inaugurations de parterres de chrysanthèmes, bâton de maréchal du parfait politicien, comme tous les présidents au moins de la Troisième et Quatrième Républiques, connu une fin de vie quelque peu déshonorante dans le domaine cérémonial, puisqu’après que sa maîtresse du moment (il les collectionnait) eût tiré le cordon pour obtenir une aide, il fut retrouvé par la valetaille élyséenne allongé sur un divan, pantalon et caleçon sur les chaussettes, tandis que Meg rajustait ses vêtements et s’éclipsait rapidement par une porte dérobée, passant peut-être même à proximité des appartements de l’épouse de Faure qui ne fut informée que plus tard.

Mais l’agonie présidentielle fut racontée ainsi en image, après que son épouse, régulièrement cocufiée, fût prévenue ; et surtout que le président fût auparavant reculotté :

Il se disait alors (« dans les milieux généralement bien informés ») que Faure, rendu dans la cinquantaine, avait recours régulièrement à divers aphrodisiaques « costauds » que ses larbins lui apportaient – souvent, paraît-il – à sa demande. On ne sait donc pas s’il est mort d’une crise cardiaque consécutive à quelque gâterie « meguienne » ou à cause d’un aphrodisiaque trop puissant ou délétère, voire périmé, frelaté.

Et l’origine de son « malaise subit » fut narrée ainsi dans la presse du temps, comme quoi rien n’a changé en ce domaine :

Etc.

QUELQUES ANNEXES

C’est Flaubert, totalement fâché contre les journalistes et plus généralement contre les bourgeois, ses bêtes noires en premier lieu, qui écrivit à George Sand (le 8 septembre 1871) : « La Presse est une école d’abrutissement, parce qu’elle dispense de penser. Dites cela, vous serez brave… ». École plus généralement du mensonge et des idées tordues pour mieux dominer et crétiniser les masses. Étant entendu, par ailleurs, que Flaubert a toujours déclaré avoir la haine de la foule, du troupeau.

Mais pour en revenir à Félix Faure, c’est la caricature même du politicien IIIe République. Bon bourgeois, négociant en cuir, catholique et néanmoins devenu franc-maçon, il entama sa carrière politicarde en tant que « républicain modéré », fit partie de l’Union Républicaine de dit centre-droit, puis devint ce qu’on appelle « républicain opportuniste » (sic), puis « républicain de gouvernement », pour finir, « républicain progressiste » (resic).

Or, il faut bien comprendre ici, ce que voulait dire en ces temps-là, l’expression « républicain progressiste ». Cela signifiait qu’il s’agissait d’un républicain qui entendait appliquer un programme dit républicain par étapes successives, progressives, petit pas à petit pas, et dans les faits grâce, ou à cause, de mesures de plus en plus réactionnaires et favorables à la grande bourgeoisie.

Il circula, peu après sa mort, diverses anecdotes apocryphes et bons mots fielleux. Celui-ci par exemple, au moment critique :

– Ô ! Monsieur le Président n’a plus sa connaissance !

– Non, elle vient de disparaître, de s’enfuir par l’escalier de service.

*

Et comme précisa Le Petit Parisien du vendredi 17 février 1899 : « Dans un pays de démocratie comme le nôtre, il n’y a certes pas d’homme indispensable… »

Le Petit Courrier de Bar-sur-Seine du samedi 18 février 1899 :

Le Rire, numéro 225 du 25 février 1899 :

« Devine si tu peux, et choisis si tu l’oses ». Dessin de Charles Léandre (1862 – 1934), caricaturiste, illustrateur, lithographe, peintre, sculpteur. « Ce dessin de notre série des prétendants, avec ce titre : Les Prétendants à la couronne de Félix Faure, devait paraître en couleurs [sic] dans le présent numéro. Nous ne nous doutions pas, au moment où nous l’apportait Léandre, qu’il dût être d’une si poignante actualité. [Et que nous n’eûmes pas le temps de le colorier.] Aujourd’hui, ce n’est plus une prédiction, mais un souvenir. Mlle Couesdon cède la place à Tacite, mais le dessin de Léandre demeure. »

Autrement dit la voyante cède la place au chroniqueur. Car Mademoiselle Couesdon, également dénommée Madame Couesdon, est une voyante parisienne de l’époque qui, de ce que j’en ai lu dans la presse du temps, se déclarait inspirée par un ange, l’ange Gabriel énonçaient certains, et prédisait les catastrophes ou événements politiques à venir. C’était « cette loufoque ridicule qu’est la Couesdon, la voyante de la rue de Paradis » comme il était écrit dans L’Escarmouche du 29 avril 1900.

Il est amusant de constater, rien de neuf sous le Soleil, que dès cette époque déjà, une feuille de presse comme Le Rire « ne perdait pas le nord », et ne tarda pas à profiter de l’occasion pour faire ça réclame. C’était le bon moment, le moment idéal :

Rien de nouveau de nos jours. Et c’est Gustave Flaubert, également peu amène envers les littérateurs et éditeurs, et faiseurs de revues, qui écrivit, dans une lettre à Louise Colet du 31 mars 1853 :

« Un journal enfin est une boutique. Du moment que c’est une boutique, le livre l’emporte sur les livres, la question d’achalandage finit tôt ou tard par dominer tous les autres. »

Ajoutant que « … toutes les revues existantes sont d’infâmes putains, qui font les coquettes. Pleines de vérole jusqu’à la moelle des os, elles rechignent à ouvrir leurs cuisses devant les saines créations que le besoin y presse. »

le 12 / 06 / 2025

(à suivre)

From → divers

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