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FAISCEAUX DE CONVERGENCE

6 janvier 2025

C’est André Gide (1869 – 1951) qui écrivit dans son Journal, en 1945 :

« Les « bien-pensants » seuls auront droit à l’expression de leur pensée. Quant aux autres, qu’ils se taisent, ou sinon… c’est sans doute grâce à un totalitarisme anti-nazi que l’on pourra triompher du nazisme ; mais demain c’est contre ce nouveau conformisme qu’il importera de lutter.»

C’est Maurice Bardèche (1907-1998) et quelques autres, dans les années d’après-guerre, qui très lucidement dirent quelque chose comme : « l’antifasciste d’aujourd’hui sera le fasciste de demain ». Ou si l’on préfère : « « l’antifasciste » d’aujourd’hui sera « le fascisme » de demain ». « Aujourd’hui » : disons les années cinquante. « Demain » : on y est à plein, surtout depuis ces derniers temps.

Ce qui est devenu vraiment manifeste, pour nous Français, avec le rejet par l’essentiel de la caste politicarde – gauche, droite et centre confondus – du referendum de 2005 ; puis avec l’arrivée à la tête de l’État du traître à la patrie, parachevé par l’épisode totalitaire covidiste, et tout le reste qui perdure encore. Mais pour combien de temps ?!

Un quatrième de couverture d’un ouvrage de Bardèche qui traîne sur Internet, résume assez bien l’état contemporain des lieux :

« Chacun croit savoir ce qu’est le fascisme et ce qu’est un fasciste. Ces mots font partie des injures les plus usitées mais également les plus dévoyées: le fasciste serait cet être brutal, imbu de sa propre supériorité, prêt à tous les moyens de l’oppression – torture, délation, emprisonnement arbitraire – que nous décrit l’imaginaire collectif ; le fascisme serait le maintien, au besoin par la force et la coercition, de la domination du capital sur le travail, voire de l’homme blanc sur le reste du monde ».

Propos tenus « par ceux-là mêmes qui ont réussi à imposer le capitalisme triomphant en vendant aux peuples la «société des loisirs» […] tout en les enfermant dans le chômage de masse, […], la violence sous tous ses aspects et la surveillance généralisée permise par les nouvelles technologies ».

Je dirais bien que « les plus beaux » exemples de ce « fascisme anti-fasciste » se situent actuellement dans ce qui reste de la civilisation occidentale et dans des contrées comme l’Ukraine, la Palestine, la Syrie.

De ce « néo-fascisme » mondialiste qui emprisonne ou tue au nom des droits de la personne humaine, prêche le progrès, mais avant tout respecte les milliards en argent qui ne sont pourtant que du vent ; et alors donc que les banques sont avec lui.

Et dans cette volonté obstinée d’unifier politiquement, économiquement, culturellement, idéologiquement, l’Europe ; tout en détruisant ses États-Nations pour « le plus grand bien » du Capital.

Volonté qui, quand on y pense, a déjà accouché de deux guerres mondiales. Et qui de nos jours se conjugue à nouveau (pour ne pas dire continuellement) en bellicisme et corruption généralisée, et maintenant aussi en wokisme et transgenrisme de la dégénérescence, ou pour le dire autrement en « mondialo-socialisme ». Dont le « socialisme », par rapport à ce qu’il devrait être – si les mots ont encore un sens – est du même tonneau avarié que, par exemple, le bolchevisme de la société dite « soviétique » par rapport à ce qu’aurait pu être le communisme s’il s’était affranchi du capitalisme d’État bureaucratique et totalitaire.

C’est Pier Paolo Pasolini (1922 – 1975), qui dans des articles parus entre 1973 et 1975, et publiés en livre post mortem en 1976, sous le titre d’Écrits Corsaires (Scritti corsari), écrivit :

« Pour se protéger, la bourgeoisie inventera un antifascisme contre un fascisme qui n’existe plus. »

« Il existe aujourd’hui une forme d’antifascisme archéologique qui est en somme un bon prétexte pour se décerner un brevet d’antifascisme réel. Il s’agit d’un antifascisme facile, qui a pour objet et objectif un fascisme archaïque qui n’existe plus et qui n’existera plus jamais. […] Voilà pourquoi une bonne partie de l’antifascisme d’aujourd’hui ou, du moins, de ce que l’on appelle antifascisme, est soit naïf et stupide, soit « prétextuel » et de mauvaise foi ; en effet, il combat, ou fait semblant de combattre, un phénomène mort et enterré, archéologique, qui ne peut plus faire peur à personne. C’est, en somme, un antifascisme de tout confort et de tout repos. »

« Je suis profondément convaincu que le vrai fascisme est ce que les sociologues ont trop gentiment nommé «la société de consommation», définition qui paraît inoffensive et purement indicative. Il n’en est rien. »

« Il ne s’agit plus, comme à l’époque mussolinienne, d’un enrégimentement superficiel, scénographique, mais d’un enrégimentement réel, qui a volé et changé leur âme. Ce qui signifie, en définitive, que cette «civilisation de consommation» est une civilisation dictatoriale. En somme, si le mot de « fascisme » signifie violence du pouvoir, la « société de consommation » a bien réalisé le fascisme. »

« Le fascisme, je tiens à le répéter, n’a pas même, au fond, été capable d’égratigner l’âme du peuple italien, tandis que le nouveau fascisme, grâce aux nouveaux moyens de communication et d’information (surtout, justement, la télévision), l’a non seulement égratignée, mais encore lacérée, violée, souillée à jamais »

On trouve également dans ses Lettres luthériennes, petit traité pédagogique, série d’articles  publiés dans Il Corriere della sera en 1975, puis publiée l’année suivante, cette phrase synthétique : « Le fascisme peut revenir sur la scène à condition qu’il s’appelle anti-fascisme ».

Ici, j’ai l’air de m’écarter un peu du sujet, mais je voudrais évoquer le fait que Pasolini, en 1963 s’était rendu en Palestine à la recherche d’un décor pour tourner son film de 1964 : Il vangelo secondo Matteo, dont le titre en français est : l’Évangile selon saint Matthieu, dans l’espoir de trouver des lieux qui rappelleraient le monde du temps de Jésus.

Il reviendra finalement déçu. Certes, les villages archaïques et misérables du monde arabe et leur mode de vie frugal ne déparaient pas, par contre tout ce qui était sioniste, y compris dans Jérusalem, était trop occidentalisé et industrialisé pour être utilisé dans le film. Il visitera Jérusalem et Bethléem en particulier. Et finalement il se trouvera également incapable de trouver des figurants, parmi les sionistes dont la plupart n’ont rien de sémites, ni même parmi les Palestiniens, mais là j’ignore pour quelle raison.

Cette visite improductive (il tournera finalement son film dans le Sud de l’Italie, avec je ne sais quels figurants) donna lieu à un documentaire : Sopralluoghi in Palestina per Il vangelo secondo Matteo, Repérages en Palestine pour L’Évangile selon saint Matthieu, film qui est sorti en 1965. En un temps où il eut affaire à la Justice à propos de religion ou de mœurs, à cause du fait que le catholicisme était encore la religion d’État (cf. Accords du Latran) et que ses films ne plaisaient pas à la bourgeoisie compassée d’alors. Religion d’État, état qui sera aboli vers le milieu des années quatre-vingt par un nouvel et laborieux accord avec le Vatican.

From → divers

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