LA VÉLOCIPÉDISTE MASQUÉE ET DISERTE
Ce matin, en ouvrant les volets d’une chambre qui donne sur la rue à quelques mètres, j’ai vu et entendu une personne qui passait à vélo ; je pense, à la voix, à l’aspect général, qu’il s’agissait d’une jeune fille ou d’une jeune femme, mais comme il ne faisait pas très chaud, donc qu’elle était bien couverte, je ne saurais dire si elle était blanche, grise ou noire.
Toujours est-il qu’elle ne donnait pas l’impression de beaucoup pédaler tout en avançant vite et que son vélo semblait être du modèle local de vélo électrique municipal que les plus riches, ou les moins pauvres peuvent louer.
J’ai dit que je l’ai entendue car elle dégoisait pour la rue entière, à voix haute mais malgré tout je ne sais trop quoi, comme font tant et plus d’humanoïdes de nos jours. Probablement branchée, avec oreillettes et micro, sur un téléphone portable. Très certainement un message important du genre : « Oui, je viens de partir, qu’est-ce que ça caille, j’arrive dans cinq minutes, bisous ! ».
Pour parachever le tableau j’ajoute qu’elle était munie sur le nez et la bouche d’un masque bleu commun dit « masque sanitaire » ! C’est peut-être pour ça qu’elle parlait aussi fort, pour pouvoir se faire entendre. Qui sait, elle aurait peut-être pu contaminer à distance son interlocuteur ou cutrice*.
Il m’arrive encore de croiser des êtres à masque, à masque bleu en général, c’est-à-dire de la catégorie inférieure des masqués. Les masqués « de la haute » (ou prétendue telle) ont arrêté de faire mine ou de se donner un air chébran depuis longtemps, déjà passés à autre chose. Certains masqués bleus mettent encore leur masque sur le nez quand d’autres se contentent de le poser sous le nez et sur la bouche uniquement. Dont des zozos apparents. Enfin, c’est l’impression qu’ils me donnent, mais je peux me tromper. J’exclus bien sûr de ma critique amusée, ou plutôt attristée, les infirmières, qui passent à domicile – comme je peux en croiser – bien que le masque ne soit en rien efficace contre les virus.
À elle seule, manière de me faire mal entamer la journée, cette fille a résumé pour moi l’état déliquescent des humanoïdes d’Occident. Qui suivent toutes les modes (technologistes de préférence), les façons de faire du moment et plus encore les directives des salopards qui nous dirigent vers l’abîme.
Quand j’étais jeune, je pédalais, non sans mal car je n’étais pas doué à vélo. Et je n’utilisais pas un vélo électrique qui n’existait d’ailleurs pas. Et puis, comme si, de nos jours, les batteries se faisaient toutes seules, sans remuer la Terre en minerais ou minéraux plus ou moins rares, et étaient en soi « écologiques », tant dans leur production qu’utilisation, ou en tant que déchets ! Quelle fumisterie.
Et comme si, par ailleurs, je parlais au Soleil ou à la Lune dans la rue ! Ignorant, négligeant totalement l’entourage humain. Certes, on entend parler plus ou moins doucement des gens dans la rue, fort heureusement ; mais c’est en groupe, dont dans des manifestations, ou malheureusement parfois dans des disputes.
J’ai connu, c’était il y a déjà bon nombre d’années, autre temps autres pratiques, les appels des petits commerçants qui passaient à pied avec une charrette comme la marchande de civelles (les civelles qui étaient à petit prix et qui ont été surconsommées ont quasiment disparu de la région, aujourd’hui produit de luxe). Ou en voiture, généralement dans la soirée, comme l’agriculteur vendant du lait tout frais, ou le marchand de sardines (le nombre de fois où j’ai pu manger des sardines le soir, avec des « patates », aux beaux jours). Ou encore dans un autre genre, le rémouleur…
De nos jours, se sont les artisans qui laissent un dépliant dans les boîtes aux lettres sur lesquelles est assez invariablement inscrit : « Pas de publicité, SVP, merci » ; ou, pour les plus enquiquinants, qui frappent aux portes. Pour l’entretien des maisons ou des jardins, entre autres choses.
Quant au masque, autrefois surtout … hormis les déguisements de Mi-Carême, c’était pratiquement inconnu. Et l’on n’était pas encore contaminé par la mode amerloque d’Halloween [mon logiciel connaît le mot, comme par hasard et sait l’orthographier !]. La Toussaint et la Fête des Morts étaient encore des fêtes respectées et respectables, non des clowneries d’Happy Halloween ! (sic)**. Et je suis étonné, pour ne pas dire désolé de savoir que cet Halloween est à l’origine une tradition celtique irlandaise ancienne. Mais l’on peut penser que cette fête a été dévoyée vers, par, pour le commerce ; pour tomber, dégringoler au final dans la caricature décadente, comme pour Noël. Et comme pour tous domaines de la culture et des arts.
*Orthographe inclusive (sic).
** Joyeuse Halloween ! Halloween est la contraction de : All Hallows’ Eve, Veille de Tous les Saints. Et non pas Hallo Win : Allo Victoire !
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