Petit complément concernant Michel Blanc et autour.
J’ai écrit précédemment que « Michel Blanc a eu deux handicaps à surmonter pour devenir acteur reconnu : ces origines populaires et disons son physique ingrat ».
S’il est vrai que Michel Blanc est issu d’un milieu modeste, par contre, comme c’était un bon élève à l’école primaire, cela lui a permis d’entrer en 1963 au collège, en l’occurrence le collège dépendant du Lycée Pasteur de Neuilly-sur-Seine. « Où sa mère a pu l’inscrire grâce à ses bonnes notes » est-il écrit dans Wikipédia. Ce qui est faux. Du moins concernant sa mère. Les parents n’avaient rien à dire en ce domaine. Du moins les parents tout à fait ordinaires et sans relations efficientes.
Le point essentiel est que dans les années soixante, et assurément dans les premières années soixante comme c’est le cas ici, tout le monde n’entrait pas au collège, d’ailleurs, il n’y en avait pas encore beaucoup, de collèges. Et ils étaient encore réservés à la « bonne société », plus les éléments issus des milieux populaires jugés dignes de s’y intégrer par leurs bons résultats scolaires. Petite forme de « démocratisation ».
Le lot commun, si je puis dire, des élèves, après le CM2, était de rejoindre les classes de Fin d’Études Primaires, deux années qui se clôturaient par le « certif », le Certificat d’Études Primaires.
En un temps où l’apprentissage en blouses grises de l’orthographe et la grammaire, de l’arithmétique et la géométrie, de la règle de trois, des piscines qui se remplissent et qui se vident, des trains qui se croisent et du calcul mental (pas de calculette), de l’histoire de France et de la géographie, de rudiments de sciences naturelles, de l’instruction civique (et oui) et même je crois bien de la morale, ou encore la récitation de longues poésies ou le chant de la Marseillaise par exemple, n’était pas encore de la foutaise. Puis, avec ou sans le CEP, pour un bon nombre c’était l’apprentissage d’un métier. Et bientôt le travail.
Je me souviens qu’en fin de cinquième j’ai eu la possibilité de me présenter au « certif », mais je n’ai pas voulu (par flemme ?) et mes parents n’ont pas insisté. Car, moi-même, d’une famille ouvrière, je suis entré au collège en 1961, sur dossier présenté par mon instituteur. Et mes parents n’y étaient pour rien.
Je me souviens très bien que dans ma classe de l’école publique de garçons, en fin de CM2, on n’était que quatre à entrer au collège cette année-là. Un grand collège qui drainait une vaste contrée, si bien que nombreux étaient alors non seulement les demi-pensionnaires, mais les internes. Moi j’ai eu la chance d’être externe, habitant à peu de distance du collège.
L’un de nous quatre a quitté le collège dès la fin de la première année. Recalé. Et nous, les trois autres, avons suivi nos études jusqu’au BEPC puis le baccalauréat. Je crois me rappeler que les deux autres « firent latin » comme on disait alors. Moi, pas. Puis ils ont suivi des études scientifiques. L’un, qui était un petit-cousin à moi, est devenu médecin, l’autre se fit ingénieur dans le nucléaire.
Donc tout ça pour dire qu’une partie de la future bande du Spendid qui sortait, mis à part Michel Blanc, « de milieux favorisés » (comme on dit) fréquenta le collège puis le lycée. À un moment où à un autre ils se connurent au collège puis au Lycée Pasteur de Neuilly. C’est le cas de Michel Blanc (né en 1952 à Courbevoie d’un père déménageur qui finit cadre), mais aussi de Christian Clavier (né en 1952 à Paris, d’un père chirurgien ORL), de Gérard Jugnot (né en 1951 à Paris, d’un père entrepreneur dans le bâtiment), de Thierry L’Hermite (né en 1952 à Boulogne-Billancourt, dans une famille paternelle d’intellectuels et d’une mère juive). Quant à Marie-Anne Chazel (né à Gap en 1951, d’un père pasteur et d’une mère actrice) elle fut élève au cours secondaire de jeunes filles situé en face du Lycée Pasteur de Neuilly, à compter de 1967.
Remarque en passant : je n’ai lu nulle part que Mai 68 ait marqué ses personnages. Et ce qui les intéressait déjà c’était le théâtre, puis bientôt le théâtre dans une forme moins conventionnelle, du tout venant.
On est ici avec l’équipe du Splendid à laquelle il faut ajouter, arrivés après, Josiane Balasko (née en 1950 à Paris, dans une famille de futurs petits restaurateurs) et Bruno Moynot (né en 1950, à Bois-Colombes) qui fut d’abord le machiniste de la troupe.
La troupe concurrente, si je puis dire, était celle du Café de la Gare, d’une autre configuration sociale. Avec feu Romain Bouteille (né à Paris en 1937), dramaturge qui fut l’un des fondateurs des cafés-théâtres, feu Coluche (né à Paris en 1944, d’un peintre en bâtiment), Patrick Bourdeaux dit Dewaere (qui fut enfant-acteur, né à Saint-Brieuc en 1947), Sylvette Herry dite Miou-Miou (née en 1950 à Paris, d’un père gardien de la paix), Henry Guibet (né en 1936 à Paris d’une mère couturière), Catherine Sigaux, dite Sotha (née à Royat en 1944, de l’écrivain Gilbert Sigaux) devenue avec le temps dramaturge, réalisatrice, scénariste et dialoguiste. Ou encore d’autres moins connus – du moins de moi – comme Jean-Michel Haas, Gérard Lefevbre ou Catherine Mitry… Ou arrivé un peu plus tard comme Renaud Séchan dit Renaud (né en 1952 à Paris). Tous, de ce que j’en sais, n’ayant pas fait beaucoup d’études, ou ayant choisi rapidement le milieu de la balle ; du théâtre ou du cinéma. Ou de la chansonnette, comme Renaud « le rebelle », « l’anar » qui de nos jours a sombré définitivement dans l’alcoolo-sioniste.
À propos, il y a peu, j’ai lu que feue Anémone, qui a été la complice des gens du Splendid, un peu plus tard (dans Le Père Noël est une ordure en particulier), et qui reste pour moi la Marcelle du Grand Chemin (1987) de Jean-Loup Hubert, s’était plainte d’eux les années passant car ces derniers l’auraient écartée des bénéfices qu’ils pouvaient tirer en droits d’auteur, alors même qu’à cette époque chacune et chacun y allaient de leurs réparties et que leurs spectacles étaient des œuvres collectives.
Et elle avait fini par s’opposer à ces gens qui l’avaient disait-elle écartée (opposée, y compris judiciairement, je crois) elle qui avait une sensibilité de gauche, du moins de la gauche humaniste et sociale.
De par leurs origines ils étaient presque prédestinés à être d’affreux conformistes, de gens bien établis finalement, et fort peu contestataires. Et sachant profiter d’une certaine rente de situation comique, du moins au début. D’un comique bon enfant, jamais grinçant, ni contestataire ou simplement dérangeant. Du même genre qu’un film comme Les Sous-doués de Claude Zidi, finalement. Dans un monde, une société française, cela dit qui n’existe plus comme telle.
Dans le genre conformiste on peut évoquer le pitoyable Monsieur Batignole, summum du film « à bons sentiments » et démagogique ; et surtout tellement dans l’esprit du temps, du pauvre Jugnot, qui se prend au sérieux. Qui ne coûte rien (et peut rapporter gros) et qui surtout s’apitoie sur du convenu, mais pas sur l’état présent des problèmes de société.
Je ne sais pas ce qu’il en fut de Michel Blanc, quelqu’un a fait remarqué qu’il restait discret et qu’on ne l’avait pas entendu sortir des critiques à l’encontre des Gilets Jaunes par exemple, ou des insanités pseudo-sanitaires lors de l’épisode covidiste. À la différence d’autres acteurs ; et même de comiques ou jugés comme tels, du moins autrefois, comme le gros Bourdon dénigrant les anti-vax, par exemple ; ou le sinistre Morel des Deschiens devenu « billettiste » à France-Inter pour y sortir de l’indigent ! Et là, il y a vraiment où rire, mais de sa déchéance !
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