PETIT RETOUR SUR TINTIN, OU PLUS EXACTEMENT SUR DES TINTIN.

«Tintin » est le type même du surnom familier, hypocoristique (affectueux ou amical, souvent né dès la prime enfance), formé d’un prénom abrégé à l’extrême, à sa syllabe finale, par aphérèse de toutes les syllabes précédentes (-tin) ; puis en même temps syllabe dupliquée (tin-tin). Ce qui est finalement une forme particulière de diminutif.
Le Tintin qui a connu le destin, le destintin le plus célèbre, et le plus tintinnaboulé (Tintinnaboula, Tintinnaboulé !), est bien évidemment celui de Georges Remi (G.R.), dit Hergé (RG). *

Et dans mon étude sur Tintinel, j’évoque entre autres petits personnages des bandes dessinées anciennes, Tintin-Lutin pré-publié en 1897 dans Le Rire et dont l’album a été publié en 1898. Petit chenapan (il lui arrive de semer des clous sur les routes, destinées aux roues des vélocipèdes) créé par l’illustrateur Benjamin Rabier (1864 – 1939) et « mis en paroles », en vers (des décasyllabes pas toujours très réguliers) par Fred Isly, pseudonyme de Fernand Amson (1863 – 1920), dramaturge qui fut aussi romancier, et également directeur du « journal humoristique hebdomadaire » Le Pêle-mêle (journal qui, quant à lui, vécut de 1895 à 1930). Il a collaboré à plusieurs albums de Rabier. Ce Tintin-ci a pour prénom complet Martin.


La suite dans l’album…
Mais il en est un que je n’avais pas repéré en rédigeant cette étude, ou du moins je ne m’en souviens plus trop. C’est le personnage de Tintin, le petit Parisien. Ici, on n’est plus exactement dans la bande dessinée – encore essentiellement sans phylactères, et à texte explicatif ou dialogues souscrits – mais dans la littérature populaire, et les romans d’aventures en fascicules hebdomadaires, bimensuels ou simplement mensuels, illustrés, bon marché.
Romans-feuilletons d’autrefois, aux formats réduits, généralement illustrés en couleur en couverture, et en noir et blanc, du moins quand il y en a, à l’intérieur ; sur du papier de plus ou moins bonne qualité (voire de qualité médiocre, ce qui n’a pas facilité leur conservation).
Avec cet autre Tintin, on a affaire à un personnage de René-Marcel de Nizerolles, pseudonyme de (René) Marcel Priollet (1884 – 1960) qui fut un auteur très prolifique de romans en tous genres : d’aventures, policiers, de science-fiction, sentimentaux ou mélodramatiques ; ou encore scénariste de films.
Tintin, le petit Parisien, Justin Blanchard, un gavroche, et sa jeune sœur Yvonne pérégrinent, surtout lui. Ce seront, dans une première série entre 1911 et 1913, Les Voyages aériens d’un petit Parisien à travers le Monde, série de 111 cahiers de 16 pages, aux couvertures illustrées en couleur, et à illustrations intérieures noir et blanc, réalisée par Gilles Berr (1863 – 1931), peintre, caricaturiste, dessinateur d’humour dit Gil Baer. Série qui sera éditée bien plus tard en album, chez J. Ferenczi & fils, entre 1933 et 1935 et en noir et blanc, puis partiellement en couleur en 1951.

Tintin, voilà un surnom qui a perdu de sa présence, avec la raréfaction des prénoms en «-in». Je verrais peut-être encore quelque Quentin, mais plus guère de Martin et de Justin. Ni d’Augustin. J’ai le souvenir, quand j’étais tout gamin, de quelqu’un qui était appelé Tintin. C’était « Tintin de la montagne », comme je le comprenais. Une personne qui me paraissait déjà très âgée. Or, ce n’était pas un montagnard mais quelqu’un, comme on me l’a expliqué alors, qui habitait un hameau qui se nommait La Montagne parce qu’il était juste situé en haut d’une butte, rien de plus. Et je n’ai jamais connu le prénom véritable de ce Tintin.
Mais revenons à notre Tintin parisien. Parmi ses voyages aériens, le 36e a pour titre : L’Île au trésor et le 101e a pour titre : L’Île infernale. On est là dans des titres assez bateaux, ce qui est normal finalement, en pleine mer. Et pour des histoires aventurières. L’Île au trésor, comme le titre du roman de Robert Stevenson ; L’Île infernale, comme le titre d’un roman pour la jeunesse d’un certain Édouard Aujay, pseudonyme d’Édouard Roulet, mais qui lui n’est paru qu’un peu après, en 1937 (J. Dupuis, fils et Cie, Paris ; Collection verte. Aventures ; n° 4). Comment ne pas penser encore à L’Île mystérieuse de Jules Verne ; ou bien à L’Île Noire ou, plus loin aussi dans les dérivations, à L’Étoile mystérieuse, tous deux titres de Hergé.

Cette série sera suivie d’une deuxième également éditée par les Éditions Ferenczi & fils, entre 1935 et 1937, Les Aventuriers du ciel : voyages extraordinaires d’un petit Parisien dans la Stratosphère, la Lune et les Planètes, en 108 fascicules de 16 pages chacun, avec une couverture illustrée et une illustration pleine page intérieure en noir et blanc réalisées par Raymond Houy (1899 – 1993).
Il s’agit d’une sorte de science-fiction, ou plutôt de voyage à travers l’espace et le temps, dans une lointaine lignée, disons, des Histoire comique des États et Empires de la Lune et Histoire comique des États et Empires du Soleil par Hercule de Bergerac, plus connu sous le nom de Savinien de Cyrano.
Grâce à un vaisseau spatial propulsé par des réacteurs à hydrogène atomique (sic) Tintin, le professeur Saint-Marc, un reporter anglais et un capitaine agent secret de la Reichswehr (nom donné à l’armée allemande sous la République de Weimar), connaissent tout un tas d’aventures sidérales … et sidérantes.
Notons au numéro 4 de cette série le titre : Allo ? … ici la Lune … par des gens qui ont marché sur la Lune sans trop de problème, eux non plus. Un peu comme les divers équipages d’Apollo (sic).

Et une troisième série, plus courte, achèvera le tout, également dans le genre science-fiction, aux mêmes éditions, en 1937-1938, Les Robinsons de l’île volante : les aventures extraordinaires d’un petit Parisien sur terre, sur mer… et dans l’invisible, en 28 fascicules de 16 pages, chacun possédant une couverture illustrée et une illustration hors texte, également par Raymond Houy.
Notons encore que l’ensemble de ces courtes histoires, reçut, comme on le voit, le nom générique d’Aventures de Tintin, le petit Parisien.
Ajoutons pour clore, que tel plus d’un auteur de littérature populaire ou enfantine, René Priollet affectionna la pseudonymie mais aussi les œuvres en collaboration. Ainsi, n’est-on pas toujours assuré de qui a écrit quoi et à combien de mains. René Priollet a utilisé, à ce qu’il paraît, et parmi d’autres, les pseudonymes de René-Marcel de Nizerolles, Henry de Trémières, Marcel-René Noll, René Valbreuse. De plus a-t-il écrit en collaboration avec son frère Julien Priollet (1877 – 1953) qui a pu publier également des textes en collaboration avec son épouse Edmée Bauer (1880-1958), qui elle-même aurait pu publier seule de son côté, sous un autre nom.
Note *

Dans l’Antiquité, ce que l’on nomme tintinnabulum, d’après son nom latin, désigne une espèce de crécelle en métal, grelot ou clochette… objets animés par les déplacements d’animaux, d’humains ou de vents.
Cela dit, je m’abstiendrai de montrer ici des photographies de divers tintinnabula de l’époque romaine qui ne cadreraient pas du tout avec des ouvrages destinés à la jeunesse, mais plutôt un tintinnabulum d’alliage cuivreux de haute époque pré-romaine, daté du bronze final (entre 1250 et 750 avant notre ère) et caractéristique de cette époque. Il s’agirait d’un objet de prestige. Il appartint à un ensemble dénommé « trésor de Frouard », du lieu situé juste au Nord de Nancy où il a été découvert en 1872.
« Formé d’un disque principal raccordé à deux petits disques par une tige latérale et des anneaux, cet ornement était vraisemblablement apposé sur le poitrail d’un cheval. Ainsi suspendus autour de son cou, les disques s’entrechoquaient à chacun de ses pas. L’usage de cet objet était réservé à une classe sociale élevée, soucieuse de marquer son passage de manière visuelle et sonore. » (musee-lorrain.nancy.fr/les-collections/les-oeuvres-majeures/)
*
Suzanne Dehelly chante « il a mal aux reins, Tintin » (de Géo Koger, Pierre Caron ; et Vincent Scotto pour la musique sur un air de fox-trot) dans le film Cinderella (Cendrillon) réalisé par Pierre Caron et sorti en 1937 :
Il s’agit d’une version raccourcie de la chanson. Et tintin ! ici, pour en avoir plus …
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