Zelensky pique une colère parce que le Chancelier Scholz suit les intérêts…de l’Allemagne!
par Jean Goychman — Le Courrier des Stratèges du 12 juillet 2022
Volodymir Zelensky n’est pas content: L’Allemagne a obtenu du Canada que les turbines de Siemens en réparation sur son territoire soient bien réexpédiées, malgré les sanctions, vers le gazoduc Nordstream 1. Le Chancelier Scholz pense aux intérêts de l’Allemagne. Et le président ukrainien a du mal à se rendre à l’évidence: l’Ukraine ne sera pas toujours au centre des préoccupations de ses voisins.
Volodymir Zelensky a piqué un coup de sang contre le Canada. Il a appris que des turbines servant à alimenter le gazoduc partant de la Russie vers l’Europe, qui avaient été envoyées dans une usine canadienne de Siemens pour des interventions de maintenance, allaient repartir vers la Russie. Ce monsieur, qui s’est vite habitué à la lumière des projecteurs de l’actualité ne va par rater une telle l’occasion de les voir à nouveau braqués sur sa personne.
Le sort de l’Allemagne ne lui importe pas.
Visiblement centré sur lui-même, il brandit les « sacro-saintes » sanctions pour donner sa vision des choses. D’après lui, ces turbines doivent rester au Canada et c’est tant mieux si le gaz ne parvient plus à destination. Curieuse façon de remercier les Allemands de leur soutien. Après tout, ils n’avaient qu’à s’arranger autrement et ne pas dépendre du gaz russe. Monsieur Zelensky oublie-t-il que nombre de pays européens ont plus ou moins la même dépendance ? [Et qui lui-même prend une taxe sur le gaz russe qui transite par chez lui]
Après tout, que lui devons nous ?
Pourquoi ne se débrouille-t-il pas tout seul contre la Russie ? Beaucoup de pays européens prennent un risque qui peut leur coûter cher dans le futur en l’aidant financièrement et militairement. Quelqu’un pourrait-il lui faire remarquer que rien ne lui est dû par avance et, puisqu’on invoque souvent les principes démocratiques, aucun des gouvernants de ces pays n’a sollicité le moindre avis des populations qu’ils représentent ? Peut-être aurions-nous quelques surprises ? Le principe trop souvent utilisé du « qui ne dit mot consent » est bien commode mais possède ses limites.
La tutelle du grand frère américain.
Le jeu américain est de plus en plus visible. Le sort de l’Ukraine n’intéresse pas les Etats-Unis et il s’agit pour eux d’affaiblir le plus possible la Russie. L’Etat profond continue à voir en elle la source de tous les maux de la planète. Au moins, on peut leur rendre cette justice que, depuis presque un siècle, la majeure partie de ceux qui le constituent n’a jamais changé d’avis.
Mais si leur avis n’a pas changé, le monde, lui, a changé et continuera à évoluer. Les alliés d’aujourd’hui peuvent devenir les ennemis de demain, simplement parce que les intérêts à défendre ne seront plus les mêmes. Au XIXème siècle, la « Pax Britannica » s’étendait sur (presque) toute le planète, mais la guerre de Crimée puis l’arrivée de Bismarck et la résistance de l’Empire Chinois ont finalement eu raison d’elle.
La guerre de 14 a consacré l’hégémonie américaine, mais il se pourrait que celle-ci cède à son tour la place à la Chine dans un avenir rapproché. Que deviendrait alors l’Europe ? Et cet avenir est d’autant plus inquiétant que nous faisons tout pour précipiter la Russie vers la Chine. A cela, Volodymir Zelensky s’emploie ardemment.
La réaction allemande
Elle ne s’est pas fait attendre. Les relations entre la BCE et la BundesBank, déjà tendues, ne s’améliorent pas et le ministre allemand des finances à fait savoir qu’il s’opposerait à un nouvel emprunt de 9 milliards pour venir en aide à l’Ukraine. Certes, le désaccord semble porter sur le fond, à savoir un emprunt « mutualisé », cher à Emmanuel Macron qui, lui, est prêt à tout mutualiser pour noyer la déjà colossale dette française dans le puits sans fond qu’est devenu le bilan de la BCE. Mais au-delà de la forme du prêt, il semble qu’il y ait bien une volonté du Chancelier allemand de ne pas attirer sur l’Allemagne les foudres de la Russie.
Le Chancelier Scholtz divise l’Europe
Sa position est pourtant de bon sens. Soucieux de ne pas précipiter l’Allemagne dans une crise économique profonde dont elle mettrait des années à de relever, il est partisan du maintien de l’approvisionnement en énergie au moyen des sources actuelles provenant pour une large part de la Russie. Il ne veut donc en aucun cas fournir à cette dernière l’excuse derrière laquelle elle s’abriterait pour justifier la fermeture du gazoduc.
Mais cette position est certainement très diplomatique. Déja accusé de freiner l’aide vers l’Ukraine, il n’a que mollement répondu. On peut également penser que les intérêts de l’Allemagne sont plus importants pour lui que cette guerre en Ukraine qui, de toutes façons, se terminera. La Russie sera toujours là et l’Allemagne aura toujours besoin d’elle, et c’est probablement ce qui fait enrager Volodymir Zelensky, qui, malheureusement pour lui, ne pourra probablement que frapper son bureau de ses petits poings rageurs. D’ailleurs, peu importe du moment que les caméras seront là.
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