UKRAINE… À LIRE
http://stratediplo.blogspot.com/2022/03/denazification-impossible.html
dénazification impossible
Parmi les buts de guerre qu’avait annoncés la Russie le 24 février, il y en a un qui ne figurait ni dans les quatre conditions de son ultimatum du 21 février, ni dans les quatre conditions du 7 mars pour un cessez-le-feu immédiat. Il s’agit de la « dénazification », une idée que soutient activement la presse israélienne (au sujet de l’Ukraine) mais qui a été reçue comme un mot vide de sens à l’ouest des Alpes.
De nos jours n’importe quel homme politique insulte son adversaire en l’appelant « nazi », et les journalistes ne se privent pas d’apostropher ainsi leurs cibles sans penser au contenu du mot, qu’on ne décortique pas et dont les jeunes ignorent la signification. On a même inventé le mot « nazisme » pour cacher qu’il s’agissait de national-socialisme, et ce qui reste de pages consacrées aux pays d’Europe dans les livres d’histoire pour écoliers présentent la Deuxième guerre mondiale comme une lutte contre ce nazisme, sans référence au nationalisme pangermanique et à la doctrine socialiste, et sans rappeler que la France n’a pas déclaré la guerre à l’Allemagne pour un motif idéologique mais par solidarité avec la Pologne. Évidemment l’objet de ces livres étant d’introduire l’amitié franco-allemande et l’unification européenne, ils blâment plutôt une idéologie qu’un pays.
Cependant en Ukraine il ne s’agit pas d’une insulte irréfléchie mais d’une réalité politique bien vivante. Le Parti National-Socialiste d’Ukraine a bien stylisé son logo trop explicite et s’est renommé Svoboda (Liberté) à l’occasion de la première « révolution orange » de 2004, mais il n’a pas amendé ses orientations. Aussi le 13 décembre 2012 (un an avant les événements de la place Maïdan) le parlement européen a qualifié ce parti de nazi, raciste, antisémite, xénophobe et contraire aux valeurs européennes, et a interdit à tout parti représenté au parlement européen d’avoir des relations avec ledit parti extrémiste. Et celui-ci, dès qu’il a pris le pouvoir par le coup d’Etat du 22 février 2014, s’est proclamé héritier des collaborateurs locaux du parti d’Adolphe Hitler, a érigé des statues à Stepan Bandera et ses acolytes, et a arboré des symboles nationaux-socialistes, ainsi que des insignes d’unités SS, sur ses nouvelles milices levées par le mouvement extrémiste Pravy Sektor. [Secteur Droit]
Devant cette vague le 30 septembre 2014 l’Assemblée Permanente du Conseil de l’Europe, sur initiative russe, a condamné la renaissance du national-socialisme en Europe et appelé à le combattre. A son tour le 21 novembre 2014 l’Assemblée Générale des Nations Unies, sur initiative russe, a adopté à une large majorité des deux-tiers une résolution L56 condamnant la glorification du national-socialisme. Bien que tous les pays européens sauf quatre se soient abstenus, seulement trois votèrent en faveur de cette résolution condamnant la glorification du national-socialisme à savoir la Russie, la Biélorussie et la Serbie. Au contraire seuls trois pays au monde s’opposèrent fermement à l’adoption de cette résolution (qui fut adoptée puisqu’à l’AG il n’y a pas de veto), en l’occurrence deux pays américains et un européen : les États-Unis d’Amérique, le Canada et l’Ukraine. Ainsi parler de national-socialisme au sujet de l’Ukraine n’est pas une insulte abstraite mais le rappel d’une idéologie explicitement revendiquée par le gouvernement actuel jusque dans les instances internationales.
[JPF Pourquoi à l’initiative de la Russie : parce qu’elle a subi au prix très fort l’invasion allemande, et peut-être aussi parce que un bon nombre de Russes continuent la « tradition » antifasciste (la vraie, pas celle des guignols occidentaux bobos en particulier, qui voient des « fachos » dans tout ce qui ne va pas dans leur sens mondialiste, intolérant, totalitaire et finalement raciste à l’encontre du petit peuple, des gueux et autres Gilets Jaunes). Et ceci au sein des deux principaux partis de Russie, celui de Poutine et le Parti communiste encore plus (second parti de Russie en importance, 20 % de représentants à la Douma). Pourquoi les instances ukrainiennes ont voté contre ? Parce que le coup d’État de 2014 a mis en place un gouvernement d’obédience néonazie revendiquée et même intégrée et développée au sein de l’armée elle-même, ce néo-nazisme (pas le nazisme du Parti national-socialiste des travailleurs allemands (Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei, soit le NSDAP) mort en 1945) est dans ses manifestations plus encore qu’anti-juif (Zelensky, juif plus ou moins déjudaïsé bien que fréquentant le Mur des Lamentations — en voilà d’une expression qui frise la caricature — s’en accommode sans problème, on a vu des photos de lui effectuant le salut nazi originel bien connu, sans doute pour faire plaisir, « pour de rire », et par pure démagogie électoraliste) haineux vis-à-vis de ce qui ressemble de près ou de loin à un Russe, et à la « russitude ». Et derrière le caractère russe, à tout ce qui ressemble également de près ou de loin au soviétisme, au totalitarisme soviétique ; il faut savoir en fait que pendant la Seconde guerre mondiale les banderistes ont combattu au sein de la Wehmacht contre les troupes russes. Et l’Ukraine, du moins une partie des Ukrainiens, ne semble pas avoir dépassé ce stade historique, dans une forme de quasi pathologie sociale, dont le pendant chez nous sont curieusement les « antifascistes » occidentaux qui leur accordent objectivement leur soutien !]
En Ukraine aujourd’hui les références au nazisme relèvent de deux sentiments distincts. Le premier est, sinon la nostalgie, du moins la référence historique au seul moment (à part pendant la révolution bolchévique) où l’Ukraine, ou du moins sa moitié occidentale, s’est dite souveraine (bien que dépendante de l’Allemagne) par rapport à la Russie, pendant quelques années. Cette référence est donc une sorte de légitimation de souveraineté, certes aujourd’hui dépassée puisque depuis le démembrement de l’URSS l’Ukraine a déjà été indépendante dix fois plus longtemps que pendant son court protectorat allemand, d’ailleurs même la Croatie et les trois républiques baltes sont aujourd’hui un peu plus discrètes qu’il y a trente ans sur cette parenthèse historique qu’elles partagent avec l’Ukraine (ces quatre pays se sont abstenus [!] lors du vote à l’ONU précité). Après plus d’une génération née dans l’Ukraine post-soviétique la revendication de cet héritage n’est plus nécessaire puisqu’un vrai sentiment national est né, et pas seulement en Galicie mais aussi en Malorussie et en Novorussie [JPF Petite Russie, et Nouvelle Russie, vieux découpage des peuples russes (russe proprement, biélorusse et ukrainien) aux siècles passés, régions vers l’Est de la Galicie, le cœur, le foyer central ultra-nationaliste ukrainien tourné vers l’Occident, et le Sud de l’Ukraine].
Le deuxième sentiment qui se réclame du nazisme est par contre un véritable engouement idéologique, qui s’auto-nourrit de diverses revendications mais aussi de son propre succès, la vue de milices viriles disciplinées attirant des jeunes désorientés dans un pays économiquement sinistré et politiquement corrompu où l’insécurité rappelle la Russie des années Eltsine. Cet engouement se traduit dans l’existence de milices, déjà de mauvaise réputation idéologique avant le Maïdan mais désormais aussi de très mauvaise réputation morale depuis qu’elles ont été officialisées (incorporées à une Garde Nationale) et envoyées dans le sud-est pour en éradiquer les doryphores par la déportation ou l’extermination. Les plus fameuses de ces milices sont le bataillon Azov, qui a revendiqué avoir atteint l’effectif d’une brigade, et le bataillon Aïdar. L’un a été rendu célèbre pour ses crucifixions de chrétiens [je ne sais pas à quoi l’auteur fait référence] et les confessions de Gaston Besson sur l’exécution des prisonniers [du temps de l’ex-Yougoslavie], l’autre pour les charniers de centaines de jeunes paysannes après la perte du terrain de son camp du viol à Krasnoarmeïsk en septembre 2014. Sauf erreur c’est le bataillon Azov (bien plus gros et bien moins organisé qu’un bataillon militaire) qui tient en otage la population de Marioupol, mitraillant les civils qui tentent d’en sortir, interdisant par le feu l’ouverture des corridors humanitaires déjà déclarés par la Russie et l’Ukraine (avec cessez-le-feu) trois jours de suite en vain, et lui aussi sur lequel l’armée régulière ukrainienne a tiré la semaine dernière un missile balistique SS-21.
C’est cette deuxième manifestation du nazisme que la Russie a soi-disant chargé son armée d’éliminer. Au niveau politique l’arrestation et le jugement des commanditaires desdits bataillons ainsi que des dirigeants des mouvements comme Pravy Sektor et Svoboda aurait revêtu une forte charge symbolique, mais la Russie ne pourrait pas le faire sans, d’abord, prendre Kiev, et surtout, l’occuper. De plus cela ressemblerait à une opération de « changement de régime » à l’étatsunienne, ou en tout cas d’ingérence dans la politique interne. Enfin dans tout le quart ou le tiers occidental du pays, à l’ouest de la ligne Jitomir-Vinnitsa, cette orientation politique est relativement répandue au sein même de la population, donc il ne serait pas possible de l’extirper sans des années de rééducation civique. Au niveau militaire il serait théoriquement plus facile et moralement plus acceptable de détruire les milices embrigadées, qui sont actuellement encerclées dans la ville côtière de Marioupol et dans la nasse tactique où se trouve plus de la moitié de l’armée ukrainienne, au nord de Donetsk. La nasse de Donetsk se situe en zone rurale avec quelques villages, mais l’opération tactique en cours se déroule de façon conventionnelle et se terminera soit par la reddition des unités une par une, soit par leur destruction, un terme militaire qui ne signifie pas un massacre à l’étatsunienne comme celui de la Garde Présidentielle perdue dans le désert irakien en 1991 et pas encore ressortie, mais un niveau de dommages impliquant l’impossibilité définitive pour l’unité détruite de conduire une manœuvre (feu et mouvement) de son niveau (il peut rester des sous-unités). Par contre les éléments dits ou autoproclamés nazis dans Marioupol sont étroitement imbriqués dans la population qu’ils utilisent non seulement comme couverture générale mais également comme boucliers au sens propre pour progresser dans les rues, et ils n’hésiteront pas à se déguiser en civils pour se fondre dans la population. Il y a là plusieurs milliers de miliciens dans une ville de 400.000 habitants, et certains pays n’hésiteraient pas à y appliquer la méthode Bassorah. L’armée russe a montré, notamment à Grozny [capitale de la Tchétchénie] quelques années après un premier échec [qui a détruit en grande partie la ville par des bombardements], qu’elle pouvait conquérir une grande ville rue par rue, et a même développé un véhicule d’appui-feu à l’infanterie spécifique pour le milieu urbain (le BMPT), mais le coût humain serait important.
Il n’est donc pas impossible que la Russie, après la démilitarisation de l’Ukraine sauf la Galicie, Kiev et Marioupol, laisse le nettoyage ou la normalisation de cette dernière à la république de Donetsk afin de ne pas s’engager dans une occupation du pays.
La « dénazification » relevait du discours mais n’est pas indispensable à la démilitarisation, et n’est pas incluse dans les conditions pour le cessez-le-feu et le retrait russe.
Publié il y a Yesterday par Stratediplo
[JPF Cet article tranche un peu trop entre Ukrainien et Russe, et semble oublier deux faits essentiels : 1- les imbrications linguistiques entre la langue ukrainienne (les dialectes ukrainiens) et la langue russe, puisqu’il existe même une langue intermédiaire reconnue — mais depuis ces dernières années une volonté gouvernementale irrationnelle d’éradiquer la langue russe d’Ukraine alors même qu’elle est la langue commune, la koinè de nombre de villes (sauf avant tout en Galicie), dont les deux plus importantes : Kiev même et Kharkov, et (car) la langue unique ou première de nombre d’intellectuels ukrainiens (j’en reparlerai), 2- et plus encore les interactions familiales étroites entre beaucoup d’ukrainiens et de russes, il existe un nombre certain de mariages « mixtes » et de familles réparties de chaque côté de la frontière ukro-russe, sans même évoquer le Donbass ou la Crimée, etc.]
[JPF à propos de Bassorah voilà ce qu’écrit, malgré tout, l’encyclopédie du mondialisme wikipédia : « Depuis les guerres de 1991 et 2003, Bassorah est contaminé par l’uranium appauvri [le vrai terme est « uranium usagé », provenant de centrales nucléaires] employé comme munition [employé dans la confection de munition] par les armées [« démocratiques] américaine et britannique. Les niveaux extrêmes de malformations congénitales et cancers ont été liés à des munitions qui restent dans le sol autour de la région. Les États-Unis et l’Organisation mondiale de la santé sont accusées de cacher aussi bien l’usage d’uranium appauvri que les conséquences délétères. Entre 1994 et 2003, le nombre de malformations congénitales pour 1 000 naissances vivantes à la maternité de Bassorah avait été multiplié par 17, passant de 1,37 à 23 dans le même hôpital . »]
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Article de Pierre Rimbert, du Monde diplomatique
https://www.monde-diplomatique.fr/2022/03/RIMBERT/64441
page 2 du numéro de mars.
Ne pas voir, ne rien dire
Un oubli entache le soutien qu’apportent depuis 2014 les grands médias occidentaux aux dirigeants ukrainiens dans leur face-à-face avec Moscou : la promotion par Kiev de politiques mémorielles révisionnistes [JPF sic, il n’y a rien de révisionniste là-dedans, la véritable Histoire étant toujours révisionniste, mais « contestables » conviendrait mieux] et l’indulgence des autorités vis-à-vis des néonazis qui s’affichent dans l’espace public.
Intervenue après l’impression de ce numéro, l’attaque de l’armée russe contre l’Ukraine ouvre un nouveau chapitre particulièrement dangereux des relations internationales (lire « Jusqu’où ira l’escalade militaire ? »).
Après la révolte du Maïdan, le début de la guerre civile au Donbass et l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014, le président ukrainien Petro Porochenko promulgue, en mai 2015, les « lois de décommunisation (1) ». Elles punissent la promotion des idées communistes, interdisent les symboles soviétiques et élèvent au rang de « combattants pour l’indépendance » des groupes antisémites ayant collaboré avec les nazis : l’Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN), dont les milices participèrent à l’extermination des Juifs, et sa branche militaire, l’Armée insurrectionnelle ukrainienne (UPA), responsable entre autres du massacre de cent mille Polonais. L’une et l’autre bénéficient désormais d’un hommage national, le 14 octobre. Et chaque 1er janvier, à Kiev, une marche aux flambeaux honore la mémoire de Stepan Bandera, dirigeant de ces deux organisations et collaborateur du IIIe Reich. Ce sympathique tableau serait incomplet sans mentionner l’intégration à l’armée, en mai 2014, du bataillon Azov, une milice néonazie qui emprunte son emblème à la division SS Das Reich.
Issu d’une famille juive, le président Volodymyr Zelensky se tient à distance de cette fureur à laquelle on ne saurait résumer la vie politique ukrainienne. [JPF c’est un peu court sur le sujet, il y a une véritable complaisance de ce dernier et plus encore, voir ma remarque à l’article précédent ; ce qui embarrasse même les Juifs qui occupent la Palestine, alors même que les sionistes n’ont pas grand-chose à se plaindre du nazisme, bien au contraire (voir des articles précédents de ce blogue), à la différence des « petits Juifs » qui eux subirent les camps de concentration] Mais tout de même : le 28 avril dernier, des centaines de personnes défilaient dans la capitale pour célébrer la division SS Galicie, formée de volontaires ukrainiens (2). Les médias français n’en ont soufflé mot — auraient-ils fait le même choix si le Kremlin avait autorisé un rassemblement néonazi sur la place Rouge ?
Aux États-Unis, l’observatoire du journalisme Fairness and Accuracy in Reporting (FAIR) a effectué un comptage éclairant : entre le 6 décembre 2021 et le 6 janvier 2022, le New York Times a publié 228 articles mentionnant l’Ukraine ; 9 comportaient le mot « nazi » sous une forme ou une autre ; et aucun ne faisait état du révisionnisme [voir ma remarque plus haut] officiel, de la tolérance des autorités envers les mobilisations fascistes ou la présence de néonazis au sein des forces armées. Dans les colonnes du Washington Post, les chiffres étaient respectivement de 201, 6 et zéro. Or, notait FAIR, ces éléments « auraient sûrement un impact sur la formation de l’opinion publique américaine — du moins si le public en était informé ». Bien entendu, précisait l’association, « cela ne donne pas à la Russie le droit d’attaquer l’Ukraine, mais les médias américains devraient informer les Américains sur ce pays qu’arme l’argent de leurs impôts » (3).
Qu’en est-il en France ? Entre le 1er janvier et le 15 février 2022, sur les 152 articles mentionnant l’Ukraine parus dans Le Monde (dont 14 sans lien avec le conflit actuel), 5 comportaient le mot « nazi ». Deux évoquent le penchant fascisant de certains nationalistes, mais seulement pour signaler que Moscou instrumentalise la situation (8 et 11 février 2022). Un autre relatait la participation des milices ukrainiennes au génocide [massacres] des Juifs, mais il s’agit… d’une recension d’un ouvrage sur l’histoire de la seconde guerre mondiale (21 janvier 2022). L’inventaire des colonnes du Figaro aboutit au même résultat : 171 articles mentionnent l’Ukraine (18 sans rapport avec la situation internationale), dont 8 comportent le mot « nazi ». L’un rend compte d’un livre sur l’extermination des Juifs en Europe et cite bien entendu l’Ukraine. Aucun n’informe sur des faits d’ordinaire jugés intolérables par la presse. Mais qui, parce qu’ils se déroulent dans un pays allié des Occidentaux contre la Russie, passent cette fois sans encombre le tamis moral des journalistes.
Pierre Rimbert
(1) Lire Laurent Geslin et Sébastien Gobert, « Ukraine, jeux de miroirs pour héros troubles », Le Monde diplomatique, décembre 2016.
(2) Lev Golinkin, « Secretary Blinken faces a big test in Ukraine, where nazis and their sympathizers are glorified », The Nation, New York, 6 mai 2021.
(3) Gregory Shupak, « Hawkish pundits downplay threat of war, Ukraine’s nazi ties », FAIR, 15 janvier 2022.
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