Extraits d’un poème de l’écrivain syrien Nizar Kabbani (1923-1998) consacré à la Résistance palestino-libanaise :
De terrorisme on nous accuse
Si nous osons prendre défense de notre femme et de la rose
Et de l’azur et du poème ;
Si nous osons prendre défense d’une patrie sans eau, sans air ;
D’une patrie qui a perdu sa tente et sa chamelle et même son café noir.
De terrorisme on nous accuse
Quand nous décrivons les dépouilles d’une patrie décomposée et dénudée
Et dont les restes en lambeaux sont dispersés aux quatre vents ;
D’une patrie cherchant son adresse et son nom ;
D’une patrie ne conservant de ses antiques épopées que les élégies de Khansa ;
D’une patrie où ni le rouge, ni le jaune, ni le vert ne teignent plus les horizons. […]
D’une patrie où les oiseaux sont censurés dans leurs chansons ;
D’une patrie où, terrifiés, les écrivains ont pris le pli d’écrire la page du néant. […]
Dans notre nation, il n’y a plus […] personne pour crier « Gare » !
À la face de ceux qui ont abandonné à autrui notre foyer et notre huile et notre pain,
Transformant notre maison si heureuse en capharnaüm.
Il ne reste plus rien de notre poésie qui n’ait sur le lit d’un tyran perdu sa virginité.
Du mépris nous avons pris le pli de l’habitude.
Que reste-t-il donc de l’homme lorsqu’il s’habitue au mépris ? […]
De terrorisme on nous accuse quand nous refusons notre mort
Sous les râteaux israéliens qui ratissent notre terre,
Qui ratissent notre Histoire, qui ratissent notre Évangile,
Qui ratissent notre Coran et le sol de nos prophètes.
Si c’est là notre crime… Que vive le terrorisme !
De terrorisme on nous accuse si nous refusons que les Juifs, que les Mongols et les Barbares nous effacent de leur main.
Oui, nous lançons des pierres sur la maison de verre du Conseil de Sécurité soumis à l’empereur suprême.
De terrorisme on nous accuse lorsque nous refusons de négocier avec les loups
Et de tendre nos deux bras à la prostitution :
L’Amérique… ennemie de la culture humaine, elle-même sans culture ;
Ennemie de l’urbaine civilisation dont elle-même est dépourvue ;
L’Amérique… bâtisse géante mais sans murs.
De terrorisme on nous accuse si nous refusons un siècle où ce pays, de lui-même satisfait, s’est érigé en traducteur assermenté de la langue des Hébreux.
***
Khansa : Al-Khansā’ surnom de Tumād̩ir bint ʿamr, poétesse arabe semi-légendaire qui serait morte au tout début de l’ère islamique entre 634 et 644. Khansā, qui signifie littéralement : « au nez écrasé », est une manière de désigner la gazelle en arabe.
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