André Baillon, par Olivier Mathieu.
C’est avec un certain amusement que j’ai appris, indirectement, que le journal Rivarol avait consacré un article, cette semaine, à André Baillon.
Il se trouve qu’André Baillon, grand écrivain belge (et par ailleurs, de sensibilité communiste), fut l’amant de ma grand-mère, l’écrivain et romancière belge Marie de Vivier, juste avant de se suicider. Au sujet de ma grand-mère Marie de Vivier, le blog de Jean-Pierre Fleury a publié tout récemment, il y a quelques jours, un tout petit article, à l’occasion de l’anniversaire de sa mort, survenue le 17 janvier 1980.
Etant le petit-fils de Marie de Vivier, qui fut la dernière amante d’André Baillon ; ayant pu entendre parler d’André Baillon par ma grand-mère, par ma mère qui l’avait elle aussi connu dans son enfance, par Paul Werrie et par Robert Poulet ; et ayant consacré à André Baillon un certain nombre d’articles, je me permets de dire quelque chose, moi aussi, sur un sujet que je crois connaître mieux que beaucoup. D’autant que j’ai lu tous ses livres.
Je me suis procuré le journal « Rivarol » où j’ai pu constater que le rédacteur de l’article (dont j’ignore quelle connaissance réelle il a quant à lui de l’oeuvre d’André Baillon…) se contentait pour l’essentiel de recopier, quasiment mot à mot, ce que le professeur Frans Denissen (spécialiste incontesté de Baillon) a écrit il y a quelques années.
Pour le reste, le rédacteur de « Rivarol » semble assez choqué par le fait qu’André Baillon se soit suicidé et le traite de « fou », de type « complètement à l’Ouest » (sic), et d’homme dont «l’exemple n’est pas à suivre».
Ma foi, j’ignore pourquoi il faudrait forcément « suivre l’exemple » de quelque écrivain que ce soit. En outre, il est assez douteux que, même si beaucoup de gens voulaient « suivre l’exemple » de Nerval (autre suicidé), de Drieu ou de Crevel (encore des suicidés), il serait dit qu’ils parviennent à avoir autant de talent littéraire qu’eux. La question est là : André Baillon avait un talent infini, et l’on souhaite très bonne chance au rédacteur de « Rivarol » de jamais s’en approcher.
Pour ma part, je m’étonne et je m’amuse du fait que ma grand-mère, Marie de Vivier, soit carrément traitée de «démente». Diantre ! Une « démente » !…
Une « démente » qui a quand même publié énormément de romans et de livres (dont un roman sur moi : Cent pages d’amour, lettre à un petit garçon, Paris, 1971), qui fut la première à prendre la défense de Michel de Ghelderode, à qui Alexis Curvers dédia Tempo di Roma, et qui fut pendant des dizaines d’années une amie intime de Robert Poulet…
En effet, il faudrait peut-être que quelqu’un rappelle au journaliste de « Rivarol » que les écrivains devraient se juger sur leurs livres, pas sur leurs suicides (ou leurs tentatives de suicide). Il serait trop simple de dresser une liste de grands écrivains suicidés, et aussi des couples et des couples d’artistes, de grands hommes et de grandes femmes, qui se suicidèrent ou tentèrent de le faire. Et alors ?
Les qualifier de « complètement à l’Ouest » ou de « déments » est évidemment une vision d’un simplisme qui n’a guère besoin, me semble-t-il, d’être démontré…
Ma foi, pour qui s’intéresserait réellement à André Baillon, je conseille de lire cet article, que j’ai publié il y a quelques années dans la revue belge « Nouveaux cahiers André Baillon » de Frans Denissen. On peut le lire ici :
Et soyons heureux qu’il y ait des écrivains pour écrire de beaux livres, ou pour se suicider si tel est leur désir, car mieux vaut un monde de « déments » qu’un monde d’analphabètes ou d’idiots.
Olivier Mathieu
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