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MILIK AR SKAÑV DIT GLENMOR (1931-1996)

28 octobre 2013

« Mon nom c’est Émile Le Scanff, en traduction française Émile le Léger. « Glenmor » je l’ai choisi parce que je pense qu’en chaque homme il y a un certain poids de terre et un certain poids de mer et « glen » c’est l’ancien mot qui veut dire « terre », et « mor », la mer à l’infini qui est une image d’évasion. » (entretien daté de 1969).

« Milik » est un diminutif que l’on peut traduire par «  Milo, Mimile… »

*

SODOME :

http://www.youtube.com/watch?v=tVFVHBvwJ1M

*

Ils sont nés d’un amour bien trop vague
Ces enfants qui marchent les yeux pliés,
La crainte l’emporte et la peur divague,
Ils sont fils de rois, leur père était berger.
Ils sont l’empire des preux au cœur de la ville,
Sodome est leur gloire et Gomorrhe le berceau.
Le temps laisse leurs pas filer tranquilles,
Ils ont Paris sous le pied
La haine sous le manteau.
Ils ne sont beaux qu’à la lueur des nuits rances,
Leurs étoiles sont de néon,
Leurs paradis de bordels.
Sodome c’est Paris et Paris c’est la France ;
L’on y crève à genoux, l’on y vit tout pareil.
*
Sodome, ton empire de gloire et déchéance,
Le pauvre se doit de dormir debout ;
On ne loge que l’argent en douce France,
Le pauvre et le rat se terrent dans les trous.
*
Elles viennent d’ailleurs, par centaines,
Rêver d’argent qu’elles n’ont pas
Et d’amour qu’elles n’ont plus.
Elles ont quitté la Provence et la Touraine
Avec l’œil du conquérant en nouvelle tenue.
Elles sont jolies, les filles de nos campagnes
Que Paris voit venir bientôt matin,
Elles ne pleurent pas encore
Leur lointaine Bretagne ;
Elles ont le rire d’enfant
Paris les fait putains.
*
Et ceux-là qui traînent le rire au cœur de la nuit
En vivant de l’argent que la Bretonne a gagné,
Ont face honorable et sont gens bien assis ;
Sodome rime leur nom, on les fait députés.
*
Sodome, fleuron de la brigade mondaine
Qui fait son beurre au pied des maquereaux.
Ton nom porte en titre lumière en arme pleine,
L’ombre y couche l’enfant mais non pas le salaud.
On accroche l’histoire au pied de Notre-Dame,
Ce grand immeuble où l’on parle de charité ;
La chaise s’y vend et Paris s’y pâme
Quand Riquet le bavard y touche les entrées.*
C’est encore là que tout se vend ou s’achète
Au prix du vendeur, malgré le vendu.
On y porte l’honneur à hauteur de braguette,
L’on s’y fait une gloire en y montrant son cul.
Les couples heureux qui passent à l’histoire
Ont de Cocteau l’esprit
Et de Jean Marais la virilité.
Les orgies d’alcôve, les sabbats de mémoire
Ont Sodome pour église et Paris pour cité. (bis)

*

* « y touche » ou « y louche » ? « Riquet le bavard » : pas Riquet à la Houppe, mais  Michel Riquet (1898-1993) jésuite, docteur en théologie, résistant, déporté, « antifasciste », prêtre mondain surtout connu pour avoir été prédicateur à la mode parisienne en ses conférences de carême à Notre-Dame de Paris entre 1946 et 1955. Rappelons ce que disait, entre autres, Glenmor (croyant à sa manière et viscéralement anticlérical et antipapal) à propos de religion :   « Que Vénus me pardonne s’il me plait à louer / les amours d’une none et d’un brave curé. / Que Vénus ne s’emploie à me vouloir punir /  s’il me plait à chanter les odeurs du couvent / les fleurs du péché. /  Il faisait cabriole en lieu de confession », etc. (in Gavotte romaine).

*

NOUS NE FERONS PAS PLEURER PARIS :

*

http://www.youtube.com/watch?v=EC6dvcmykVI

*

Nous ne ferons pas pleurer Paris

sur tous les morts de ses guerres.
Nous ne ferons pas trembler Paris
aux portes de ses cimetières.
Ils sont couchés si loin, en franche Lorraine,
qu’ils soient Nord ou Midi, Flandres ou Savoie ;
ils sont terrés si bas, si grande la plaine,
que Paris les honore parce qu’ils ne dérangent pas
Les morts de la guerre (bis).
*
Nous ne ferons pas rire Paris
sur les sentiers de la misère.
Nous ne ferons pas chanter Paris
l’amour des hommes de la terre ;
ils sont penchés si bas,
le vent les tenaille,
qu’ils soient Sud ou Noroît,
Auvergne ou Bressan,
Ils ont rêvé si loin du bruit des batailles
que Paris les oublie
au creux de leurs champs,
les fils de la glèbe (bis).
*
Nous ne ferons pas prier Paris
sur les chantiers de la froidure.
Nous ne ferons pas rougir Paris
des mal-logés que la faim torture.
Ils ont tant tant subi
de mépris et de haine,
qu’ils soient noirs ou d’Asie
jaunes ou d’ailleurs,
Ils ont tant écrit
au livre de la peine,
que Paris les encarte
quand ils tremblent de peur,
les chiens de main-d’œuvre (bis).

*
Mais ils feront trembler Paris
parce qu’ils refusent la vérole
des princes de sang aux gueules d’aboyeurs,
mais ils feront hurler Paris
et ses gardiens de nécropole,
les flics sur le pavé trembleront de peur.
Quand un État se veut maître et policier
pour tenir sous le boisseau la rage des enchaînés,
quand les vents occitans
se font aux vents de Bretagne,
quand le chant de la plaine
mène la guerre des montagnes,
quand un peuple se lève
et s’essuie les genoux,
qu’il se dit « marche ou crève,
mais crève debout »,
Paris tu peux fermer
tes bagnes et tes galères,
tes remparts et tes rues
ont l’odeur des égouts,
Paris tu peux trembler,
tes esclaves sont en guerre,
tes fausses républiques
n’ont que faire chez nous.

 

From → divers

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