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ZOLA ET L’ART SOCIAL

2 Mai 2024

Pour connaître ce que pensait le vulgaire feuilletoniste Zola, au style tirage à la ligne et au vocabulaire réduit, qui s’est fait une fortune sur la misère sociale et ouvrière en particulier, aux personnages caricaturaux pour ne pas dire grotesques, celui qui énonçait parfois des théories sanitaires fumeuses encore à la mode à son époque, ou qui trouva bon de prendre comme modèle de l’artiste raté son camarade d’école et de jeunesse méridionales Cézanne (voir le livre L’Oeuvre de 1886) qui alors n’eut plus qu’à lui tourner le dos, et qui de toute sa vie n’a jamais défendu qu’une baderne minable et falote dont le peuple n’avait que faire, du temps où la République de gauche comme de droite, déjà, se vautrait dans des guerres de conquêtes coloniales, il suffit de s’interroger sur ce que ce jeune d’alors trente ans environ (il est né en 1840), fit à la fin de l’Empire et plus encore pensa, dit de la Commune de Paris.

Au moment de la guerre franco-prussienne, il échappe à la mobilisation à cause de sa myopie, et du fait qu’il est déclaré soutien de famille (de sa mère). Il quitte Paris avant son siège, gagne Marseille puis Bordeaux où se trouve le gouvernement de la Défense nationale. Il essaye alors de se faire nommer sous-préfet du côté de Castelsarrasin ou d’Aix-en-Provence, mais obtient finalement un poste de secrétaire du ministre « d’extrême gauche » (l’extrême-gauche de la fin de la monarchie et de l’empire) Alexandre Glais-Bizoin.

Puis il retourne à Paris en mars 1871 vers le moment où se met en place la Commune. Il reprend sa place à La Cloche, un journal pamphlétaire créé en août 1868, qui est dès le départ hostile à l’insurrection de la Commune. Il est arrêté par cette dernière le 20 et relâché le 21. Début avril, il s’indigne que certains journaux soient interdits par la Commune et, le 10, il est menacé d’être pris comme otage. Il prend alors la fuite en compagnie de sa femme en passant par Saint-Denis qui est sous contrôle des Prussiens. Il revient à Paris fin mai, après l’écrasement de la Commune.

De la fin mai (le 23) au début juin (le 3) 1871, il publiera treize lettres ouvertes sur la Commune dans Le Sémaphore de Marseille, où il se montrera ouvertement, viscéralement, hystériquement anti-communard. Ce qui n’exclut pas une haine de classe plus générale d’un bourgeois déclassé d’origine provinciale, à l’encontre du menu peuple. Sans avoir besoin d’acheter un volume de ses œuvres complètes, on peut le mesurer en lisant de simples extraits de celles-ci dans le document suivant : http://jeanpaulachard.com/Commune1871/EmileZOLA-LettresSurLaCommune.pdf

Il faut savoir que de 1871 à 1877, il fut le correspondant de la feuille marseillaise. En tout, celui qui ne fut finalement qu’un journaliste-feuilletoniste fournit plus de 1 800 articles à cette gazette qui selon ses dires le nourrissait bien.

Quelques morceaux de ces lettres, vraiment pris au hasard, de cet homme qui n’a jamais vibré que pour la ruine et un naturalisme anti-populaire, vulgaire, grossier, provocateur et argentifère, de réclame, de très mauvais aloi ; toujours à sombrer dans le bas et le médiocre et l’infect comme ici :

« Maintenant la farce est finie. Les bouffons vont être arrêtés. »

« Que l’œuvre de purification s’accomplisse ! »

«  Il paraît que certains établissements privés ont aussi été détruits. Les insurgés se sont acharnés sur tout ce qui était riche et beau. Toujours la convoitise ardente du misérable qui ne possède pas. C’est ainsi que les magasins du Louvre, du Petit-Saint-Thomas, du Bon-Marché, de Pygmalion auraient été la proie des flammes. Il y a peut-être là une vengeance féminine. Tous ces grands magasins de nouveautés, badigeonnés de pétrole, me font rêver au complot de quelque bande de mégères, qui n’ont jamais pu porter une robe de soie. »

« J’ai réussi à faire une promenade dans Paris. C’est atroce. Je ne reviendrai pas sur les spectacles lamentables dont vous trouverez la description dans tous les journaux. Je veux seulement vous parler des tas de cadavres qu’on a empilés sur les ponts. Non, jamais je n’oublierai l’affreux serrement de cœur que j’ai éprouvé en face de cet amas de chair humaine sanglant, jeté au hasard sur le chemin de halage. Les têtes et les membres sont mêlés dans d’horribles dislocations. Du tas émergent des faces convulsées, absolument grotesques, ricanant par leur bouche noire et ouverte.

Les pieds traînent, il y a des morts qui semblent coupés en deux, tandis que d’autres paraissent avoir quatre jambes et quatre bras. Oh ! Le lugubre charnier, et quelle leçon pour les peuples vantards et chercheurs de batailles ! »

« Justice [sic] a déjà été faite d’un grand nombre de ces misérables. Millière [qui n’occupa aucune fonction dans la Commune, mais qui fut pourtant fusillé devant le Panthéon], Martin, Vidal, Vallès [non], Amouroux [si c’est Charles, non], Vaillant [si c’est Édouard, non], Lefrançais [si c’est Gustave, non], Jourde [si c’est François, non], d’autres encore dont j’oublie les noms, ont été pris et fusillés hier. On annonce aussi la mort [sic] du peintre Courbet, qui se serait empoisonné dans sa prison, selon les uns, et qui suivant d’autres, y serait mort d’un coup de sang. Je ne crois pas au poison. Courbet était un gros homme, vaniteux et bête, que la croyance dans le succès de la Commune a pu griser, et qui s’est compromis avec l’espoir, depuis longtemps caressé, d’être ministre des Beaux-arts ; mais il n’était pas de la pâte dont on fait les grands courages et les fanatiques révolutionnaires.

Ah ! le pauvre homme ! ce sont ses amis, avec leur prétendu art social, qui l’ont jeté dans cette épouvantable catastrophe. Grand buveur, épaissi par la bière, d’une douceur d’enfant avec ses larges épaules, il n’était qu’un paysan matois, qu’un citadin déclassé, qu’un grand peintre très épris de sa peinture. Celui-là, je l’aurais remis en liberté, en lui infligeant, comme punition, de faire tous les ans une neuvaine devant la Colonne [Vendôme] remise debout. »

« Mais quel épouvantable contraste aujourd’hui ! Les tombes sont brisées, les fleurs meurtries sous les talons des combattants. Il semble qu’un ouragan ait passé dans ce champ de repos et soit parvenu à tuer une seconde fois les morts. Sur ce désastre sacrilège, le ciel gris mettait comme un crêpe de deuil.

Toute cette partie de cimetière [du Père Lachaise] est piétinée, comme si une lutte sauvage s’y était engagée corps à corps. Çà et là des marres de sang, des cadavres qu’on n’a pas même pris la peine de relever. J’ai vu un enfant de dix-sept ans, allongé sur une pierre blanche, les bras croisés, pareil à une de ces roides statues que le moyen âge couchait sur les mausolées. Plus loin, un garde national était tombé sur les pointes aiguës d’une grille et s’y trouvait encore accroché, plié en deux, horrible, comme un bœuf pendu à l’état d’un boucher. Du sang avait jailli sur des couronnes d’immortelles, et il y avait, le long des marbres, des empreintes de doigts sanglants, comme si quelque misérable, frappé à mort, s’était retenu aux encoignures avant de tomber.

Je ne puis tout vous dire, car l’horreur me monte à la gorge. Que les fossoyeurs fassent vite leur besogne, et que le cimetière reprenne son rêve silencieux et navré ! Vous ne sauriez croire quel effet produit une telle boucherie dans un cimetière. On n’y trouve d’ordinaire que le souvenir désolé de ceux qui ne sont plus, et ce brutal étalage de cadavres défigurés y blesse toutes nos délicates religions de la mort. C’est un charnier, bouleversé par la mitraille, taché de sang, ce n’est plus un refuge verdoyant et soigné où les veuves et les orphelins peuvent venir promener les douleurs de leurs souvenirs. »

«  Dieu nous protège de la peste !

Paris, à peine sauvé des fureurs de la guerre civile, est pris d’une panique nouvelle. Après la prise de Belleville et l’agonie suprême des derniers fédérés, il faut que nous soyons menacés d’un autre fléau.

Les bandits, qui, pendant leur vie, ont pillé et incendié la grande cité, vont l’empester par leurs cadavres. On craint que le choléra ne naisse de l’horrible massacre. Jusque dans leur pourriture, ces misérables nous feront du mal.

La tuerie a été atroce. Nos soldats, exaspérés par les incendies, empoisonnés par de fausses cantinières, tués à bout portant par des femmes, ont promené dans les rues une implacable justice.

Tout homme pris les armes à la main a été fusillé. Les cadavres sont restés semés de la sorte un peu partout, jetés dans les coins, se décomposant avec une rapidité étonnante, due sans doute à l’état d’ivresse dans lequel ces hommes ont été frappés. Paris, depuis six jours, n’est qu’un vaste cimetière, où les bras manquent pour ensevelir les corps. J’en ai vu dans toutes les rues, on en compte à l’heure qu’il est une dizaine de mille.

Et ce chiffre ne comprend que les insurgés […] »

«  Aujourd’hui Paris respire, et notre armée a retrouvé sa gloire militaire. » [mais pas contre les Prussiens!]

« Le bain de sang qu’il [le peuple de Paris] vient de prendre était peut-être d’une horrible nécessité pour calmer certaines de ses fièvres. Vous le verrez maintenant grandir en sagesse et en splendeur ».

Voilà qui était crûment ce petit journaleux.

Sans autres commentaires ! Si ce n’est que Zola ne fut jamais qu’un triste individu. Qui semble bien avoir eu le peuple en haine, sans jamais aucune compassion, mais du mépris, en digne (ou indigne) chef de file d’un naturalisme tout ce qu’il y a de plus bourgeois et inhumain. Naturalisme qui, du moins chez lui, fut toujours du côté du manche. Mais bien évidemment pas du côté de l’Art social.

From → divers

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