Aller au contenu principal

Україна на продаж – Ukraine à vend’

22 avril 2023

Hier je lisais qu’un certain Dmitro Korchinskiy, un bandériste ukrainien, qu’on a déjà vu appeler à brûler des églises pour la simple raison qu’elles appartiennent à l’Église orthodoxe ukrainienne canonique, branche du patriarcat de Moscou, était en colère contre une annonce « garage à vendre» écrite en russe.

Le problème, si l’on peut dire, c’est que la phrase « garage à vendre» s’écrit en russe et en ukrainien quasiment de la même façon. Ce qui rappelle la parenté étroite entre l’ukrainien et le russe, et on peut ajouter aussi le biélorusse. Tout trois issus d’un même fond vieux russe.

En russe : гараж на продажу ; qui se prononce généralement «garaj na prodajou»,  mais plutôt «haraj na prodajou» en russe méridional, «h» étant un son fricatif vélaire, une sorte de f ou de z prononcé du fond de la gorge).

En ukrainien : гараж на продаж ; avec un simple «у» en moins ; qui se prononce «haraj na prodaj».

Je précise en «ukrainien écrit», ce qui n’est qu’un reflet de la réalité de l’ukrainien en Ukraine.

En effet l’ukrainien est encore une langue où le poids des dialectes est bien marqué, bien plus qu’en russe par exemple ; et l’ukrainien écrit est moins la langue quotidienne de tous les ukrainophones que la langue uniquement scolaire, lettrée.

Sans vouloir trop développer ici, on peut rappeler que l’ukrainien en tant que langue écrite (tendant à une normalisation) est quelque chose de récent qui semble ne pas remonter en deçà du XIXe siècle.

L’Ukraine, pays totalement artificiel qui a été mis en place par le bolchévisme sans se préoccuper des réalités linguistiques locales, renforcé par les conséquences territoriales de la Seconde guerre mondiale (annexions de certaines contrées limitrophes à l’URSS), est une réalité composite dont le ferment d’unité depuis le début n’a pas été l’ukrainien mais le russe. La langue dominante dans la région, depuis plusieurs siècles, mais aussi celle du savoir, des sciences et techniques et aussi de la littérature russe qui est sans commune mesure, il faut le dire, avec la littérature ukrainienne.

C’est pourquoi lorsqu’on voit que les livres russes sont retirées des bibliothèques ukrainiennes et transformés en pâte à papier, on serait enclin au-delà de l’amertume, d’en rire. On peut se demander ce qui reste d’ukrainien dans les bibliothèques. De réellement ukrainien, je veux dire, de non emprunté au grand frère russe. Ou aux autres nations.

Il faut savoir que la plupart des Ukrainiens (tous les lettrés et scientifiques en particulier), même s’ils ne le parlent pas, ou pas vraiment, comprennent le russe couramment, renforcé par une proximité certaine entre les deux langues.

Pour schématiser : la langue des grandes villes et des grandes régions économiques (agriculture, mines, industrie, commerce maritime…) Kiev même, ou Kharkov, Odessa compris, etc. est le russe ; la langue des campagnes ou des régions les moins développées économiquement, est l’ukrainien (dialectal). Un russe à tendances méridionales qui a fait des emprunts à l’ukrainien.

On peut être tenté de voir comme représentant le plus accompli de l’ukrainien, l’ukrainien parlé en Galicie-Volhynie. Mais cette manière de présenter les choses n’est peut-être qu’une façon de conforter l’hyper-nationalisme bandériste d’une contrée qui pendant très longtemps n’a été qu’une région orientale de la Pologne méridionale.  

Toujours est-il que les cartes linguistiques de l’Ukraine montrent que plus on s’écarte de cette région vers l’Est et le Sud-Est et plus cette réalité révèle d’autres formes dialectales, et même non seulement la présence du russe, mais d’un dialecte intermédiaire totalement particulier qui emprunte à la fois à l’ukrainien et au russe, que l’on appelle le sourjik ou sourjyk, mot qui veut dire «mélange», et que l’on peut traduire par «méteil», mélange de céréales. (je ne dirai pas ici en quoi consiste ce mélange lexico-grammatical, j’en reparlerai une autre fois). Quand je dis «dialecte particulier», il faudrait dire «dialectes particuliers» de sourjik que l’on appelle également l’ukrusse.    

Langue mixte, sociolecte de gens ne parlant pas vraiment ukrainien, ni vraiment russe, qui représentait aux dernières statistiques 15 à 20 % de la population ukrainienne.

On ne peut ignorer non plus les diverses minorités linguistiques dues aux redécoupages des dernières années de l’ère stalinienne : hongroises, roumaines et moldaves, polonaises, ruthènes, biélorusses, rroms, grecques, bulgares, gagaouzes, tatars… Ajoutons-y encore le transakia, un mélange de biélorusse et de russe, tout au Nord-Est. Et j’en oublie.

Sachant enfin que la langue maternelle, la langue natale n’est pas nécessairement la langue de l’âge adulte.  Et qu’en ce domaine, le russe y gagne. Mis à part des cas caricaturaux comme celui du clown fou de Kiev dont la langue d’origine est paraît-il le russe.

C’est pourquoi la loi du 17 juillet 2019, sous zèle-en-ski, qui, de l’ukrainien, fait la seule langue officielle (ce qui n’était pas le cas jusqu’à maintenant), la seule autorisée à être employée par les autorités et institutions aussi bien nationales que régionales ou locales, ainsi que par les entreprises (seule exception le tatar en Crimée, déclarée elle aussi « langue du peuple autochtone ukrainien ») n’est absolument pas tenable.

Comme l’écrit Erwan Castel :

«Et cela fait 9 ans qu’en Ukraine des psychopathes au service des démocraties droitdelhommistes persécutent, terrorisent et tuent des russophones en prétextant vouloir défendre la langue ukrainienne contre la langue russe.

Parfois en regardant les nationalistes on se dit « ça y est ils ont touché le fond ! »

Et bien non, ils creusent, ils creusent !»

Autrement dit, ce sera peut-être le cas quand il ne restera plus grand chose de l’Ukraine. Certainement pas la Crimée (affaire réglée depuis 2014). Certainement pas tout le Sud et l’Est de l’ancienne Ukraine. Affaire en cours.  

Quand il ne restera plus qu’un semblant d’État croupion, La Galicie et les alentours de Kiev, peut-être. À moins que la Galicie elle-même ne soit réintégrée à la Pologne, comme il semble que ce soit le chemin pris. Grand bien leur fasse aux Polonais de récupérer le foyer de tout le bazar bandériste de la région.  

Et ce sera peut-être, pire encore, en pensant à cette Ukraine vidée de son sang le plus vivant. Et d’une partie des locuteurs ukrainiens, sans parler de russes, hongrois, etc. Toute une génération, voire plus qui a fui le pays sans volonté de retour, depuis des années pour certains, ou qui est en train de servir de chair à canon pour le plus grand bonheur du Natoland.

On parle d’une Ukraine qui serait passée d’une quarantaine de millions d’habitants à 25 millions !

Dernière remarque, on nous dit que les langues étrangères qui ont le vent en poupe en «icel lieu» est l’anglais, puis l’allemand, plus loin le français. Mais quid du russe ?!

Comment peut-on vouloir, rationnellement parlant, éliminer une bonne partie de ce qui a fait la spécificité ukrainienne, en agissant de cette sorte. Et tout en ayant à sa frontière orientale même le Russe (la personne) et le russe (la langue) honnis?!

From → divers

Commentaires fermés